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Toto

Halle Tony Garnier, Lyon

Mardi 27 Mars 2018

 

Nous sommes le mardi 27 mars 2018 et cette date est marquée à l’encre rouge sur mon calendrier depuis pas mal de temps. Je n’ai pas si souvent l’occasion d’aller à Lyon, mais je ne profiterai pas de la gastronomie locale cette fois encore. Que mon pèse-personne se rassure, ce sont mes yeux et mes oreilles que je vais rassasier à défaut de mon ventre. Il est vrai qu’assister à un concert de Toto ne se refuse pas, et que la Halle Tony Garnier vaudra bien tous les meilleurs bouchons de cette belle ville. De toute façon, lors de mon arrivée dans la capitale de la Gaule Romaine (si, si, je suis friand d’histoire !…), il est déjà 16 heures et ce n’est pas vraiment le moment approprié pour déguster quenelles et autre rosette.

La session Meet & Greet va débuter à 16h30 et en cette occasion, j’aime autant être un minimum en avance. Je sais que Lyon sera mon seul concert du groupe californien cette année ce qui explique ma volonté de ne pas faire les choses à moitié. Il s’agit là de ma quatrième session VIP depuis 2012, et une sorte de cerise sur le gâteau pour mon quatorzième concert de Toto ce soir.

Le fan que je suis est forcément comblé, mais, je l’avoue, l’auteur souhaite également échanger à ce sujet avec le groupe. En effet, c’est la première fois que je vois Steve Porcaro depuis la parution de mon livre « Let’s Make HIStory », un recueil d’entretiens avec les collaborateurs du Roi de la Pop. Le claviériste m’avait fait l’honneur de participer à ce projet, et je souhaitais l’en remercier de vive voix, tout en voulant offrir également un exemplaire à Steve Lukather et David Paich, les autres collaborateurs du Roi de la Pop.

Il est l’heure, mon seigneur ! Je rentre enfin avec les autres VIP dans la Halle Tony Garnier et j’entends déjà résonner les instruments pour le soundcheck. Après quelques minutes d’attente, nous sommes invités à rejoindre la scène alors que le groupe répète son nouveau titre « Alone ». Je me place au premier rang, face à Steve Porcaro qui me salue instantanément. Je fais de même en me disant que les choses commencent plutôt bien. Je prends du plaisir à voir le groupe dans l’envers du décor et j’apprécie également de voir David Paich derrière son piano. Ce dernier n’a pas participé aux photos et signatures des deux dernières sessions Meet & Greet à Marseille et Toulouse, alors je garde cet espoir qu’il se porte mieux aujourd’hui.

De son côté, Steve Lukather m’hypnotise toujours autant par sa voix et ce soundcheck avec « I Will Remember » me conforte dans cette impression. Je suis limite collé à l’enceinte, mais mes tympans ne peuvent qu’apprécier tellement l’artiste me prend aux tripes. La chanson suivante est cependant plus décontractée car elle intervient suite à la demande d’une fan. Cette dernière souhaite entendre « Beat It » de Michael Jackson et je ne risque pas de m’en plaindre. Le guitariste de Toto s’exécute, bien qu’il semble se dire « Encore !? ». Pourtant, le résultat est aussi efficace que sa prestation en studio en 1982, et je savoure ce moment. Sans oublier que Steve Porcaro me sourit et me montre du doigt à cet instant. J’en suis très touché car ce n’est pas moi, mais lui qui a contribué à « faire l’HIStoire »… C’est justement une de ses chansons qui prolonge ces répétitions d’avant concert. Je savoure également le titre « Lea » face à Joseph Williams au micro et à son compositeur, au point de rester scotché à cette enceinte, tel un privilégié mais nous aurons le temps de revenir sur cette composition.

Le temps passe à une vitesse folle et nous devons déjà passer à la séance photo avec le groupe. Je constate l’absence de David Paich mais je la comprends en me disant qu’il doit se préserver pour le show. Je m’approche donc des deux Steve et de Joseph et j’ai la confirmation que Steve Porcaro m’a bien reconnu. Il m’accueille chaleureusement avec un check, et me présente à Steve Lukather en tant qu’auteur de livres sur Michael Jackson, et en citant mon nom ! Il confirme m’avoir déjà vu et valide cela avec un second check du jour ! Etant placé entre les deux Steve, je n’ai même pas vu Joseph et je lui dis bonjour une fois la photo prise… Mieux vaut tard que jamais…

Ceci dit, je suis sur mon nuage… Ce VIP reste tout de même différent des précédents : mes travaux d’auteurs sont pris en compte et je ne suis pas uniquement ce fan qui aime venir avec sa pile de vinyles pour des signatures.

