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Jim Lopez

 

En tant que fan de Toto, il m’aurait été difficile de ne pas remarquer le parcours du français Jim Lopez en tant que guitar tech de Steve Lukather. Avant l’année 2010, je connaissais Jim que par le biais d’internet, dont le forum Totoweb, et j’étais loin d’imaginer cette belle aventure qui l’attendait. Le principal intéressé parle d’un rêve américain au sujet de cette expérience et il a bien gentiment accepté de répondre à mes questions pour vous la faire partager.

Peux-tu nous raconter comment est venue cette passion pour la guitare et quel était ton parcours de musicien avant de travailler pour Steve Lukather ?

J’ai commencé la guitare à l’âge de treize ans parce que cet instrument était présent à la maison, car mon père était également un guitariste sans prétention. À vrai dire, j’ai eu cette révélation après avoir découvert Mark Knopfler et Eric Clapton lors d’un passage télévisé. Il faut préciser que j’ai été bercé dans le rock avec Jimi Hendrix, les Beatles, les Rolling Stones et surtout Pink Floyd. J’ai toujours donné dans ce genre musical. J’ai commencé à m’y mettre sérieusement et j’ai fait tout un tas de choses comme des concerts, sans pour autant vouloir en faire mon métier. Par contre, j’ai toujours voulu connaître cet instrument au point que cela devienne une passion. J’étais vraiment intéressé par le son de la guitare électrique. Au fil du temps, j’ai voulu comprendre pourquoi certains guitaristes sonnaient d’une certaine façon et d’autres pas. Cela pouvait venir de la guitare et de son matériel, et j’ai toujours été dans cette quête perpétuelle du son de la guitare électrique. Au fil du temps, j’ai commencé à me construire mon propre système pour avoir un son proche de ceux de David Gilmour et Steve Lukather, les deux principales influences qui me bercent depuis les années 80. Ensuite, je suis entré dans un groupe, un trio intitulé Shunt, et on joue ensemble depuis plus de 25 ans. On a enregistré quelques albums et on a connu notre petite heure de gloire au début des années 90 avec quelques passages à la radio et à la télévision. Pour être franc, je n’étais pas vraiment intéressé par cette exposition, je suis quelqu’un qui préfère rester dans l’ombre. Je suis plutôt timide et pas celui qui va se mettre en avant sur une scène.

Ma priorité, c’était de garder cette passion intacte en n’en faisant pas mon métier. J’ai le sentiment que si j’avais dû en vivre, j’aurais vécu les choses autrement au risque de finir par m’en lasser.

Tu as cité Steve Lukather dans tes influences. As-tu quelques anecdotes dans ton parcours de fan sans te douter que tu travaillerais pour lui ?

J’ai une anecdote avec Luke qui reste pour moi inoubliable. Un jour, je suis allé le voir sur une tournée avec Los Lobotomys en 1994. Pour rappel, il jouait cette année-là avec Simon Phillips, David Garfield et John Pena et c’était un show extraordinaire. Steve Lukather était tellement à fond qu’il se jetait, de dos, dans le public et j’avais eu la mauvaise idée de me mettre juste en face de lui. Je me le suis pris quelques fois en pleine face, dont une fois au point qu’il tombe sur moi et se retrouve assis sur mon visage. Quelques années plus tard, je lui ai raconté tout ça alors qu’il ne s’en souvenait plus et on a bien rigolé !

Comment es-tu venu à être présent sur cette tournée promotionnelle de Music Man avec le groupe d’Aymeric Silvert au printemps 2010 ?

