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Michel Polnareff, Halle Olympique d’Albertville

Samedi 12 Novembre 2016

Cette date du samedi 12 novembre 2016 était inscrite depuis de nombreux mois sur mon agenda, et pour cause ! La venue de Michel Polnareff pour un concert sur mes terres savoyardes était un rendez-vous à ne pas manquer car mine de rien, l’artiste fait partie de mon paysage musical depuis pas mal d’années. En effet, je regardais déjà le Top 50 en 1989 et j’avais été interpellé par le personnage lors de la parution de « Goodbye Marylou ». Mais c’est bien en 1996 que je découvrais davantage sa riche discographie. Interloqué par ce piano livré par hélicoptère dans le désert californien lors de l’entrevue avec Michel Denisot sur Canal +, je m’empressais alors de me rendre chez mon disquaire, fasciné par la prestation de Polnareff. Avec ce « Live at The Roxy », Michel devint alors l’un des artistes incontournables de ma sphère musicale à l’image d’une tour de CD et de quelques piles de vinyles, tels des journaux intimes dont nous ne sommes pas l’auteur et que nous exposons comme des pièces de musée. C’est dans ce contexte que plein d’enthousiasme, j’assistai à la tournée 2007 avec un billet en poche pour l’une des premières dates du mois de mars à Bercy. Une sorte de précieux sésame pour moi, tellement agréablement surpris de ce retour inattendu de l’artiste, 34 ans après ses dernières dates françaises. Je prolongerai ensuite l’expérience pour un autre show au Théâtre Antique de Vienne, le 15 juillet 2007, avec une place au premier rang, juste en face de l’idole. J’avais alors le sentiment d’avoir vécu mon moment de grâce avec Michel Polnareff et qu’il serait difficile de faire mieux, d’autant que je n’avais pas la certitude de le revoir un jour. Mais je l’avais vu et c’était le plus important, comme une sorte de devoir accompli quand une telle légende de la musique remet les pieds sur une scène.

Cependant, j’étais loin d’être le seul, tant l’engouement du public avait été impressionnant pour cette tournée, comme une sorte de passage obligé relayé par tous les médias au point d’attirer de nombreux mélomanes, mais peut-être également, il faut bien l’avouer, un grand nombre de curieux.

Ces derniers ne sont pas forcément de nouveau au rendez-vous en 2016 mais qu’importe, car les admirateurs aimant la belle musique savent apprécier ce nouveau tour de chant. Neuf ans après, beaucoup en cette occasion ne découvrent pas l’Amiral sur scène pour la première fois et cela leur permet davantage de recul pour une émotion forcément différente et une focalisation sur sa qualité artistique. C’est justement dans cette optique que je me dirige vers la Halle Olympique d’Albertville au point d’en oublier l’attente d’un nouvel album du chanteur. Je ne souhaite pas spécialement mettre le sujet sur le tapis mais si je l’occultais, on pourrait m’en faire la réflexion après lecture. Bien entendu, je ne serais pas contre une future tournée avec de nouvelles chansons, mais c’est à lui seul d’en décider. Je vais juste préciser que je ne suis pas du genre à fantasmer sur ce que je ne connais pas et que je préfère me focaliser sur le matériel existant. L’artiste a tellement de tubes à son actif ayant marqué l’histoire de la musique sur de nombreuses décennies qu’il faut savoir les apprécier à leur juste valeur et pour ma part, cela commence avec l’arrivée sur scène de l’idole.

C’est sous des sonorités rappelant un orgue d’église, telle une apparition divine, que débute la première chanson du show. Michel est pourtant là pour nous rappeler qu’il n’est qu’un humain avec « Je Suis Un Homme ». Le message initial de cette composition est bien entendu plus terre à terre, loin des images que je me permets aujourd’hui. Il représente tellement une société de l’époque qui n’acceptait pas la pilule et l’avortement et dans laquelle l’homosexualité était encore un délit. En 1970, Michel lutte alors contre les préjugés en donnant de sa personne et démontre ce souhait de faire bouger les lignes, tel un visionnaire en avance sur son temps. Le ton de la version studio m’inspire gravité et mélancolie alors que les arrangements de cette version live résonnent en moi comme une célébration avec le public. Tout comme la société, les oeuvres de Michel se sont également transformées à l’image de ces paroles modifiées par l’artiste pour être raccord avec son temps. Rien n’est figé avec l’Amiral et nous aurons l’occasion d’en reparler.

