Queen : The Studio Experience Montreux

Montreux, Août 2018

La ville de Montreux est un lieu que j’apprécie mais jusque-là, je n’en avais profité que durant son réputé festival de Jazz du mois de juillet. Le contexte pouvait sembler différent en se rendant dans la cité helvétique au mois d’août, mais c’est ainsi que j’allais redécouvrir les lieux avec quelques cohues en moins et sans l’odeur des frites sur le grill (même si j’adore ça…) sous le son des saxophones !

Eh oui, le cadre est forcément différent avec cette affluence bien plus réduite. D’autant que cette fois-ci, les nombreux stands ne sont plus là pour me cacher le Lac Léman et sa vue sur les montagnes. C’est une sensation de calme et de repos qui domine notre esprit, et le regard ainsi que la perception de cette ville ne peuvent être que différents. Le temps a ainsi moins d’emprise sur nous, sans ce besoin de scruter l’heure et autres impératifs valables le temps du festival.

Dans ce contexte, je ne pouvais que vouloir visiter cette cité plus en détails et tenter de la décrypter. Une tentative de comprendre pourquoi tant d’artistes ont aimé ce lieu pour s’en imprégner et puiser ainsi leur inspiration. L’un des nombreux exemples est indéniablement Freddie Mercury, à l’image de sa statue se trouvant à la Place du Marché, au bord du Léman. Bien entendu, j’avais déjà vu cette oeuvre durant mes précédentes venues, mais cette fois-ci j’étais décidé à approfondir le sujet de ce lien cimenté entre le chanteur de Queen et la cité de la Riviera Suisse.

Tout a commencé lorsque le groupe vient enregistrer aux Mountain Studios de nombreuses sessions pour son album « Jazz » en 1978. Nous sommes loin de l’ambiance « Sex, Drugs and Rock’n Roll » dans cette commune du canton de Vaud, mais sa quiétude ainsi que les qualités sonores du studio feront tomber la formation britannique sous son charme. En effet, dès l’année suivante, de retour à Montreux pour mixer son album « Live Killers », le groupe rachète le Mountain Studios. Il le conservera jusqu’en 1993, l’année où leur ami David Richards prend le relais. Une cession toute naturelle car ce dernier était déjà l’ingénieur du son en charge du studio lors de la première venue de Queen en Suisse et il resta impliqué en tant que producteur associé de chaque opus réalisé en terre helvète. David finira par déplacer le Mountain Studios en 2002 à Attalens, mais qu’importe, le lieu se voit offrir une seconde vie le 2 décembre 2013. Ainsi, l’âme et l’univers de Queen sont idéalement restitués dans le musée « Queen The Studio Experience », inauguré par son guitariste Brian May.

Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce lieu de pèlerinage pour les fans de Queen et de la musique en général. Mon GPS a alors la délicatesse de me diriger vers le célèbre Casino de Montreux, l’occasion de penser à son incendie de décembre 1971, lors d’un concert de Frank Zappa. A quelques mètres de là, Deep Purple, de son hôtel, s’inspira de cet incident pour écrire et enregistrer « Smoke On The Water ». Toutefois, je ne pense pas aux roulettes, ni aux machines à sous, bien que ça pourrait être mon jour de chance (encore que je n’ai jamais vu un casino fermer…). J’avais pourtant mes papiers d’identité faisant foi de ma majorité dans le cas où je gagnais le gros lot… mais je m’égare ! Le but de mon déplacement est avant tout d’apprécier ce bel hommage à Freddie Mercury. L’occasion de m’imprégner de l’ambiance de ce studio qui ne compte pas moins de sept albums enregistrés à son actif par le groupe Queen.

Je n’ai pas encore pénétré à l’intérieur du casino que la visite commence déjà : à l’extérieur, le mur d’origine ainsi que la porte d’entrée de l’époque (aujourd’hui condamnée) sont recouverts de messages de fans. Ils sont venus des quatre coins du monde pour écrire sur ce mur, et on ressent déjà toute la passion et une sorte de délivrance d’exprimer tout cet amour pour leurs idoles. On voit même de nombreux dessins, réalisés avec talent, sans oublier des messages pour souhaiter un bon anniversaire à Freddie et quelques clins d’oeil à la discographie du groupe. Je remarque également quelques messages venant des fans de Michael Jackson : on ne se refait pas ! Pour la petite HIStoire, le Roi de la Pop est venu réaliser ici quelques sessions pour son album « Blood On The Dance Floor » en janvier 1997. Ces premiers instants de ma visite sont forts agréables à ressentir toute cette chaleur humaine. Ce mur est un lieu de recueillement qui permet aux fans de s’exprimer et d’être également des acteurs de ce « Queen The Studio Experience ».

