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Michael Jackson – « Chicago (She was lovin’ me) »

(Xscape – MJJ/Epic – 2014)

Le titre « Chicago 1945 » est peut-être l’inédit qui me fascine le plus, une sorte de trésor enfermé dans un coffre dont j’ignore si je l’entendrai un jour. Il est fort possible que j’idéalise à outrance cette composition, alors qu’il s’agit là d’une énième chanson restée au placard telle une infime goutte d’eau au sein de l’immense carrière de Michael Jackson. Il n’empêche que ce sentiment aurait pu jouer en la défaveur de « Chicago » également intitulé « She Was Loving Me », ce dernier sobriquet aurait pu être de rigueur pour éviter la confusion. Il est vrai que je me voyais déjà dans une sorte de frénésie musicale avec ambiance de pègre et de tirs à balles réelles, oubliant que « Blue Gangsta » était présent pour tenir ce rôle dans l’album posthume « Xscape », cette fameuse galette qui agite l’actualité jacksonienne de ces dernières semaines.

C’est justement cette première écoute du nouvel opus qui a occasionné un retournement de situation assez surprenant puisque ce « Chicago », sorte d’homonyme mal venu gâchant l’une de mes premières motivations à découvrir l’album, a été ma plus grande curiosité.

J’ai voulu creuser cette bonne impression, comme si elle n’était pas anodine, au point de feuilleter immédiatement le livret dès les dernières notes de ma découverte. Il me fallait connaitre les origines de cette composition, j’avais soif d’apprendre sur son histoire et son vécu pour mieux m’en imprégner et m’aider à la savourer davantage.

Cette curiosité m’amène donc à découvrir que Cory Rooney est l’auteur/compositeur et producteur de la chanson : j’avoue en avoir été surpris tellement ce sujet de la femme manipulatrice est récurrent dans le travail de composition du Roi de la Pop. Ce titre, datant de 1999, aurait pu être le « Who Is It » des années 2000, mais c’est « Heartbreaker » qui illustra ce fameux thème inépuisable de la discographie Jackson. Tout cela à l’image du choix de notre idole développant ses travaux avec Jerkins, le producteur du moment, au point de reporter la parution de son nouveau disque jusqu’en 2001 et fermer ainsi certaines pistes ouvertes en 1999.

Pourtant, Rooney avait vu juste : ses travaux correspondaient pleinement à l’âme torturée du Roi de la Pop, et le fait que ce dernier se déplace de Californie pour venir enregistrer jusqu’à New York confirmait cet état de fait. La star a senti tout le potentiel de cette démo, conscient que Cory l’a écrit pour lui, dans le but de succéder à l’époque à « Blood On The Dance Floor » et à sa maléfique Susie, derniers symboles en date de ces demoiselles peu recommandables instaurées avec l’excellente « Heartbreak Hotel » qui servait de mise en bouche à « Billie Jean ».

La comparaison avec ce titre de 1997 va de soi, mais la démarche artistique de « Chicago » va beaucoup plus loin, dans le sens où Michael est davantage investi pour narrer cette histoire vécue dans l’Illinois. L’artiste tente de la raconter de façon plus détachée lors des couplets, comme si cette liaison illicite n’avait pas eu complètement raison de lui. C’est sans compter sur ce refrain plein de rage où il exprime cette sensation d’avoir été trompé, trahi et abusé de cette confiance portée à cette personne qui avait une double vie. C’est en raison de ces sentiments pleins de colère que je ne peux m’empêcher de songer à « Who Is It », citée plus haut, telles des cousines de cette riche discographie. Cet amour devenu haine sous le ciel gris de Chicago nous offre un résultat sombre dans une ambiance maléfique mais malheureusement bien réelle, alors que l’hôtel des cœurs-brisés de Sefra & Sue était un cauchemar dont on pouvait s’échapper par un réveil en sursaut. Tout reste sombre et tragique, et dans ce cas on peut se dire que seul le temps pourrait aider MJ à revenir vers le soleil de Californie. Il n’a même pas cette once d’espoir de se dire que les jours heureux noieront la douleur, alors que c’était le cas sous une pluie de Moscou. C’est pourtant dans l’interprétation de cette souffrance qu’on peut être une nouvelle fois subjugué par le talent du maître, toujours aussi puissant dans les années 2000. Cette femme manipulatrice lui permet de continuer d’exprimer son talent durant cette décennie maudite, de façon bien plus profonde que sur « Heartbreaker ». Peut-être que le meilleur d’Invincible n’est pas présent dans ses 77 minutes, mais c’est un autre débat…

« Chicago » est donc mon coup de cœur pour « Xscape », comme l’était « I’m So Blue » pour Bad 25… A croire que je suis particulièrement sensible à ces sujets torturés, mais c’est une vaste question. Je vais donc faire le choix de conclure ces lignes de façon plus légère pour vous ramener vers un beau ciel bleu. J’ajouterai juste que j’ignore si on trouve des canards à Chicago du côté de chez Timbaland dans cette version 2014. Ce sont des animaux que j’aime depuis l’enfance, mais je me passe très bien d’eux dans ces rôles de choristes. Vive la version originale !