Je vous rassure, comme le chantait Julio « Je n’ai pas changé »… J’en ai toujours autant dans mon sac, même ce Picture Disc de l’album « IV » que j’avais amené pour David Paich car c’était le seul membre à ne pas l’avoir signé lors de mon dernier VIP. Décidément, ce ne sera pas encore pour aujourd’hui ! Pas grave, si je retourne à Los Angeles, j’irai frapper à sa porte en lui disant que c’est pour un Meet & Greet privé ! Une petite signature sur mon vinyle, on m’apporterait le thé tandis qu’il me jouerait « All The Tears That Shine »  au piano dans son salon :quel joli programme !

Pardonnez-moi cette boutade, et revenons à la réalité car elle n’est pas si brutale. En effet, lors de la signature de mes disques, Steve Porcaro me confirme l’obtention d’un Pass Aftershow. Nous aurons ainsi l’occasion d’échanger à propos du livre, chose qui n’aurait pas été évidente avec le rythme soutenu des sessions VIP. En effet, je ne souhaite pas ralentir les dédicaces pour les fans, surtout si vous avez deux, trois piliers de rugby qui gambergent derrière vous… Plus sérieusement, je me dis que la fête va être prolongée et je savoure cet instant, car ça ne m’était jamais arrivé auparavant dans mon parcours de fan. C’est donc plein d’enthousiasme que je redonne un exemplaire au claviériste, honoré de son invitation. J’en profite pour donner également un autre exemplaire au staff du groupe, à l’attention de David Paich. Je fais de même avec Steve Lukather, mais je ne suis pas le seul à lui faire des cadeaux. Il reçoit par un autre fan une bouteille de Chartreuse (un alcool de la région) mais le rocker reste raisonnable. C’est sur mon livre qu’il se jette dès la fin de la session VIP et bloque sur quelques pages. Je m’éloigne en le voyant les tourner, et je repense à ma dédicace à son attention. Il reste l’artiste dont j’ai vu le plus de performances sur scène. Vivement la prochaine ! Juste une question d’heures…

Il est bientôt l’heure de rejoindre nos places, et Laetitia, ma compagne, vient tout juste d’arriver. Elle ne pouvait être là plus tôt : il faut bien qu’il y en ait un qui travaille pour payer mes achats au merchandising. Il est bien beau ce programme de la tournée d’ailleurs, merci Laetitia !

Il est temps de s’asseoir à la tribune du fond. Je me souviens alors que sept ans auparavant, dans cette même salle, j’étais au premier rang et pour la première fois. Suis-je devenu plus sage avec l’âge ?

Oh que non ! Le rideau tombe et j’ai toujours cette même ferveur ! Le groupe démarre avec « Alone », l’un des trois inédits de la nouvelle compilation « 40 Trips Around The Sun ». Le choix de ce titre en ouverture du show est donc logique puisque c’est le cas également pour ce Best Of. Toto reste donc cohérent dans ses choix de même chanson d’introduction d’albums et de concerts. Il en était de même pour « Falling In Between et « Running Out Of Time » en ouverture du dernier album et de la tournée correspondante. Je retrouve d’ailleurs quelques similitudes entre cette dernière et « Alone » dans ma façon d’appréhender l’écoute d’un nouveau titre. J’ai mis un peu de temps à les apprécier, mais la découverte de ces morceaux en live m’a fait réaliser leur potentiel. Cette impression se confirme avec ce nouveau titre. Il est efficace, au point de nous rester dans la tête avec ses choeurs entêtants dans le refrain et nous encourageant à taper des mains. Le ton est donné : le son de Toto en 2018 offre toujours autant d’impact et le groupe souhaite clarifier ce point d’entrée de jeu. C’est chose faite !

Pas le temps de souffler car le piano de David Paich s’éclaire, pour la bonne cause ! L’homme au chapeau nous joue les premières notes de « Hold The Line ». On reconnait instantanément ce classique, tellement c’est un hit incontournable. Et, avouons-le, le groupe est obligé de le jouer. Il s’agit là d’un de ses premiers tubes, issu du « First Album » paru en 1978. 40 ans déjà ! Et justement, il s’agit là de la tournée des 40 ans du groupe ! Commémorer un anniversaire passe forcément par le fait de regarder dans le rétroviseur dans un esprit de thématique. Parfois, certains ont râlé lors des tournées précédentes en se disant qu’on avait fait le tour avec ce titre mais ce sentiment n’est pas forcément aussi évident ce soir… Le contexte se prête à se dire que finalement, l’entendre au début du show est une évidence. Une façon d’annoncer la couleur dès le deuxième morceau : l’esprit de la tournée est un voyage dans l’univers et l’histoire du groupe depuis ses débuts.