Je finis cependant par me diriger à l’intérieur, voulant découvrir le contenu de l’exposition avec ce sentiment mêlant curiosité et impatience. Je me dirige immédiatement sur la gauche, guidé par quelques objets servant d’apéritif au programme comme quelques vitrines contenant merchandising, tenue de scène et un flipper Flash Gordon (dont Queen avait enregistré la B.O.F.). Je remarque également une grosse caisse avec le sigle de The Mercury Phoenix Trust qui fait office de grosse tirelire. Il faut préciser que la visite du musée est totalement gratuite mais un don de la part de chaque visiteur reste le bienvenu. Il permettra ainsi de venir en aide à cette fondation créée pour la lutte contre ce fléau toujours d’actualité en 2018. Je veux bien entendu parler du virus du SIDA.

Juste le temps d’apprécier la pochette de « Made In Heaven » et une photo de concert agrandis sur plusieurs mètres, et je me dirige enfin à l’intérieur du musée, guidé par la voix de Freddie qui sert idéalement de fond musical. Et là, je suis sur le point de découvrir l’histoire de chacun des sept albums enregistrés par Queen dans ce Mountain Studios. Au fur et à mesure de nos pas, chaque album est chronologiquement raconté sur les murs sous formes de frises. J’apprends alors que Freddie a eu l’idée de la chanson « Bicycle Race » en assistant au Tour de France (qui passait donc en Suisse en 1978…). Idem pour « Under Pressure », née suite à une session improvisée durant toute une nuit avec David Bowie qui passait par là. Ce ne sont que des aperçus des nombreuses histoires qui font le ciment entre Montreux et la bande à Freddie, et on ne peut que prendre plaisir à s’immerger au sein de l’univers de Queen dans ce contexte. On ne peut qu’admirer ces nombreuses vitrines regroupant de véritables trésors. Je pense aux nombreux authentiques costumes de scène, ces quelques vinyles et nombreuses notes manuscrites. J’ai alors l’impression d’être une petite souris, tellement chanceuse qu’elle est de passage alors que le groupe est en plein travail. Je scrute ces nombreux clichés de sessions en me demandant si en cet instant, Queen a conscience de contribuer à l’histoire de la musique.

Les instruments ne sont pas oubliés puisque nous pouvons également admirer la batterie de Roger Taylor. C’est d’ailleurs celle utilisée pour la mémorable performance au Live Aid en 1985 (j’étais au Cours Préparatoire, mais vous vous en foutez…), connue comme l’une des plus emblématiques de la formation britannique ! Bien entendu, une basse de John et une guitare de Bryan sont de la partie mais je remarque également un synthétiseur Yamaha qui fait office d’outil de travail dans la composition. C’était le cas notamment pour le tube « Who Wants To Live Forever », comme l’atteste les informations du musée. Un cendrier (Freddie avait systématiquement sa clope au bec !) près d’un ampli et un jeu de scrabble (quel membre du groupe gagnait !?) enrichissent le décor pour mieux nous plonger dans cette intimité. Dans le monde des dieux de la musique, il est bon d’ajouter cette once d’humanité pour nous rappeler qu’ils sont finalement d’une grande simplicité.

La visite se poursuit dans un petit coin cinéma avec un mini-documentaire nous présentant quelques images de la formation britannique dans la cité helvétique. Une façon de nous confirmer que tout cela a bien existé (alors que de nombreuses fictions ne sont pas aussi romanesques !) et que nous vivons l’histoire de très près avec cette expérience en studio en la touchant du bout des doigts.