En tant que passionné de la guitare et du son, j’allais sur des forums dédiés pour répondre à de nombreuses questions et du coup, je présentais mon matériel qui restait assez proche de celui de Luke. C’est sur le forum Music Man que j’ai connu le guitariste Aymeric Silvert et un jour, je suis allé le voir jouer à Lille. Il faisait la première partie de Richie Kotzen alors je l’ai félicité pour ce bel événement. Il m’a répondu qu’un autre projet de grande envergure allait arriver et qu’il aurait sûrement besoin de moi. Je suis retourné chez moi à Bordeaux, sans trop en savoir plus, car Aymeric était resté assez mystérieux. Il m’a rappelé quelques mois plus tard en me disant que son projet allait se monter, me demandant de lui prêter mon matériel pour un guitariste avec qui il allait jouer. J’ai immédiatement accepté sans savoir l’identité du musicien, car Aymeric est quelqu’un de confiance. Il a fini par me dire qu’il s’agissait de Steve Lukather et je suis tombé à la renverse !

Je me suis alors dit que j’allais lui construire un système qui se rapprochait du sien. Je fais allusion au système en rack concocté par Bob Bradshaw, et j’ai voulu me rapprocher au maximum de ce matériel pour que Steve se sente à l’aise. Cela passait par des emplacements de pédales similaires avec la même sorte d’ampli.

Quelques semaines plus tard, une fois le système finalisé, Aymeric m’a rappelé pour me dire que Luke avait également besoin de mes services en tant que guitar tech. Au départ, j’étais seulement parti pour prêter le matériel et au final, j’allais faire cette tournée avec lui !

Peux-tu nous raconter cette première expérience à travailler avec Luke ?

J’étais complètement fasciné par cette rencontre et, je l’avoue, j’étais un peu intimidé et stressé. Luke m’a mis rapidement à l’aise, car c’est quelqu’un d’extraordinaire alors que je parlais très peu anglais à l’époque. On s’est très vite compris tous les deux et j’ai vite cerné ses besoins. Le but, c’était de les anticiper pour gagner un maximum de temps et être efficace. Je savais que c’était un perfectionniste qui avait forcément des exigences qui sont légitimes. Je souhaitais devancer toute demande qu’il pourrait me faire, car j’avais moi aussi une certaine exigence envers moi-même. Je restais un fan qui souhaitait qu’il puisse avoir une bonne image de moi pour cette tournée. Je ne voulais pas qu’il soit déçu d’être venu en France pour faire ces dates. Finalement, la tournée s’est bien déroulée et je me suis dit que j’avais vécu mon rêve en rencontrant et travaillant pour mon idole. Dans mon esprit, l’aventure était terminée, mais je pourrais dire que j’avais été le guitar tech de Steve Lukather !

Peux-tu nous faire partager le moment où le guitariste t’a contacté pour t’engager sur ses tournées ?

Quelques mois plus tard, je lui envoie un message pour lui souhaiter de bonnes vacances pour le mois d’août 2010. Il me répond sur mon mur Facebook, à la vue de tout le monde, en me demandant si j’étais disponible au mois de novembre pour participer à sa prochaine tournée en solo. Au départ, je n’avais pas vu sa réponse et lors de ma connexion, je me suis retrouvé avec plein de notifications venant de mes potes, complètement excités, qui m’encourageaient à accepter. Sur le coup, je ne comprenais rien à tout ça et j’ai fini par réaliser que cela venait de ce message de Luke pour devenir son guitar tech. Bien entendu, j’ai continué mes échanges avec Luke en privé, mais cette première demande s’est déroulée ainsi et ça reste un souvenir inoubliable et drôle !

J’étais d’autant plus stressé que, cette fois-ci, j’allais être le seul français sur cette tournée. À l’époque, je travaillais chez Michelin et j’avais posé un congé de trois semaines pour des dates en Europe. Dès la deuxième date, il m’a demandé de quitter Michelin pour de bon afin de signer un contrat avec lui et faire ainsi le tour du monde. Il m’annonçait cela à ma grande surprise et je ne pouvais pas lui répondre immédiatement. Il revenait de temps en temps vers moi afin de savoir si j’avais pris une décision, mais je voulais en parler à ma femme avant, car j’avais aussi ma vie de famille avec des enfants et un travail. Ce n’était pas simple…

On a terminé cette tournée avec une dernière date en Angleterre sans que je lui donne une réponse, mais j’ai fini par le rappeler deux jours plus tard pour lui dire que j’acceptais. J’étais donc présent à Helsinki avec lui pour entamer une année 2011 qui a été extraordinaire !