La chanson suivante démarre de la même manière avec une introduction du pianiste. Et la lumière fut ! Comme lors des tournées de 2010 et 2011, David nous embarque en 1982 avec le titre « Lovers In The Night » de l’album « IV ». C’est un plaisir de le réentendre même si David est diminué, au point de ne pas chanter ses habituels « Sing Again ! » et autres ad-libs qui apportent énormément à cette composition. Il n’empêche que malgré son état, il reste toujours aussi efficace avec son instrument. Les autres membres du groupe ne sont pas en reste car cette chanson pourrait résumer à elle seule l’univers du groupe. En effet, cette programmation du synthétiseur par Steve Porcaro suivie par ces solos de Lukather démontrent cette richesse musicale. D’autant que le saxophone du choriste Warren Ham va dans le sens de l’esprit original de la version studio. Le musicien revient après avoir joué avec le groupe lors de la tournée « Fahrenheit » en 1987. Sa présence et celle de son instrument nous rappellent ces tournées des années 80 avec un saxophoniste : un retour aux sources !

Le rythme du concert reste soutenu mais la ballade « Spanish Sea » est idéalement placée pour nous faire souffler. David Paich est de nouveau sollicité au chant pour les premières notes, et il fait le job. Si je ne connaissais pas son plaisir à se lever parfois de son piano pour quelques pas de danse, je ne l’aurais pas senti aussi fatigué. C’est le moment de souligner son professionnalisme, même s’il continuera de prouver ses talents de virtuose jusqu’à la fin du show. Il est de toute façon soutenu dans le chant par Joseph Williams comme dans la version studio. Un joli titre dont l’âme est dans la mélodie… Et celle-ci semble intimement liée à l’esprit musical de Paich, même si tout le groupe a participé à l’écriture. Il s’agit-là d’un nouveau morceau issu de la compilation et on peut l’assimiler à un intermède dans ce voyage dans le temps. Il n’y en aura plus !

Cette parenthèse fermée, les percussions de Lenny Castro répondent à la batterie de Shannon Forrest comme pour mieux annoncer « I Will Remember ». Ce titre a été de nombreuses fois présent lors des tournées précédentes, depuis sa parution sur l’album « Tambu » de 1995. Il est vrai qu’il s’agissait-là du premier album du groupe depuis la disparition de Jeff Porcaro. Durant ces 40 années de carrière, le groupe a également connu quelques épreuves et ce titre a la lourde tâche de les symboliser. C’est ainsi qu’on peut ressentir toute cette mélancolie dans la prestation vocale de Steve Lukather. Il est d’ailleurs soutenu dans les choeurs par Shem Van Shroeck qui officie avec Warren Ham dans cette tâche. Cet artiste expérimenté au CV intéressant (Michael McDonald, David Foster, Tom Jones…) a de fortes capacités vocales au point d’alterner le Pop/Rock et le chant lyrique d’opéra. Il utilise cependant un micro-casque car il occupe également la fonction de bassiste. Il n’est pas membre officiel du groupe car on ne peut pas réellement remplacer le regretté Mike Porcaro, disparu en 2015. Cependant, il succède avec brio à Leland Sklar, Nathan East ainsi qu’à David Hungate, membre original, de retour le temps de la tournée précédente. Revenons cependant à la guitare car c’est un solo plein de hargne qui vient conclure cette chanson. Il apporte forcément un supplément d’âme à la composition par rapport à sa version studio, mais c’est ainsi qu’elle est conclue depuis de nombreuses années.

A propos de nombre d’années, cela faisait un moment qu’on n’avait pas entendu « English Eyes ». J’avais souvenir d’un moment assez bref lors d’un medley de la tournée des 25 ans, mais pour cette année, nous pouvons apprécier une prestation intégrale d’un peu plus de sept minutes. Celle-ci n’est pas aussi déchainée que la version du DVD Live de 1990, mais l’essentiel est là. Les années ont passé et cette version 2018 est forcément dans un schéma plus linéaire mais sans trahir l’esprit de sa version studio originale. Elle fait ainsi office de représentante du troisième album « Turn Back » de 1981, car il aurait été injuste que cet opus ne fasse pas partie de la fête.