Pas le temps de souffler car Michel enchaîne avec son premier succès, « La Poupée Qui Fait Non ». Il faut dire que ce titre est un peu son « Billie Jean » et nous apparait comme un incontournable de son répertoire, un demi-siècle après sa parution. Comme avec la chanson précédente, représentante d’une période liée à la libération sexuelle, j’ai cette confirmation que Polnareff est un symbole ne se limitant pas uniquement à l’aspect musical sur ces cinquante dernières années. Il n’empêche que je n’oublie pas qu’il avait imposé certaines conditions à sa maison de disques pour lancer sa carrière avec cette chanson, et notamment la présence du guitariste Jimmy Page, le fondateur de Led Zeppelin. Cette volonté de s’entourer des meilleurs musiciens en studio est un dénominateur commun entre mes artistes favoris et l’Amiral n’échappe pas à la règle.

Il n’est pas encore 22 heures à ce moment-là et Michel Polnareff peut prononcer les paroles « Il est des mots qu’on peut penser et ne pas dire en société » pour continuer son show. Interdite d’antenne à la radio jusqu’à cette heure fatidique à sa sortie, « L’Amour Avec Toi » résonne aujourd’hui comme un titre plein de tendresse et de romantisme. Initialement, était-ce alors une provocation du chanteur dont « Viens Te Faire Chahuter » serait la petite soeur née dans les années 80 ? Ou alors l’inspiration du visionnaire (encore !) incompris toujours en avance sur son temps ? Je n’ai pas ces réponses mais cela ne m’empêche pas d’apprécier les quelques accords du claviériste Brad Cole venus soutenir et sublimer l’ensemble avec une extrême subtilité. Déjà présent en 2007, ce vieux complice de Phil Collins remplace le bassiste Bunny Brunel à la direction musicale.

Le spectacle continue avec « Sous Quelle Etoile Suis-Je Né », précédé d’un mini-discours du chanteur pour nous préciser que ce serait grave de ne plus monter dans les aigus, mais nous avons la certitude que ce ne sera pas le cas et l’Amiral confirme nos pensées. L’occasion également pour lui de jouer avec le public en le faisant chanter. Il constate alors qu’Albertville a perdu « Savoie » ! Pour ma part je dirais que ce n’est pas faute d’essayer mais c’est un métier !

D’un point de vue instrumental, j’ai le sentiment qu’il s’agit-là d’une des chansons les plus sublimées par de nombreux travaux d’arrangements. Comme je l’ai dit plus haut, rien n’est figé avec Michel et ses chansons se bonifient avec le temps comme du bon vin. J’ajouterais que les paroles de Franck Gerald, pleines de maturité et de recul sur l’existence, prennent encore davantage de sens aujourd’hui car l’homme aux lunettes a forcément un vécu encore plus important en 2016.

Le thème de la chanson suivante se veut moins existentiel et plus léger avec « Ophélie Flagrant Des Lits ». Elle fut la nouveauté de la tournée précédente en 2007 et répond de nouveau présente cette année. Malgré ce statut de chanson récente, elle n’échappe pas à de nouveaux arrangements offrant une version qu’on pourrait qualifier d’alternative. Un peu comme si Polna rimait avec George Lucas qui n’a cessé de vouloir ajouter de nouveaux effets spéciaux pour peaufiner « Star Wars ». « Ophélie » n’a pas forcément le prestige des autres tubes, mais ses paroles reflètent tellement les nombreux jeux de mots imaginés par Michel qu’elle reste attachante. Cette rhétorique si propre à lui n’est pas forcément présente dans l’ensemble de son répertoire au point que la présence de cette composition dans la set-list prend tout son sens.