À ce moment-là, dès le départ, il t’a annoncé que ce serait pour travailler sur ses tournées en solo, mais aussi celles de Toto ?

Oui, il a été très clair à ce sujet : il voulait que ce soit moi qui l’accompagne durant toutes ses prestations, que ce soit en solo ou avec son groupe. J’en étais très touché en tant que passionné, cela m’a vraiment fait plaisir. D’un autre côté, j’avais un peu peur d’en faire mon métier, car cela impliquait un grand changement et bouleversement dans ma vie. D’autant que je ne commençais pas petit puisque je travaillais avec l’un des plus grands guitaristes de la planète, c’était vraiment le rêve américain !

Au-delà de l’aspect technique, est-ce que ce sont vos rapports humains qui ont également pu influencer sa décision de t’engager ?

Cette complicité entre nous, avec des liens qui se tissent, a débuté lors de cette seconde tournée ensemble. On a vraiment commencé à se connaître à ce moment-là. Ensuite, lorsque j’ai quitté Michelin pour travailler avec lui, c’était encore plus fort et on est devenu de bons potes. On est obligé d’être proche de quelqu’un comme lui, car c’est un être exceptionnel. Lorsque tu es son bras droit au niveau de la technique, tu te dois de tout anticiper et de te mettre en quatre pour lui. C’est quelqu’un que j’ai appris à aimer, car on a passé tellement de temps ensemble. Tu dors dans le même bus que lui, le matin tu prends le petit déjeuner avec lui et sa présence finit par devenir ton quotidien.

Toute cette complicité est venue progressivement, car, lors de la première tournée avec Aymeric, on n’a pas ressenti immédiatement cela. Mais dès que j’ai signé avec lui et fait la connaissance de Steve Weingart, son directeur musical, ou son batteur Éric Valentine, j’ai découvert toute son équipe et cette entente entre tout le monde, j’étais beaucoup plus à l’aise et tout s’est fait naturellement.

D’autant que lors de cette première tournée solo de novembre 2010, tu avais forcément plus de responsabilités que sur celle avec Aymeric ?

Oui, complètement, cela n’avait rien à voir. Pour la première fois, j’avais récupéré le matériel de Luke et j’ai été surpris, car ce n’était pas ce que j’imaginais. Je m’attendais à quelque chose de plus léché et ce n’était pas dans en très bon état. Il a fallu refaire quelques travaux dont régler quelques guitares dans un son comme il les aime. Au niveau du rack, j’ai refait quelques bricoles et c’était avant tout un travail de maintenance dans les premières semaines, et je ne m’attendais pas à ça. Du coup, j’ai galéré un peu les premiers temps. Ensuite, il a complètement changé de conception dans son matériel et tout est devenu plus facile, car il savait où il allait. Il faut dire qu’il était en pleine période de transition dans ce domaine. Il changeait de type (j’irai même jusqu’à parler de concept) de guitares, avec des micros passifs et micros actifs. Au niveau du son, il jouait avec beaucoup moins de Gain (niveau d’entrée du pré-ampli guitare) dans ses solos d’autant qu’avant il rajoutait des pédales pour pouvoir gonfler son propre son. Il jouait aussi avec un HF (un système sans fil) et c’était des choses qui le polluaient dans ses sonorités. Désormais, il est beaucoup plus organique, plus pur et punchy, allant à l’essentiel. On aime ou on n’aime pas, mais c’est vraiment ce qu’il voulait et il y est parvenu. Il travaille toujours dans ce sens-là, car il veut simplifier son système. C’est quelqu’un qui est en évolution constante, aussi bien dans son jeu que dans sa quête du son. C’est également valable pour ses compositions et ses textes, c’est un musicien qui sait évoluer en étant à l’écoute des autres.

Concrètement, peux-tu nous raconter dans le moindre détail tout ce que ça implique d’être le Guitar Tech de Steve Lukather ? J’ai souvenir de t’avoir vu charger et décharger le matériel lors des tournées et j’avais le sentiment que mine de rien, c’était du boulot !