Celle-ci se prolonge avec les lumières braquées sur la batterie de Shannon Forrest. Le musicien de Nashville se lance dans un solo et fait admirer sa technique. L’occasion d’estimer qu’après le départ de Simon Phillips, le groupe s’est tourné vers un batteur au style plus proche de celui de Jeff Porcaro. D’autant que la prestation de Shannon sert d’introduction à l’instrumentale « Jake To The Bone ». Dans ce contexte, il devient ainsi facile d’imaginer la genèse de cet extrait de « Kingdom Of Desire » avec un Jeff Porcaro se déchainant sur son instrument, dans le but de créer. Il ne s’agit pourtant pas de la seule version instrumentale de la formation californienne : « Don’t Stop Me » et « Dave’s Gone Skiing » en sont de parfaits exemples. Cependant, « Jake To The Bone » se démarque de ces autres compositions, par le fait d’avoir été composée par les quatre membres de l’époque. Une sorte de création fusionnelle où chacun apporte sa technique pour un travail collectif en studio. C’est ainsi que ce morceau de Jazz-fusion dévoile une autre facette de l’univers de Toto. C’est donc un plaisir de la réentendre car la technique et la précision de chaque instrument s’imposent. Le résultat est aussi efficace que lors du Live à Montreux en 1991, où le groupe l’avait joué pour la première fois.

Après cette démonstration, il peut être temps d’avoir un peu de douceur. Il semble que cela en prenne le chemin car le technicien de Luke apporte une guitare acoustique. Les choses n’en restent pas là ! A droite de la scène, Steve Porcaro nous joue quelques notes familières en guise d’introduction. Mais oui ! Il s’agit d’une de ses plus belles compositions pour le groupe, c’est sa chanson, c’est « Lea » ! J’ai soudain l’envie d’un voyage dans le temps, en 1986, avec la sortie de « Fahrenheit ». Avec l’arrivée de Joseph Williams dans le groupe, le compositeur avait enfin trouvé une voix pour interpréter ses chansons, lui qui s’était toujours résolu à poser sa propre voix sur ses travaux des albums précédents. En raison de cette anecdote, je me focalise sur ces deux musiciens pour mieux ressentir l’âme de ce titre, voire l’origine de sa création. « Lea » est tellement pleine de douceur, remplie d’émotion… Elle reflète tellement les talents de compositeur de Steve Porcaro, et cet aspect ne pouvait être ignoré lorsqu’on repense à ces 40 dernières années.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier les tubes, si vous voyez ce que je veux dire… Toujours pas ? Warren Ham a de nouveau son saxophone dans les mains comme pour mieux respecter la version originale ! Un autre indice ?!… Shannon reproduit la technique du shuffle de Jeff ! Mais oui, il s’agit bien de « Rosanna » ! Vous ne pouviez que finir par la trouver, c’est pratiquement une obligation pour le groupe de l’interpréter ! Et cela semble logique vu les réactions du public qui s’intensifient depuis le début de ce classique. Même dans les gradins, on se lève pour danser et taper des mains comme pour mieux réagir aux solos de synthétiseur et de guitare. On les connait par coeur mais on ne s’en lasse pas, d’autant que ce final jazzy mené par David Paich ne gâche rien, loin de là. Le pianiste nous entraine alors dans son parcours et ses origines, et la scène reste son meilleur lieu d’exutoire. Pour avoir ce talent, il a forcément fallu le façonner et tout cela remonte à bien avant les débuts du groupe. Le mélodiste a été à la bonne école sous l’influence de son père, Marty Paich. Les compétences de ce dernier dans l’univers du jazz, en tant que pianiste et arrangeur, ont forcément façonné l’apprentissage de David. C’est ainsi qu’il est resté le compositeur principal des premiers albums, avec les principaux tubes à son actif. Et rien de mieux que l’exemple de « Rosanna » pour le démontrer.

Les titres s’enchainent depuis le début du concert mais je ressens un bref intermède le temps que les techniciens apportent un nouveau synthétiseur sur le flan gauche de la scène. Steve Porcaro se dirige alors vers cet instrument tandis que Luke peut désormais disposer d’un tabouret, une guitare acoustique dans les mains, qui donne le ton de cette nouvelle ambiance, volontairement plus intimiste. C’est ainsi que David Paich commence à s’adresser au public en racontant les débuts du groupe et ses premières sessions en compagnie de Luke, Steve et Jeff Porcaro. Il est ainsi touché de parler de cette première démo qu’il a composée : « Miss Sun ». Restée dans les coffres lors de la parution du premier album, elle finit cependant par apparaître sur l’album « Toto XX, 1977-1997 ». Il s’agit là de sa première interprétation sur scène et, mêlée à ces anecdotes, on pourrait ressentir la vision d’une pièce de théâtre avec les vrais acteurs de l’époque voulant faire revivre et partager cet envers du décor avec leur public. La symbolique d’ouvrir ce medley dans un esprit de conteur avec cette première démo n’en est que plus saisissante.