Les premières notes de la chanson suivante se font alors entendre mais Michel en a marre et veut partir ! Heureusement, il ne s’agit pas là de son humeur du moment (ouf ! le concert est loin d’être terminé…) mais bien de « Tam-Tam (L’homme préhisto) ». On a beau être samedi soir, loin des tracas de la semaine, il n’empêche que le texte me parle réellement… A ce propos, les paroles d’origine faisant allusion aux journaux sont remplacées par les réseaux sociaux : et oui, nous sommes en 2016 ! Sans oublier qu’il s’agit là d’un titre de Polnareff entamant les années 80 avec les sonorités du synthétiseur suppléant le piano et un vidéo-clip se voulant novateur, dans un domaine que Michael Jackson n’avait pas encore révolutionné. La guitare électrique déjà présente dans la version d’origine se veut encore plus incisive avec les déchainements de Tony MacAlpine. Ce dernier vient de remporter son combat contre un cancer diagnostiqué l’année dernière et est présent, comme en 2007, pour notre plus grand plaisir.

Après avoir encouragé le public à se lever lors du titre précédent (ne semblant pas apprécier cette configuration assise pour la fosse), il va être temps pour Michel de s’asseoir, non pas qu’il se dirige vers les coulisses pour se reposer, loin de là. Un piano, tel un manège, se dirige de la droite vers le milieu de la scène. N’oublions pas que le compositeur-interprète reste un virtuose du piano et qu’une démonstration de sa part en ce domaine est une sorte de passage obligé face à ses admirateurs.

Pour soutenir cette performance, un rideau est descendu derrière lui afin de projeter quelques sublimes effets visuels dignes d’un show à l’américaine. De nombreuses larmes apparaissent comme pour mieux annoncer « L’Homme Qui Pleurait Des Larmes De Verre », la chanson favorite (avec « GoodBye Marylou » me semble-t-il) de Michel. Ce titre donnant dans l’émotion par sa mélancolie se traduit par une sobre instrumentation mettant le piano de Polnareff en première ligne. Il est vrai que la présence de cette chanson dans l’album qui avait suivi son exil américain (avec une épreuve personnelle à surmonter) permet de ressentir une atmosphère autobiographique. Un moyen de faire peser dans la balance toute cette dramaturgie qui ne peut laisser insensible.

Cette ambiance particulière se prolonge avec la chanson suivante, « Qui A Tué Grand Maman », et c’est l’occasion idéale pour saluer le travail des choristes, à l’image de la présence de Kenna Ramsey, tout comme en 2007, offrant là une prestation digne des plus grands gospels et démontrant cette pluralité des styles musicaux dans l’univers de Michel. Les effets visuels projetés sur le rideau transparent font encore merveille et viennent soutenir la performance de l’artiste tel cet arbre qui traverse toutes les saisons et perd ses feuilles d’automne au moment où Michel débute son solo. Comme si ces notes de musique illustraient le temps qui passe et dont seuls nos souvenirs n’ont pas subi les ravages. Ce temps semble alors notre ennemi, comme l’a également chanté Léo Ferré, et c’est le moment opportun de faire remonter à la surface les joyeux moments du passé et de rendre hommage à ceux qui nous ont accompagnés et qui ne sont plus là.

A peine le temps des nombreux applaudissements de circonstance, Michel reste au piano pour adresser un message à sa bien-aimée avec le classique « Lettre à France », issu de l’album « Coucou Me Revoilou » de 1978. Cette version live démontre une nouvelle fois que les arrangements, par rapport à la version studio, amènent la composition dans une dimension supérieure. A cet instant, j’ai la conviction qu’un nouvel album studio contenant les plus grands tubes dans des versions 2016 ne serait pas si farfelu et qu’un tel projet aurait un véritable intérêt artistique.

