Tout le monde connaît le fameux dicton qui affirme que les voyages forment la jeunesse. Jusqu’ici je n’avais pas pu vraiment le vérifier puisque je n’avais jamais quitté l’Europe. Les choses ont un peu évolué ces dernières semaines avec un vol Paris–Las Vegas qui m’a complètement dépaysé. Non que j’aie souhaité jeter mon dévolu sur les casinos et leurs machines à sous. Il était inutile d’en arriver là car l’expérience ONE du Cirque du Soleil, dans la ville du jeu, se suffit à elle-même pour vous transporter dans un tourbillon d’émotions et de sensations fortes. Vous avez beau vous rendre dans un paradis artificiel où l’argent est roi, vous vous retrouverez paradoxalement en un lieu de recueillement où l’âme et l’univers de Michael Jackson vous éloignent de tous ces objets matériels et superficiels propres à ce monde du jeu. Ceci vous semble peut-être abstrait mais je vais tenter de le clarifier pour vous.
Au moment d’atterrir, après une dizaine d’heures de vol, on pourrait légitimement penser en priorité à son hôtel pour y poser ses bagages. Sachez qu’il n’en est rien car, de mon hublot, j’ai déjà une vue imprenable sur l’hôtel Mandalay Bay, avec en grandes pompes, l’affiche et le nom de l’illustre invité auquel on rend hommage ici chaque soir depuis mai 2013. Une façon de me rappeler que ce premier séjour sur le sol américain est (et restera) sentimentalement lié à lui. Cette fois, c’est moi qui fait un pas vers Michael alors que, depuis plus de 25 ans, cela a toujours été dans le sens inverse. Un sentiment troublant, envoûtant et difficilement explicable à un non-fan. Mais ici, je me sens en terrain favorable pour partager cette aventure et ces émotions inédites pour moi.
Ainsi, à ce moment précis, j’ai beau avoir sous le nez, depuis mon avion, une reproduction de la Statue de la Liberté et de la Tour Eiffel, comme une sorte de décor de « Black Or White » à l’échelle humaine, c’est bien vers le Mandalay Bay que se porte toute mon attention, comme si mon voyage n’était en réalité qu’un pèlerinage. Je me dois de l’assumer, je ne tiens plus en place et dès le lendemain de mon arrivée, je prends mon billet pour ONE.
<>En entrant dans le fastueux hôtel-casino Mandalay Bay, j’ai le réflexe de chercher immédiatement le chemin vers la salle du spectacle du Cirque du Soleil. Tous les strass et les paillettes du lieu n’ont aucun effet sur moi. Je porte juste un bref regard vers les machines à sous qui ne font que confirmer ce sentiment : l’essentiel n’est pas là car c’est la musique intemporelle de Michael qui se matérialise dans mon inconscient comme jamais auparavant. Je finis par arriver à destination et je découvre la boutique ONE, après avoir observé tous les objets qui décorent le couloir. Dans une vitrine, je découvre ses mocassins et ses chaussettes à paillettes, ainsi que la veste qu’il portait lors de la cérémonie des American Music Awards en 1984. Plusieurs clichés (issus des MTV Music Video Awards de 1995) qui approchent les trois mètres de haut, sont affichés juste en face de l’entrée du magasin.
<>De nombreux documents, dont les notes de MJ pour organiser ses 30ans de carrière au Madison Square Garden en 2001, confirment mes impressions : tout ici rend pleinement hommage à mon idole. On a souvent évoqué le souhait d’un musée dédié au Roi de la Pop, et je ne suis pas loin de penser que je m’y trouve à cet instant-là. Avant que le spectacle ne débute, il me reste un petit tour à faire à la boutique. Malgré les nombreuses tentations, je n’achète finalement rien. Il est vrai que l’essentiel n’est pas là puisque c’est mon esprit que je nourris de façon profonde dans ce pèlerinage que je ne soupçonnais pas au moment de faire mes bagages.