Nous restons dans l’ambiance des premières sessions du premier album car Steve Lukather prend la parole afin de nous expliquer qu’il va interpréter le titre qui fut sa première prestation vocale, alors qu’il n’avait pas encore vingt ans. Cela tombe bien car « Georgy Porgy » est un classique avec ce statut de hit de l’époque. Et ses nombreuses versions Live avec ses arrangements funky ont toujours été des instants de gourmandise pour le public. Ici, cette version acoustique m’encourage à me focaliser sur la voix de Luke et je rebondis ainsi sur son anecdote de poser sa voix pour la première fois, alors que Bobby Kimball restait le chanteur principal. J’aime vraiment cette diversité dans les voix au point que différents membres peuvent assurer le lead vocal selon les chansons. Cela apporte vraiment une richesse et quelque chose de particulier à cette longue discographie, et je tenais à l’écrire.

Pendant ce temps, une fois n’est pas coutume, David Paich donne son piano à Steve Porcaro en échange de son synthétiseur. Il est bon de préciser que ce dernier devient à son tour le fameux conteur. C’est ainsi qu’il nous raconte qu’un jour, sa fille Heather est rentrée de l’école en pleurant après avoir été chahutée par un camarade… et que ce mot « why » au sujet de la nature humaine lui est venu à l’esprit. Il en résulte un tube planétaire chanté par Michael Jackson et sans doute sa composition la plus célèbre : « Human Nature ». Ce titre, joué en studio par la quasi totalité du groupe avec le Roi de la Pop, fait partie intégrante de Toto. En effet, les membres du groupe ont été très productifs pour d’autres artistes au point d’être les plus demandés pour de nombreuses sessions. Le titre de l’album « Thriller » en est l’un des exemples les plus emblématiques et justifie totalement que cet aspect ne soit pas ignoré dans cette set-list tellement pertinente.

Et elle se prolonge avec une belle surprise car on ne s’attendait plus à entendre la chanson suivante !

Steve Lukather précise même qu’elle n’a jamais été jouée sur scène (encore que, je pourrais faire des recherches sur le net et trouver deux dates en 1985 mais je ne finirais jamais cet article…). Retour en 1984 avec cet extrait de l’album « Isolation », un single qui avait même eu droit à son clip à l’époque. Comme quoi, « Holyanna » a tout de même son importance et nous donne l’envie de nous déhancher dans cet esprit tellement rock’n’roll des années 80. Quand je vois que le Cirque du Soleil met des moyens considérables dans des spectacles hommage à Michael Jackson et aux Beatles à Las Vegas, je me dis qu’un auto-hommage avec les vrais protagonistes du groupe n’en est pas moins efficace, si ce n’est plus.

Il est temps de passer à la chanson suivante et notre ami Luke reste le conteur. C’est un peu logique puisqu’il est le mieux placé pour présenter une de ses compositions : « No Love ». Dans ce domaine, le guitariste a démontré ses talents de compositeur au travers des plus belles ballades du groupe. On pourrait citer « I’ll Be Over You » et « I Won’t Hold You Back » comme les plus emblématiques. Cependant, cette liste est loin d’être exhaustive et c’était même devenu une coutume pour Lukather de chanter sur une chanson d’amour. Ainsi, je me souviens des mots de Mike Porcaro dans le livret de l’album « Falling In Between » : « Une des choses que j’ai toujours envie de retrouver sur un album de Toto, c’est une sublime ballade de Steve Lukather. Ce type de chansons jaillit de lui comme une source d’eau claire. Magnifique ! » Sauf que là, Luke nous prend totalement à contre-pied, au point d’interpréter un titre aux antipodes, avec l’absence d’amour pour thème. Peut-être du vécu entre deux divorces lors de sa phase d’écriture et conforté par son célibat d’aujourd’hui. Peu importe, dans cette ambiance country totalement décomplexée, le musicien s’éclate. Il en est de même pour Warren Ham, pas loin d’user son harmonica en pareille circonstance. J’ai alors l’impression de les voir jouer dans un bar au milieu des cow-boys avec comme seule priorité de prendre du plaisir, peu importe l’affluence. Ce cadre me semble si logique pour Luke : il est vrai que je l’ai autant vu jouer dans des petites salles, pour des clinic tours, que dans des Zéniths et grosses infrastructures.