J’arrête cependant de fantasmer car je me dois de suivre la suite du spectacle avec « Love Me, Please Love Me » qui ne fait pas exception à ma précédente affirmation. En effet, cette version se veut ré-arrangée dans un esprit lié au Jazz, style musical dont l’improvisation est l’une des coutumes. Dans un show carré et millimétré, Polnareff ajoute à sa performance quelques brillants passages de piano à l’image d’un solo différent de celui de 2007. Véritable pieuvre, comme s’il ne pouvait pas avoir seulement dix doigts tellement son art semble infini dans une totale liberté. Lors du final, il propose à nouveau au public de tester son analyseur d’ambiance en montant avec lui dans les aigus. Une action participative efficace, dans laquelle tout le monde s’implique au point de taper également des pieds dans la tribune. Par son talent, j’ai alors le sentiment qu’il pourrait retourner et conquérir toutes les foules sans que cela paraisse acquis au départ. Il y a rarement eu autant de chaleur à Albertville, cité olympique des jeux d’hiver, en ce mois de novembre….

Pourtant, c’est un thème lié à cette période hivernale qui s’en suit avec « L’Homme En Rouge », le nouveau titre de cette tournée 2016 comme l’était « Ophélie » en 2007. C’est un titre mélodieux et puissant avec la voix de l’Amiral soutenant son orchestration, du pur Polnareff tout comme « Je Rêve d’Un Monde » en 1999. Un autre artiste ne pourrait tenter d’imiter ce style particulier : ce serait prendre le risque d’offrir une pâle copie car dans ces cas-là, il ne faut pas croire au Père Noël…

Néanmoins, nous avons notre cadeau de Noël, un peu en avance. L’Amiral se lance dans une prestation d’ « I Love You Because » qui n’avait pas été au programme de la tournée 2007. Je ne l’avais pas entendue depuis très longtemps et à cette occasion, c’est comme si je la découvrais pour la première fois. Je me dis alors que je devrais me replonger totalement dans sa discographie car je risque de passer à côté d’autres pépites comme celle-ci. Comme je l’ai expliqué un peu plus haut, il faut savoir apprécier le matériel existant et non se focaliser sur d’éventuelles futures parutions.

Cependant, le son d’un orgue accompagné d’une basse ronflante et de puissantes percussions me font descendre de mon nuage et de mon esprit fleur bleue lié à la précédente chanson. En effet, une exécution semble se préparer comme le raconte si bien le narrateur du « Bal des Laze ». J’étais très jeune quand la peine de mort a été abolie mais il est vrai que c’était loin d’être le cas lors de l’écriture de ce classique. Cette vive lumière rouge n’est pas sans me rappeler la couleur du sang illustrant pleinement cette tension dramatique. A l’image de ce solo de Tony MacAlpine (la main droite joue du clavier tandis que la gauche use les cordes de sa guitare pour l’occasion !) intensifiant ce constat par ses instruments qui hurlent et pleurent de douleur, comme si l’issue ne pouvait être que fatale après ce crime passionnel sans aucun remord pour la victime.

Après cette magistrale interprétation, la pression ne pouvait que redescendre : le moment opportun pour Michel de regagner les coulisses tandis que le piano s’éloigne dans la pénombre. Malgré les apparences, il ne s’agit pas d’un entracte puisque cet intermède est meublé par une battle entre Tony MacAlpine et Peter Thorn, l’autre guitariste de la tournée. L’occasion de louer également les qualités de ce dernier, tirant lui aussi son épingle du jeu, loin de s’effacer derrière la rythmique au profit de Tony. Un duel sans vainqueur qui se conclut par « Smoke On The Water » de Deep Purple sous forme de communion entre ces deux fabuleux musiciens.

L’interlude terminé, l’Amiral revient sur scène et félicite ses deux musiciens par une boutade dont il a le secret : « Ils ont commencé à jouer de la musique la semaine dernière ! ». Il est cependant temps de redevenir sérieux (ou pas..!) pour le titre à venir : « La Mouche ».

