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Janet Jackson – Auditorium Stravinski, Montreux

Le 30 Juin 2019

Si vous commencez un peu à me connaitre, vous savez sans doute que j’adore me trouver à Montreux. Un endroit apaisant où il fait bon se ressourcer. D’une manière plus générale, les puristes et les passionnés connaissent la cité helvétique comme un lieu sacré pendant son festival international de Jazz. Chaque année, je reste donc attentif à l’annonce de sa programmation, et c’est ainsi que je me suis laissé tenter pour repasser la frontière. Il est vrai que c’est surtout pour les concerts et le chocolat que j’aime la Suisse, à défaut des lingots et autres paradis fiscaux mais là n’est pas le sujet !

Non, ne nous égarons pas car c’est bien le nom Jackson qui m’a interpellé au point de prendre mon billet. Mes concerts des Jacksons, puis des 3T, en 2018 ont été de belles expériences, et voilà l’occasion de prolonger la fête. Toutefois, il ne s’agit pas cette fois des frères, ni des neveux de Michael, mais de sa sœur cadette. Je veux bien entendu parler de Janet qui vient se produire pour la première fois à Montreux.

Ne l’ayant encore jamais vue sur scène, il était temps de combler ce manque, d’autant qu’il s’agit là d’une de ses rares dates européennes pour cette année. C’est bien à Las Vegas que Miss Janet a fait le choix de résider pour cet été, et hormis le Festival de Glastonbury, la veille, vous n’aurez d’autres opportunités pour la croiser sur le vieux continent. Raison de plus pour me rendre à l’Auditorium Stravinski et son impeccable acoustique avec ma casquette #StudyPeace de Marlon Jackson, vissée sur la tête. Celle-ci fait partie du folklore désormais, même si en période de canicule, elle a toute son utilité ! Merci, Marlon si tu nous regardes !

Mais revenons à Janet et à son concert ! La file d’attente avec les nombreux fans me semble déjà conséquente, mais pas d’affolement de ma part. J’ai une place pour être debout dans la fosse et je ne fais plus aucune fixation sur le fait d’être au premier rang. Je me dis que j’ai désormais franchi le cap de la quarantaine et qu’une vue d’ensemble de la scène n’est point désagréable. Je les ai tellement recherchés ces premiers rangs, voulant être au plus près de l’artiste. J’en souris encore, un brin nostalgique d’une époque pas si lointaine.

Je n’ai cependant pas trop le temps de cogiter, car il est l’heure de l’ouverture des portes ! Il est donc temps de gravir les nombreuses marches de l’Auditorium Stravinski pour atteindre la salle de concert au dernier étage. Il y a de quoi bien vous entretenir physiquement mais Dieu soit loué, ce n’est pas un concert de Michael, comme à la belle époque. Je n’ose imaginer des fans courir au milieu des bousculades en escaladant les marches ! Toutefois, le contexte n’est pas celui du Stade Gerland et je n’ai plus dix-huit ans. Nous sommes un public qui a mûri et un concert de Janet peut désormais se vivre et se prêter à un cadre plus conventionnel comme celui de Montreux et de son festival.

Je rentre enfin dans la salle (non, je ne suis pas essoufflé, enfin presque…) et je constate que je peux me greffer au premier rang sur le côté gauche de la scène. Je ne l’avais pas vraiment cherché mais l’opportunité s’est présentée. Un premier signe pour me dire que cette soirée est dans un esprit totalement vintage, tel un clin d’œil au passé. C’est alors que je découvre la présence de Marc, le fan londonien. Le hasard fait bien les choses ! Il se trouve juste à côté de moi alors que nous avons bu un verre ensemble dans l’après-midi. C’est un passionné de musique et de concerts, habitué du festival et plus expérimenté que moi. A titre d’exemple, Marc a vu les Jacksons en concert à Londres alors que je me trouvais dans le ventre de ma maman. J’ai donc plaisir à écouter ses anecdotes et à échanger avec lui en attendant Janet. Nous avons fait connaissance par l’intermédiaire de Facebook et Montreux est désormais le lieu de nos rencontres.

Nous aurions pu discuter plus longtemps mais l’horloge a déjà dépassé les 20 heures, le show devrait être sur le point de débuter. Profitant de notre positionnement sur le côté gauche de la scène, nous assistons à l’arrivée de Quincy Jones dans les coulisses. En effet, le producteur de « Thriller » est à Montreux comme un poisson dans l’eau et ce n’est pas d’aujourd’hui. C’est bien lui qui lance la soirée avec un discours de 2 minutes pour souhaiter la bienvenue à sa petite sœur, qu’il connait depuis qu’elle a 12 ans, ajoute-t-il. Il conclut son introduction en finissant par appeler Janet sur scène mais on lui fait signe de rejoindre les coulisses. C’est bien comme l’avait prévu que Miss Janet va faire son entrée, au point que Q se ravise et rejoint sa place pour assister à l’intégralité du concert.

Une agitation a enfin lieu avec l’arrivée des musiciens et des danseurs dans la pénombre au milieu d’un nuage de fumée. Je finis par distinguer sa silhouette et sa longue crinière au sommet des escaliers placés au milieu de la scène. J’étais venu pour ça, mais je dois avouer qu’apercevoir Janet pour la première fois de ma vie ne me laisse pas insensible. J’essaie même de m’expliquer pourquoi je ne suis pas allé la voir plus tôt car ce n’était pas faute d’écouter ses albums dans les années 90. Je ne me suis jamais revendiqué comme un inconditionnel, mais ses chansons m’ont parfois accompagné.