Joseph Williams n’avait pas encore pris la parole mais l’anecdote suivante liée à l’album « The Seventh One » lui donne toute légitimité de le faire. Il s’agit de rendre plus particulièrement hommage à Jeff Porcaro avec le titre « Mushanga ». Joseph rappelle toute la technique et le groove de Jeff à travers cette composition et encourage Shannon Forrest à la jouer. Les autres musiciens le suivent, avant que Joseph ne pose sa voix comme c’était le cas en 1988. A cet instant, ce sentiment que le groupe revit ses moments en studio pour nous les faire partager sur scène refait surface. On ignore alors si on doit taper des mains et vivre intensément ce moment ou bien si on doit tout écouter religieusement comme un moment de recueillement…

Je ne me pose pas la question bien longtemps puisque Joseph reprend la parole car nous restons dans le thème de « The Seventh One ». Ce medley a pour but de répartir équitablement les souvenirs des membres du groupe, et c’est au chanteur de le conclure. De toutes les chansons auxquelles il a participé en studio, « Stop Loving You » peut être considérée comme le plus grand tube. En souvenir des années 80 et des nuques longues, ce medley pouvait donc se terminer ainsi. Les années ont passé, mais merci au groupe de nous les avoir rappelées avec cette volonté de partage face à son public.

Et celui-ci continue d’être rassasié avec ce concert qui reprend un schéma plus traditionnel. Les tabourets sont rapatriés en coulisses tandis que Steve Porcaro retourne vers le flanc droit en direction de son synthétiseur. Cela tombe bien, je reconnais cette fabuleuse programmation qui sert d’introduction à « Girl Goodbye ». Celle-ci m’a toujours fascinée, tellement je la trouve avant-gardiste et novatrice pour l’année 1978. Je ne peux que savourer de la réentendre dans l’esprit de sa version originale et je mesure ainsi l’importance du retour de Steve avec Toto, sur scène, depuis 2010. Le tandem avec David Paich est tellement complémentaire, alliant le sens de la mélodie de l’un avec les prouesses techniques de la programmation de l’autre. Il est bon de préciser que, malgré son retrait depuis 1987, le cadet des frères Porcaro est toujours resté disponible pour ses comparses. L’occasion de donner un coup de main si besoin lors des sessions studio avec quelques programmations dont il a le secret et qui font partie intégrante de l’identité musicale du groupe californien. Passée cette fabuleuse introduction, « Girl Goodbye » se poursuit de manière assez classique, aux antipodes de la version alternative remaniée pour l’ouverture des concerts de la tournée des 25 ans. Il est vrai que le groupe prend plaisir à la rejouer depuis la tournée LiveFields de 1999. Le retour de Bobby Kimball, après seize ans d’absence, allait dans ce sens. Toutefois, son remplacement par Joseph Williams n’a pas changé cette donne, d’autant que ce dernier reste plus mesuré dans son interprétation, au risque de moins s’abimer la voix. Bobby n’allait pas à l’économie avec ce titre, avec la conséquence de parfois perdre en justesse. Et pendant ce temps-là, notre Guitar Hero continue d’enchainer ses solos monstrueux au point de me faire oublier qu’il souffre de l’épaule depuis deux ans. La barre reste toujours placée aussi haut…

Après un tel morceau de Rock’n’Roll, une ballade ne serait pas de trop pour souffler. C’est pratiquement chose faite avec « Angela », un autre morceau du premier album. Il est vrai que tout commence en douceur sous les sonorités de la flûte de Warren Ham. Ce sentiment se prolonge avec la voix de Joseph Williams qui remplace celle de Luke, initialement présente sur la version studio. Sauf que ce titre, composé par David Paich, est une sorte d’OVNI à la production ambitieuse. Difficile d’imaginer que cette création provienne d’un groupe si jeune à l’époque. Le couplet aux paroles tristes liées à la perte de l’amour d’Angela et de l’enfant qu’elle portait est encore plus dramatisé par cette somptueuse mélodie de piano à la sauce Paich. Sauf que la batterie et la guitare prennent l’avantage dans le refrain en nous plongeant dans un Rock’n’Roll satanique qui se gargarise de la situation, à l’image de ces paroles moqueuses chantées par David, tel un diable ironisant sur l’épaule du malheureux. La mélodie aussi touchante que dramatique revient dans les couplets comme un cri de douleur mais ne reprend pas le dessus car la chanson se termine dans les ténèbres et les flammes du rock, comme une fatalité, loin de l’angélisme (d’Angela…) des premières notes. Cette tournée anniversaire est donc l’occasion de redécouvrir cette oeuvre un peu décalée, et je dois avouer que je ne l’avais plus entendue depuis des lustres. N’oublions pas également qu’elle est la première d’une grande lignée. Je veux parler de ces nombreuses chansons avec un prénom féminin comme titre, une des autres coutumes de la bande.