Chanson incontournable de la discographie de Polnareff, elle m’évoque cette époque où la version studio d’une chanson pouvait exister seulement par la face B d’un 45 tours. A croire qu’elle a acquis ses lettres de noblesse par des prestations live, à l’image du « Polnarévolution » de 1972 et de son ouverture au « Live At The Roxy », sans oublier la tournée de 2007. L’occasion pour l’artiste de rendre une nouvelle fois hommage à la gente féminine, les traits de cette mouche se prêtant à le faire avec finesse et volupté dans le texte, même si d’un point de vue musical ce sont les percussions qui se distinguent dans l’instrumentation. Le batteur Curt Bisquera et le percussionniste Nicolas Montazaud nous font une démonstration de leur technique alliant à la fois précision, finesse et puissance, et confirment que Michel n’est pas le seul virtuose de la soirée. Sans oublier, durant le pont, un sample de « That’s The Way (I Like It) » de KC & The Sunshine Band qui n’est pas sans rappeler l’influence anglo-saxonne dans l’univers de l’artiste et qui justifie totalement cette volonté d’un show à l’américaine.

Après la face B, voici la face A du même 45 tours : je fais bien entendu allusion à « Holidays ». A l’image de cet avion qui survole le ciel, la voix de Michel semble s’élever dans les cieux comme une parole divine effaçant toute notion de distance et de temps. Un peu comme si la Californie n’était finalement pas si lointaine, toute proche à l’échelle de l’univers. Cette sensation d’un artiste vivant sur un autre continent mais venu jusqu’à nous accrédite ce ressenti assez original mais qui n’engage que moi, me direz-vous.

Les synthétiseurs aux sonorités de l’album « Bulles » se font alors entendre pour me faire de nouveau redescendre de mon nuage, mais c’est pour la bonne cause puisqu’il s’agit d’un titre que nous n’avions pas entendu en 2007 : « Où Est La Tosca », création aussi décalée que géniale d’un Polnareff voulant faire se rencontrer la Pop et l’Opéra. Un mariage qui pourrait sembler improbable pour le commun des mortels mais ce serait sans compter l’inspiration d’un artiste aussi original qu’imprévisible. L’occasion également d’apprécier les vocalises du choriste Olivier Constantin, dont c’est peut-être l’instant de bravoure durant ce concert. Pour l’anecdote, j’ai voulu en savoir davantage sur ce dernier au point d’apprendre qu’il avait chanté le générique de « Cobra », le dessin animé japonais de mon enfance. Une bien belle surprise mais comme l’a dit Michel dans la chanson précédente : « Le monde est petit même si je ne sais toujours pas où se trouve la Tosca ! »

Il est cependant temps de changer totalement d’ambiance avec cette mise en abîme des lumières. Certains DJ ont appelé cela la « pause tendresse » du temps où on passait encore des slows en boîte (au risque d’un râteau… non, non, ce n’est pas du vécu !!!). Il est vrai que « Je T’Aime » peut se targuer d’être la ballade la plus romantique de la carrière de l’Amiral par cette déclaration poignante se voulant sans limite pour illustrer un amour infini et fusionnel. Nombreux sont ceux qui peuvent avoir de tels sentiments mais dans la majorité des cas, il leur serait impossible de les immortaliser sur papier. Fort heureusement, il existe des artistes capables de réaliser cette performance au point que cette chanson reste l’un des moments les plus poignants du concert, d’autant que la composition se veut à la hauteur du texte, à l’image de ce solo de guitare soutenu par les choristes comme un hurlement de passion pour déclarer sa flamme car il est uniquement question d’amour et de rien d’autre dans cette chanson.

Voilà qu’après une telle déclaration, Michel se sent sous-marin et veut sauter de son appartement car « Dans La Rue », il est chez lui ! Courageuse initiative dans la température savoyarde du mois de novembre mais c’est l’occasion d’entendre l’une de mes chansons favorites. J’ajouterais, pour ma part, qu’il s’agit là d’une sorte d’exception dans mes souvenirs de la tournée de 2007. En effet, d’après moi, c’est l’une des deux versions live qui ne surpassent pas la version studio. Il est vrai que cette dernière au son New Wave faisait la part belle aux synthétiseurs, batterie électronique et autre vocoder, offrant à ce tube des années 80 une forte identité musicale liée à cette période. Dans cette version live de 2016, l’esprit Rock initialement entendu neuf ans plus tôt est toujours présent mais les instruments de John Philip Shenale et Brad Cole me semblent davantage mis en avant cette fois-ci. Un peu comme si Brad, dans sa direction musicale, avait fait ce choix sciemment mais ce n’est qu’une interprétation de ma part. Il n’empêche qu’il s’agit là d’une confirmation que cette nouvelle tournée n’est pas un copier-coller de la précédente, et c’est à souligner. De toute façon, pour cette prestation, le public est debout et prend du plaisir : c’est l’essentiel.