Oui, c’est du boulot, mais ce n’est pas pour autant la mine ! (rires) Il faut vraiment être concentré bien avant le show, car cela implique une grosse préparation en amont. Au moment des balances, il faut que tout soit parfait et même s’il n’y a pas de balances d’ailleurs ! Il y a ce stress permanent qui est là, car même tout au long du concert, j’écoutais chaque note jouée par Luke afin de déceler et anticiper le moindre problème. Cela peut venir de tous les aspects techniques, aussi bien du pédalier, des câbles que de la guitare. Il fallait toujours être là et répondre présent si besoin. C’est vraiment le rôle du guitar tech de se mettre au service de l’artiste au point de devenir son ombre.

Oui, le fait de changer de guitare selon les morceaux pendant le show, c’est aussi une de tes tâches. Peux-tu nous l’expliquer un peu plus en détail ?

Oui, c’est aussi du travail en amont. On choisit les guitares selon leurs accordages différents en sachant qu’elles seront utilisées pendant 2-3 chansons. Par exemple, sur un titre lors du final, il pourra jouer un solo très lifté alors je préfère la récupérer afin de la préserver pour le morceau en question. Toutes ces choses-là, c’est un gros travail de préparation en coulisses.

Et tu n’as jamais vécu de gros incidents techniques durant les concerts ?

Non, je n’ai jamais vraiment eu de soucis de ce genre, mais je me souviens du seul problème que j’ai eu. C’était un concert qui était retransmis à la télévision allemande. Il jouait encore avec son système HF à ce moment-là, et tout s’est déroulé normalement lors des balances. Ensuite, les caméramans sont arrivés pour filmer le show et avec leurs intercoms (systèmes avec casques et micros) ils ont créé des interférences avec le matériel de Luke. On n’a pas vu la chose venir, car tout s’est passé au milieu du show. J’ai entendu un crash et Steve s’est retourné de suite. Je n’ai pas hésité longtemps, car j’avais toujours un câble de secours donc je l’ai branché à sa guitare en le substituant au système HF. Il y a eu un moment de flottement qui n’a pas duré dix secondes au final. C’est le seul problème technique que j’ai eu avec lui durant un show, excepté un autre souvenir qui me revient à l’esprit. Il avait renversé de l’eau sur son pédalier et j’ai dû éponger le tout sur scène alors qu’il continuait à jouer. Du coup, il s’est mis à s’asseoir sur moi avec l’aide de Joseph Williams ! J’étais le clown de service durant le spectacle ! (rires)

Tu es fan à la base : est-ce qu’il est préférable de mettre ce sentiment de côté pour bien aborder l’aspect professionnel des choses ?

Le fait d’être son guitar tech ne m’a jamais empêché d’être fan. Durant les shows, il fallait que je l’écoute, car ça faisait partie de mon job, mais c’était aussi un plaisir de fan et je ne m’en lassais jamais. Je buvais littéralement ses notes et je crois l’avoir écouté jouer comme personne en tant que guitar tech et fan de lui. Je ne ratais rien de ce qu’il faisait, et il ne s’en rendait pas compte, mais tout ce qu’il faisait, c’était vraiment extraordinaire. Le fait de se remettre en question chaque jour et de se mettre en danger, c’est démentiel. C’est une mise en danger, car il part dans des solos et on ne sait pas où il va aller. Il tente des choses et trouvera toujours la bonne direction ! Il est fort dans sa manière d’improviser et de transmettre des choses à son public lorsqu’il joue ! Il est vraiment doué et le fait d’être fan n’a jamais interféré dans l’aspect professionnel et inversement !

Tu as été également le guitar-tech de Steve Lukather lors des tournées de Toto. Est-ce que cela implique un matériel et des tâches similaires lorsqu’on sait qu’il s’agit d’une plus grande logistique que lors des tournées en solo? Quelles sont les différences entre les deux ?