La chanson suivante, toujours en direct de Lyon, est la bien nommée… « Lion » ! Je sais, elle était facile, mais il fallait que je la place… Et puis, cela reste un plaisir d’entendre cet extrait de l’album « Isolation » dans son intégralité. Hormis une présence furtive dans un medley de la tournée des 25 ans, elle avait un peu disparu de la circulation. Toutefois, à chaque nouvelle série de concerts, le groupe peut ressortir de son chapeau un titre qui n’avait plus été interprété depuis des décennies. C’est ce qui fait aussi le charme de cette formation, qui à l’exception de ses trois tubes phares, laisse la porte ouverte à un nombre considérable de chansons pour ses nouvelles set-lists. De toute façon, le groupe s’éclatera à les faire, comme c’est le cas avec « Lion » et ce son tellement marqué par son époque et l’année 1984. Ces petites nappes de synthés accompagnés du saxophone viennent faire du bien à mes tympans et les solos de Luke ne gâchent rien ! Dans cette frénésie, j’ai tout de même une pensée pour Fergie Fredericksen, chanteur seulement le temps de cet album et qui nous a quittés en 2014.

Le concert se poursuit dans un autre thème, cette fois avec une oeuvre instrumentale. Les fans du cinéaste David Lynch auront immédiatement reconnu cet extrait de la bande originale du film « Dune », avec le thème dans le désert. En plus de sa propre discographie et des nombreuses prestations en studio pour d’autres artistes, Toto a également oeuvré pour le septième art. Cet aspect de l’histoire du groupe californien ne pouvait être ignoré et nous replongeons dans l’univers de ce film. Il n’est pas chose aisée de percevoir toutes les subtilités de l’univers de David Lynch, mais le talent de ces musiciens leur a permis de s’en imprégner. Je ne suis pas certain que beaucoup d’autres formations auraient pu le faire. Sinon, vous avez vu la dernière saison de « Twin Peaks » ?

Revenons cependant au sujet principal, il ne faut pas que je m’égare… D’autant que Steve Lukather débute un discours d’introduction avant la chanson suivante. Il nous parle de ses influences et du guitariste qui lui a donné envie de faire de la musique. L’hommage à George Harrison va donc être rendu avec le titre « While My Guitar Gently Weeps ». Cette composition de George pour son groupe des Beatles tient tellement à coeur à Luke… Il avait déjà immortalisé sa prestation de ce titre dans l’album « Through The Looking Glass » de 2002. Tout cela en vue du 25ème anniversaire, qui était déjà une forme de bilan. Il est vrai que quelques fans réduisent cet opus à un disque de reprises mais je pense qu’il faut voir un peu plus loin. En effet, les membres du groupe nous livrent une version de ce qu’ils ont aimé dans le passé pour nous le faire partager. Une façon d’évoquer une sorte de pré-histoire qui a également permis de façonner ce qui est devenu Toto. Comme il y a quinze ans, Luke revisite ce qui l’a inspiré et fait grandir dans l’univers de George en l’intégrant à ces 40 années, car il ne faut jamais oublier d’où l’on vient. Le final est encore davantage son moment à lui puisqu’il s’exprime seul dans un solo qui se prolonge comme s’il ne voulait pas que s’achève cette chanson. Cela rappelle sa prestation de « I’ll Be Over You » de 1993, mais personne n’a d’emprise sur le temps qui passe…

Encore quelques nappes de saxophone ? Merci Warren Ham ! En effet, retour en 1982 et l’emblématique album « IV » avec le titre « Make Believe ». Et oui, j’y crois, je m’imagine alors avec ma chemise à fleurs dans un cabriolet au bord d’une plage californienne. Et oui, tout me parait possible ! Comme le fait d’enfiler un smoking et d’assister à la cérémonie des Grammy Awards 1983. L’occasion de voir le groupe triompher et repartir avec quatre objets dont celui du meilleur album de l’année pour « IV » ! Une soirée tellement importante dans l’histoire de cette formation qu’elle me vient à l’esprit à l’écoute de cette chanson. Le succès public de « IV » aux millions d’albums vendus, ainsi que la reconnaissance des professionnels avec ces Grammys, offrent à ce disque un statut particulier. Il se devait donc d’être bien représenté ce soir et « Make Believe » y contribue fortement.