Il n’est pas près de se rasseoir avec la chanson suivante et pour cause : il s’agit de « Y’a Qu’Un Cheveu ». Ce titre était initialement une face B du « Bal Des Laze », Polnareff s’octroyant une sorte de récréation durant ces fameuses sessions studio avec cette ambiance d’église et ses 5000 bougies. Près de cinquante années plus tard, cette récréation est toujours d’actualité tellement la communion entre Michel et son public est grande durant cette performance, tel un bal du village à grande échelle où personne ne veut se prendre au sérieux. C’est pour ce motif que ce titre avait supplanté sa face A pour les passages à la radio. Ce ton joyeux et déluré effrayait moins que son texte évoquant un assassin indigne des passages radio. Le temps et l’histoire ont réhabilité « Le Bal des Laze » mais son opposé, dans le thème et l’ambiance, n’a pas pour autant été oublié. Au point qu’il est temps de regagner son siège après tant de débauche d’énergie, et l’Amiral ne va pas contester cet état de fait puisque le piano fait son come-back, tout seul comme un grand.

Un petit solo digne d’un virtuose s’impose avant d’entendre les premières notes de « Goodbye Marylou ». Cette chanson aurait pu paraitre aujourd’hui tellement elle semble d’actualité. Elle date pourtant de l’époque du minitel et des premiers échanges virtuels en si petit comité. Tout cela confirme que l’artiste était encore visionnaire à l’aube des années 90. L’évolution de son univers artistique au fur et à mesure des décennies est également celle de la société. Le personnage glam-rock aux antipodes du conformisme montre une nouvelle fois la marche à suivre d’une mutation insoupçonnée. Ce texte peu familier et parfois incompréhensible pour un grand nombre en 1989 est devenu un language commun. Polnareff pourrait mettre en avant cette prouesse mais c’est davantage l’aspect émotionnel qui émane de son interprétation. En effet, le show aurait pu s’arrêter là tellement ce moment est adapté pour un final. Le chanteur présente un à un les musiciens qui l’accompagnent pour des louanges mérités, ainsi que tous les protagonistes du son et de la lumière, sans oublier ceux qui démontent et remontent la scène dans tous les zénith de France. Une bien belle équipe pour un résultat aux effets 3D digne du Cirque du Soleil, ce qui est à souligner. Tandis que Michel se lève de son piano pour saluer la foule et lui dire « Au revoir », les choristes accompagnent les synthétiseurs à coups de « Goodbye ». Alors que Michel avait entamé la chanson seul au piano, de façon intimiste, elle s’achève d’une manière spectaculaire tel un final digne des plus belles comédies musicales de Broadway.

Un rappel s’impose donc et le public ne se fait pas prier pour le réclamer. La réaction devient quasi immédiate au point que Michel se trouve déjà en position sur ce piano revenu de la pénombre vers la lumière de la scène. Je reconnais « Kâmâ-Sutrâ », titre de l’album éponyme de 1990, et que je n’avais pas entendu lors de la tournée de 2007. J’ai alors souvenir du clip de cette chanson avec l’ombre de l’Amiral errant dans les couloirs du Royal Monceau. A ce moment-là, Polnareff semble inaccessible à la limite du personnage de fiction qu’on ne peut toucher, même du bout des doigts. Je saisis ce contraste de le voir devant moi en chair et en os alors que c’est cette même composition que j’entends à cet instant et qui me le rendait si lointain. Je mesure encore davantage ma chance de le voir sur scène et de pouvoir fièrement dire un jour que j’étais là.