Je ne croyais pas si bien dire car les premières notes de « That’s The Way Love Goes », suivies de « Got ‘Til It’s Gone » et « I Get Lonely » me replongent dans cette période. J’avais eu des sensations similaires lors du concert des 3T, mais elles sont accentuées par l’effet d’être devant la scène et de croiser le regard de Miss Janet. Je redécouvre les joies des premiers rangs, à l’ambiance si particulière.

Ce voyage dans le temps m’est bénéfique et aurait pu se suffire à lui-même pour justifier cette venue à l’Auditorium Stravinski. Cependant, j’ai l’envie d’analyser le show d’une façon plus générale après ce premier quart d’heure de folie 90s. Janet fait de même en prenant le temps de remercier Quincy Jones pour son discours d’ouverture en regardant dans sa direction.

Ce sera l’un des rares moments d’accalmie, tellement les hits s’enchainent, mettant son excellent groupe à contribution pendant que les danseurs ne sont pas en reste. Dans cette frénésie musicale, Janet sait se ménager parfois en s’asseyant pour mieux repartir de plus belle dans quelques chorégraphies. Elle conserve l’image de la petite dernière de la famille Jackson, au point qu’on risque d’oublier ses 53 printemps. C’est pourtant une artiste iconique dont la carrière s’étale sur plus de 36 années et qui a montré la voie aux Beyoncé et autres Rihanna. Et celles-ci ne l’ont finalement pas vraiment éclipsé, cette présence à Montreux en témoigne.

Au sujet de son répertoire, j’évoquais plus haut les années 90, mais il s’agissait là d’un ressenti plus personnel. Les titres des années 80 comme « Nasty », « Control », « Miss You Much » et autres « Escapade » font bien partie de la fête. Précisons que ses deux premiers albums, élaborés dans une sorte de cocon familial sous l’égide de Papa Joe, semblent volontairement absents du programme. Il est vrai qu’elle trouva son indépendance dans l’entourage de… Prince ! Direction Minneapolis avec Jimmy Jam et Terry Lewis à partir de 1986 et l’album Control. C’est avec ce tandem et ce disque au titre si bien nommé que Janet s’est totalement émancipée et a trouvé son style. Pour la petite HIStoire, c’est d’ailleurs Michael qui ira débaucher les producteurs de Janet, et non l’inverse. Ce tournant dans sa carrière et sa vie personnelle est bien représenté dans une set-list qui pourrait sembler familière pour le grand public, en raison de la présence de ses nombreux tubes. On pourrait citer aisément « Black Cat », mettant son guitariste sur le devant de la scène. Il est vrai que beaucoup ont pu jouer ce titre dans des parties du jeu vidéo Guitar Hero ! Tout un symbole ! 

Je n’oublie pas d’ajouter « Throb » dans cette revue car cette volonté d’assumer le plaisir féminin en l’illustrant par une chanson, fait partie de son histoire et de ses combats féministes qu’on pourrait qualifier aujourd’hui d’avant-gardistes. Lors de cette prestation, Miss Janet s’allonge sur le dos entourée de quelques danseuses, juste sous mon nez. J’ai tenté de prendre quelques photos, mais je ne les ai pas réussis, je devais trembler…

Peut-être l’émotion de voir cette icône de la Pop ? Peut-être même au-delà car c’est avant tout l’histoire d’une femme investie qui a réussi à se faire un prénom. Une façon de lutter contre un mal-être qui la ronge depuis l’enfance, en voulant toujours garder le sourire face à ses fans. Elle est encore sur le ring, alors que rien ne l’y oblige. Qu’a-t-elle encore à prouver ? Plus grand-chose, à moins que ce soit à elle-même, comme s’il ne fallait pas l’enterrer trop vite. A l’image de ses chorégraphies, telles des uppercuts en plein visage au temps qui passe, voulant l’envoyer dans les cordes.

C’était de toute façon un show en communion avec le public, je n’ai pas compté les regards et les gestes complices, plein d’amour envers ses fans. Une présence et un magnétisme sur scène dont j’ai apprécié chaque instant, tellement la star sait vous envouter dans l’exercice de son art.

Vocalement, soutenue par ses deux choristes, elle sait alterner entre chant live et pistes enregistrées ne sonnant pas exactement comme l’album, ce qui offre un compromis honnête. Avouons-le, ce n’est pas pour entendre des performances à la Céline Dion ou Mariah Carey qu’on aime l’univers de Janet.
La prestation de « Rhythm Nation » confirme cet état de fait. On jubile devant cette chorégraphie mythique et on apprécie le clin d’œil à ses frères qui reprend le schéma du final de leurs nombreux shows avec « Shake Your Body ». Le groupe est alors à l’unisson au-devant de la scène comme pour mieux démontrer ses qualités dans un moment du show pas totalement millimétré. J’aurais bien aimé celui de « Scream », son duo avec Michael, comme lors de shows précédents, mais cela reste un souhait très personnel.

Le temps file, et Janet nous dit au revoir après seulement 1h15 de show. Ce fut un brin court mais intense. Vous nous quittez en nous disant qu’il s’agit ici d’amour. Je ne vais point vous contredire à ce sujet. Ce n’est qu’un au revoir ? Je l’ignore mais sachez, Miss Janet, que j’aimerais vous revoir…