Cependant, ce n’est pas le plus grand hit de l’album, si vous voyez où je veux en venir. Le plus grand tube de 1982, si ce n’est davantage, est bien entendu « Africa ». Un autre titre incontournable qui se doit d’être joué comme une évidence. Et cela a toujours été le cas lors de chaque tournée. On retrouve ainsi ces mêmes rituels, comme le fait de se focaliser sur la voix et le piano de David Paich. Bien que diminué ce soir, il attire toujours autant l’attention tellement sa composition lui colle à la peau. Il nous rejoue ce fameux solo puis rapproche son micro pour rechanter. Avec ce sentiment de ne pas voir seulement l’histoire du groupe mais celle de la musique en général… J’ajoute une mention spéciale à Lenny Castro dont les percussions nous transportent sur le sol africain. Musicien additionnel du groupe sur différentes sessions depuis 1978, c’est un plaisir de profiter de sa présence depuis la tournée précédente de 2015. Il est même présent sur le clip d’ «Africa », c’est dire qu’il fallait bien qu’il soit de la fête… Celle-ci semble d’ailleurs se terminer car la scène s’est vidée…

Un petit rappel s’impose et sous les acclamations méritées de la foule, le groupe revient pour une dernière prestation afin de nous dire au revoir. Cette dernière se fera pour Steve Lukather avec une guitare acoustique, mais avant de jouer il remercie le public de sa présence et lui demande de ne pas le laisser chanter seul. Cela ne devrait pas être trop compliqué car les fans connaissent bien le titre « The Road Goes On ». Autre chanson extraite de l’album « Tambu », elle porte ce message que la vie continue et qu’il faut avancer malgré les épreuves. Contrairement à la tournée précédente, elle ne comporte pas de changement de guitare (d’acoustique en électrique) en cours de route et offre ainsi un aspect plus intimiste. C’était la plus belle conclusion pour rendre hommage à Jeff et Mike Porcaro et elle valait tous les discours du monde. Parfois, certains messages sont uniquement constitués de chansons qui se suffisent à elles-mêmes. Ce sera le mot de la fin pour ces 40 années revisitées et j’apprécie toujours autant les anniversaires…

Le concert s’achève et le public est invité à quitter la salle. J’aurais pu faire de même mais j’ai récupéré mes précieux sésames au bureau des invitations avant le show. (C’est bien mon nom sur l’enveloppe ?!) L’occasion de prolonger la fête avec Laetitia et de nous diriger vers la scène munis de nos Pass Aftershow.

La sécurité nous accompagne alors dans une petite salle prévue pour l’occasion. C’est ainsi que nous voyons Steve Porcaro arriver et nous prenons le temps de discuter avec lui. Je lui présente également mon exemplaire du livre « Let’s Make HIstory », celui dans lequel j’aime recueillir signatures et dédicaces de différents protagonistes. Je le lui présente ainsi avec la signature de Quincy Jones obtenue à Montreux, avant d’évoquer les frères Bähler dont John était son voisin durant son adolescence. Le claviériste y appose ensuite une belle dédicace, suivie d’une session photos avec le livre de façon improvisée. Je profite également de la présence de Steve Lukather pour une photo et une dédicace supplémentaires, non sans lui souhaiter une bonne lecture. Tout est passé très vite et il est déjà temps pour les deux musiciens de nous quitter. Steve Porcaro vient alors nous dire au revoir et nous donne rendez-vous pour la prochaine fois. Nous ne pouvons répondre que par l’affirmative, et ce sera avec grand plaisir.

C’est plein de rêves éveillés que je retourne à la voiture afin de tenter de revenir sur terre. Au démarrage, la platine CD se remet sur « No Love »… Finalement, on ne s’est pas vraiment quittés…

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BRICE NAJAR
FRANCE

Né à Annecy en 1979, il est l'auteur de quatre ouvrages liés à l'univers musical de Michael Jackson. "Itinéraire d’un passionné" et "The Jacksons : Musicographie 1976-1989" sont parus en 2013 et 2014. Chacun de ces deux livres, bien qu'indépendant, est donc le complément idéal de l'autre. Pour son projet suivant, Brice reste dans cette même thématique musicale mais dans un concept différent. "Let's Make HIStory", paru en 2016, est un recueil d'entretiens avec des protagonistes du double album "HIStory" de 1995. En 2020, l’auteur complète son sujet avec un nouvel ouvrage intitulé "Book On The Dance Floor". Une façon de décrypter le travail en studio du Roi de la Pop.

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