Le meilleur pour la fin ! Direction la table de mixage avec la salle d’enregistrement pour une écoute dans des conditions optimales. Je distingue alors une plaque au sol mentionnant que Freddie se trouvait à cet endroit pour enregistrer « Mother Love », sa dernière composition. Je poursuis ma visite en remarquant un enregistreur à bandes analogiques. J’apprends qu’il se nomme le Studer et qu’il offre la possibilité d’utiliser 24 pistes. Je scrute ensuite d’autres machines, mais mon statut de néophyte ne me permet pas de décrypter leurs fonctions exactes. Qu’importe, je vais me diriger vers la table de mixage pour choisir le morceau que je vais écouter. Elle est une fidèle reproduction de celle de l’époque mais ses fonctions se limitent au mixage de quelques pistes contenant uniquement les voix et les instruments. Cependant, le matériel sonore offre bien une écoute en quadriphonie. C’est ainsi que je vais savourer « Made In Heaven » avec une introduction de Roger Taylor suggérant de bien mettre en avant la batterie dans le mixage. Je ressens alors toute l’ambiance de l’album posthume de 1995 à cet instant. Des sentiments mêlant la passion de l’écoute et le recueillement en se souvenant que Freddie a passé énormément de temps entre ces murs pour ses derniers mois d’existence. En 1991, l’album « Innuendo » venait pourtant à peine de sortir que le leader de Queen, se sachant condamné, voulait passer du temps en studio et offrir un maximum de matériel pour les autres membres du groupe. On ressent vraiment cette ambiance particulière, comme si son âme errait dans ce « Queen The Studio Experience ». On ne peut que conseiller ce lieu à tous les fans, ils seront ainsi en pèlerinage.

Mon tour du musée s’achève et il est toujours délicat de quitter un lieu qu’on apprécie et dans lequel on se sent bien. Je souhaite prolonger ces instants dans l’univers de Freddie et je décide de me rendre dans la propriété qu’il louait, aux environs de Montreux, dans les années 80. Le matin même, j’étais venu repérer le bâtiment comprenant l’appartement qu’il avait acheté et rénové à la fin de sa vie. Avec la visite de la « Duck House » (face au lac Léman et ses quelques canards, forcément…) la boucle sera bouclée ! Je me rends donc à Clarens (sans trop me presser non plus, méfiez-vous des radars en Suisse…), une commune limitrophe de Montreux, et fort heureusement, l’adresse mentionnée sur le net est bien exacte ! Cette Rue du Lac est si bien nommée ! Aujourd’hui, le lieu est une propriété privée appartenant à un médecin et ce dernier n’a pas forcément envie qu’on sonne à sa porte, à moins de rejouer une scène du Malade Imaginaire ! Je vais donc devoir me résoudre à un autre rôle, celui d’un apprenti paparazzi pour prendre quelques clichés en souvenir de la pochette de l’album « Made In Heaven ». Me dirigeant sur une place de parking voisine (oh, la belle Porsche ! Non, je ne la raye pas…?! ), je parviens à prendre en photo ce garage à bateau si célèbre mais je ne pourrais guère faire mieux. J’aurais pu suggérer à Bryan, Roger et John de revenir prendre la pose mais les nombreuses contraintes liées aux emplois du temps respectifs de chacun, vous savez ce que c’est…

Qu’importe, j’ai prolongé mon aventure jusqu’au bout, et dans cet élan de satisfaction, je savoure l’air de la Suisse à plein poumons. Freddie avait raison de venir ici pour se ressourcer : merci à lui de nous avoir guidés jusqu’ici… Et comme disait si bien notre ami Schwarzy dans « Terminator » : « Je reviendrai ! »

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BRICE NAJAR
FRANCE

Né à Annecy en 1979, il est l'auteur de quatre ouvrages liés à l'univers musical de Michael Jackson. "Itinéraire d’un passionné" et "The Jacksons : Musicographie 1976-1989" sont parus en 2013 et 2014. Chacun de ces deux livres, bien qu'indépendant, est donc le complément idéal de l'autre. Pour son projet suivant, Brice reste dans cette même thématique musicale mais dans un concept différent. "Let's Make HIStory", paru en 2016, est un recueil d'entretiens avec des protagonistes du double album "HIStory" de 1995. En 2020, l’auteur complète son sujet avec un nouvel ouvrage intitulé "Book On The Dance Floor". Une façon de décrypter le travail en studio du Roi de la Pop.

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