Et le show dans tout ça ? Judicieuse question, car toutes mes impressions se doivent d’être confirmées par un spectacle à la hauteur du génie de Michael Jackson. Les portes s’ouvrent et je suis enfin prêt à pénétrer dans l’enceinte, enfin presque… Je découvre le hall d’entrée et j’examine une tapisserie couverte des nombreux titres de sa discographie, comme pour mieux m’imprégner de son univers. Il y a également quelques silhouettes de diverses époques, bien connues des fans, sur un fond rouge. Le décor est vraiment somptueux, tel un digne apéritif des plus grands événements. Je me sens un privilégié d’être là, comme si le fait de traverser l’Atlantique prenait maintenant tout son sens. Le temps s’arrête… Mais je dois me ressaisir car il me faut gagner mon siège. La salle n’est pas tellement grande et offre donc ce côté intimiste si rarement présent dans l’univers musical de MJ. L’écran géant central dévoile des images d’un chapeau, d’un gant, de mocassins, d’une paire de Ray-ban ainsi que celle d’un tabouret. Ces objets « volent » comme pour mieux montrer toute la magie qu’ils représentent. Michael avait rendu hommage à l’univers de « Billie Jean » durant le HIStory Tour et il en résulte ici cette atmosphère intemporelle et éternelle développée par ONE. Il semble que le Cirque du Soleil ait vraiment compris toute la subtilité artistique de Michael Jackson…
Les écrans géants latéraux sont d’un ton plus léger, comme pour mieux doser les ingrédients de cette recette si complexe. Les spectateurs des premiers rangs se retrouvent dès leur entrée à la une des tabloïds, rappelant ainsi le clip de « Leave Me Alone ». Ils sont mitraillés par des paparazzis au look de détectives privés, alors qu’en fond sonore on entend la chanson « Privacy ». Cette dernière est loin d’être ma préférée, mais je me mets tout de même à taper du pied, subjugué par la qualité sonore. C’est l’un des points positifs de ce spectacle et cela se ressent avant même qu’il ne commence vraiment.
J’avoue que je me demandais si j’allais apprécier ONE. J’avais énormément aimé Immortal car j’avais pu voir et surtout entendre jouer en live un groupe de virtuoses parmi lesquels Greg Phillinganes et Jonathan Moffett. Il s’agit cette fois d’un show essentiellement en play-back et ce détail aurait pu jouer en sa défaveur. Pourtant, dès les premières notes, j’ai compris que One avait sa propre identité, avec des mix différents de la playlist d’Immortal. En dehors de quelques brefs passages identiques. Le Cirque du Soleil a réussi à remodeler l’ensemble, s’inspirant du meilleur d’Immortal pour le perfectionner et offrir ce nouveau spectacle. La qualité sonore de la salle dépasse tout ce que j’avais entendu auparavant dans ma vie, au point de redécouvrir « Speechless », dont le mixage sur Invincible ne peut supporter la comparaison. Il est également impossible de ne pas apprécier les chorégraphies et les acrobaties qui défilent à une vitesse tellement folle qu’on n’en perçoit pas toutes les subtilités. La force de ONE est justement de satisfaire à la fois nos oreilles, nos yeux, nos pieds et notre cœur. A ce sujet, mention spéciale à cette version de « Stranger In Moscow » : je ne pensais pas être ému à ce point sans la présence de Michael Jackson. La troupe ressent réellement l’âme des chansons du King et nous offre toute la saveur de son univers. Je ne souhaite pas dévoiler le contenu du spectacle, mais je ne peux garder sous silence cette performance. La set-list est assez complète, sachant contenter le grand public avec les classiques et les fans avec d’autres titres moins populaires.
La présence de l’hologramme à la fin du show n’a pas été pour moi le clou de la soirée. J’avais ressenti l’âme de Michael Jackson tout au long du spectacle et sa musique était bien plus puissante que cet effet technique. Il est vrai que j’entendais sa voix résonner dans le haut-parleur de mon siège, au niveau de mes oreilles, comme s’il chantait pour moi, comme si nous baignions dans un moment qui n’appartenait qu’à nous. Une voix, la sienne, inimitable… Si pure et si loin de tous les artifices, pour toujours… Au moment où ONE s’achève et que je quitte la salle, mon esprit reste dans les étoiles… J’ai ce souhait que cet instant ne s’arrête jamais.
Source : MJBackstage 2.8