Les tournées solos restaient un peu plus fatigantes, car Toto est une plus grande structure et du coup, j’avais beaucoup moins de manutention, car nous sommes bien plus nombreux comme techniciens avec le groupe. Par contre, lors des tournées solos, nous étions tous dans le même bus alors qu’avec Toto, le groupe et les techniciens voyagent chacun de leur côté. Du coup, l’ambiance reste différente de ce point de vue.

Au niveau du matériel de Luke, que ce soit avec Toto ou en solo, c’est exactement le même qui est utilisé, même si le nombre de guitares peut varier en fonction de la set-list.

Parfois, on est parti faire quelques événements sans son matériel, juste une guitare tandis que j’avais trouvé des amplis et amené quelques pédales, et il sonnait aussi comme un dieu, car il a le son dans ses doigts. C’est un magicien !

Les tournées de Toto, c’est également être en contact avec les autres membres, notamment lors de répétitions à Los Angeles. Aurais-tu des anecdotes et souvenirs liés à cette destination ?

C’était une aventure extraordinaire et il m’en faudrait du temps pour raconter ces moments-là ! Lorsque tu te retrouves dans cette salle de répétitions pour la première fois et que tu vois Steve Porcaro venir se présenter à toi comme si tu ne savais pas qui c’était, c’est juste incroyable ! Idem pour Simon Phillips qui vient vers toi s’annoncer alors que tu es archi fan…

La relation avec eux était superbe, car ils sont tous vraiment gentils. J’ai également bossé pour Nathan East et ce gars est un délice, un amour tout simplement. Tous ces gens-là ont un talent phénoménal dans leurs doigts, un charisme, une intelligence avec la gentillesse en plus. C’était vraiment super de travailler avec toutes ces personnes, aussi bien le groupe que toute l’équipe technique. Ce fut que du bonheur !

Lors de mon arrivée à Los Angeles pour les répétitions, j’avais rendez-vous avec le tourneur de Toto, Galen Henson. On se retrouve à l’aéroport et il me conduit à mon hôtel. Arrivé là-bas sur le parking, je vois Luke qui m’attend les bras croisés, adossé à sa voiture. Il m’annonce qu’il est hors de question que j’aille à l’hôtel et m’invite chez lui. Je suis donc parti avec lui et j’ai passé quinze jours dans sa maison à Hollywood. On faisait un footing ensemble le matin et on mangeait thaïlandais le soir. Il m’a beaucoup donné en m’accueillant ainsi. Il est vraiment d’une grande générosité, un type extraordinaire !

J’ai souvenir de cette première date à Bruxelles le 21 juin 2011 et à cette occasion, Steve Lukather avait un câble, et non un système HF, pour sa guitare. Peux-tu nous expliquer comment est venu ce choix ?

Lorsqu’on a entamé les répétitions à Los Angeles, Steve venait de changer de concept pour son matériel. Ce n’était plus un système en rack, mais un pedal board avec deux amplis. Du coup, il a commencé à répéter avec un câble, mais souhaitait tout de même que je lui installe le système HF. Une fois que ce fut chose faite, Luke m’a demandé de remettre le câble, car il trouvait que ça sonnait bien mieux comme ça. Du coup, il a pris cette décision et je lui ai fabriqué ce long câble utilisé pour les tournées.

En tant que technicien de la guitare et fan de son jeu, tu connaissais bien le personnage de Steve Lukather. Est-ce que tu aurais pu travailler avec un autre guitariste de renom sans pour autant être fan de ce dernier ?

Je dirais non pour plusieurs raisons. Je n’aurais jamais accepté d’être guitar tech pour un autre musicien, car jamais je n’aurais pu retrouver avec un autre cette complicité vécue avec Luke…

Être le guitar-tech de Steve Lukather, ça implique forcément une notoriété chez les fans de Toto. Comment as-tu géré cela, entre les demandes d’amis sur Facebook et les sollicitations que cela peut engendrer ?