Michel prolonge le plaisir, toujours au piano, avec « Ame Câline » que j’avais également entendue en juillet 2007 à Vienne mais sous forme d’un bref rappel. Neuf ans plus tard, j’apprécie de la réentendre dans une version bien plus longue. On pourrait faire le lien avec « Je T’Aime » et analyser son thème (ou « T’AIME », mon hommage aux jeux de mots façon Polna !) comme du romantisme bien qu’il s’agisse là davantage d’une peur de la solitude que de l’amour, ce qui sont deux choses complètement différentes selon moi. Une sorte de chanson pour petite annonce dans la rubrique « Rencontres » ! Si bien que « Tout Tout Pour Ma Chérie » aurait pu rentrer dans la même catégorie, et cela tombe bien, il s’agit de la chanson suivante au programme. Après son excellente version reggae du « Live At The Roxy » en 1996, Polnareff quitte son piano pour offrir une prestation aux arrangements Rock afin que Tony Mac Alpine déchaine sa guitare pour un dernier solo tandis que Curt Bisquera s’en donne à coeur joie à coups de caisse claire. Tout Tout pour la musique !

Il ne manquait plus qu’un dernier voyage au Paradis pour conclure cette soirée. C’est chose faite avec « On Ira Tous Au Paradis », un peu comme lorsqu’il ne reste qu’une chanson au programme et qu’on la devine instinctivement. L’écran géant diffuse même les paroles pour un karaoké à grande échelle. Pour la version studio, Michel avait engagé une troupe d’amateurs pour chanter le refrain et la tradition se veut donc d’être respectée en live, comme une sorte de communion participative entre l’artiste et son public ! Le froid savoyard s’est fait oublier et cette Halle Olympique est alors pleine de chaleur pour saluer un artiste qui l’a conquise de façon magistrale.

Il est alors temps de quitter la salle et de rejoindre son véhicule : c’est en tout cas ce que tout le monde fait. Cependant, je n’ai pas envie que la fête s’achève : « Je ne veux pas rentrer chez moi, je n’aime pas les sous-marins. » Ces lignes ne sont pas de moi, mais c’est vraiment ce sentiment qui domine. C’est également le cas de mon ami Florian, venu jusqu’en Savoie pour son 7ème concert de la tournée, tandis que Laetitia, ma compagne, est d’accord pour nous suivre dans notre folie positive. Nous nous dirigeons vers la sortie des artistes avec quelques vinyles dans mon sac, ce qui m’a valu un regard surpris et perplexe de l’agent de sécurité lors de la fouille à l’entrée. Tout semble se dérouler comme prévu lorsqu’un van aux vitres teintées entre dans l’enceinte du complexe. Sauf qu’il ressort, toujours à vide, quelques minutes après et que son chauffeur nous dit qu’il est trop tard, que l’idole est déjà partie…

Sauf que « dans la rue, je suis chez moi » et on ne se décourage pas. Quelques indices me font penser que Michel n’est pas très loin au point de me diriger vers l’hôtel-restaurant le plus proche et au standing digne de lui. Il est là, attablé avec Fabien Lecoeuvre (fondue, raclette, reblochon ?? sincèrement, je n’ai pas fait attention…). Il s’ensuit une petite négociation avec les gardes du corps qui se demandent « ce qu’on fai(sai)t là mais ça iraaaaa ! » Nous attendons patiemment la fin du repas avant d’être invités à entrer dans le hall de l’hôtel. C’est le moment tant attendu d’une discussion très sympathique et décontractée avec Michel Polnareff qui semble ravi de rencontrer ces invités surprise. On se présente par nos prénoms et, chose qui nous semble incroyable, il connait nos noms de famille. C’est bien la preuve qu’il gère lui-même sa présence sur les réseaux sociaux. Je lui offre mon livre « Let’s Make HIStory » et prend le temps de lui en expliquer le concept. Je lui donne d’ailleurs une version en anglais lorsqu’il m’indique qu’il n’a aucune préférence entre sa langue maternelle et celle d’adoption pour la lecture. Après une petite photo souvenir et des dédicaces sur les vinyles, je le vois s’éloigner et monter dans sa voiture… A ce moment-là, je suis encore au Paradis…

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