Je vais t’avouer qu’au départ, j’ai trouvé cela étrange. Je ne comprenais pourquoi j’avais toutes ces demandes et sollicitations, mais d’un autre côté, c’était sympa. Il y a des gens qui aiment ton aventure et tu leur rends un peu de cette affection en publiant des photos des concerts. Après, tu reçois de nombreux messages avec un grand nombre de questions, sans vraiment avoir le temps de répondre, et c’est pas toujours évident. Je me souviens avoir dit à Luke que j’avais de plus en plus de mal à gérer mon compte Facebook, mais il m’a répondu que la communication faisait partie de notre job. J’avais toujours été dans l’ombre et d’un seul coup, je me suis retrouvé dans la lumière.

J’ai quand même été amusé de vivre certaines situations. Parfois, lors des tournées, des gens me reconnaissaient dans la rue et me demandaient de poser avec eux pour des photos. Tout le monde m’appelait par mon prénom durant les soundchecks. Au Japon, j’ai même signé des albums de Toto, sans vraiment me sentir légitime pour cela ! Je me suis donc prêté au jeu même si je sais que je ne suis pas une star ! (rires)

Es-tu resté en contact avec Steve Lukather et est-il possible qu’un jour tu travailles de nouveau avec lui ?

On est toujours en contact, on s’écrit de temps en temps et chaque que j’ai l’occasion d’aller le voir quand il est dans le coin, c’est avec plaisir. Il restera mon ami quoiqu’il arrive. Au sujet de retravailler avec lui, je ne sais pas. On ne sait jamais de quoi est fait l’avenir, mais en attendant, je sais qu’il travaille avec Jon Gosnell depuis quelques années. Je sais que c’est un gars super, très dévoué à sa tâche et qu’ils s’entendent très bien tous les deux. Du coup, je ne vois pas pourquoi il aurait besoin de moi. De mon côté, je suis aussi très pris par mon travail aujourd’hui. Est-ce qu’un jour je retravaillerai avec lui ? Je ne sais pas, mais je n’oublierai jamais qu’il a transformé ma vie.

En conclusion, quels souvenirs garderas-tu de cette expérience ? Était-ce comme tu l’avais imaginé en te lançant dans cette aventure en 2010 ?

Pour moi, c’est le rêve américain ! Tu n’es rien et du jour au lendemain, tu travailles avec le meilleur. Il n’y a qu’avec des Américains que tu peux vivre ce genre d’expérience. Dans nos sociétés, en France, tu auras toujours quelqu’un au-dessus de toi pour t’écraser et t’empêcher de gravir les échelons. Avec eux, c’est complètement différent.

Je n’ai pas précisément un meilleur souvenir de cette période, car j’ai apprécié cette aventure dans sa globalité. J’ai appris énormément de choses, tous les jours, sur le plan artistique et technique, tout comme sur le plan humain. En travaillant avec quelqu’un comme Luke, tu es obligé d’apprendre et de progresser dans le métier, car il a une telle carrière et expérience avec des anecdotes à te faire partager.

Ce n’est que du bonheur à voir et à découvrir chaque minute et les bons moments te font oublier les instants où ta famille te manque. Il faut savoir que le groupe Toto et son équipe, c’est comme une famille et tout le monde est heureux d’être là ! Je me suis retrouvé dans une autre culture à penser dans une autre langue, et j’ai beaucoup appris durant toutes ces années comme guitar tech de Steve Lukather !

http://www.jimzepol.com/

BRICE NAJAR
FRANCE

Né à Annecy en 1979, il est l'auteur de quatre ouvrages liés à l'univers musical de Michael Jackson. "Itinéraire d’un passionné" et "The Jacksons : Musicographie 1976-1989" sont parus en 2013 et 2014. Chacun de ces deux livres, bien qu'indépendant, est donc le complément idéal de l'autre. Pour son projet suivant, Brice reste dans cette même thématique musicale mais dans un concept différent. "Let's Make HIStory", paru en 2016, est un recueil d'entretiens avec des protagonistes du double album "HIStory" de 1995. En 2020, l’auteur complète son sujet avec un nouvel ouvrage intitulé "Book On The Dance Floor". Une façon de décrypter le travail en studio du Roi de la Pop.

Disponible