En tant qu’auteur lié à l’univers de Michael Jackson, le nom d’Adrian Grant est forcément un exemple à suivre. Par ses magazines, livres et événements, il a énormément contribué pour les fans du Roi de la Pop aux quatre coins du monde, au point que son travail fut salué et reconnu par Michael Jackson lui-même. J’avais donc ce souhait d’interroger Adrian sur son parcours pour se remémorer cette belle aventure. Il a gentiment accepté, non sans cette volonté de rendre ainsi hommage à cet artiste qui nous manque tant. Je le remercie, ainsi que le photographe Christophe Boulmé qui m’a ouvert ses archives pour nous offrir cette photo d’Adrian et Michael sur le tournage de « Stranger in Moscow ».
Tout d’abord, pouvez-vous nous raconter votre parcours de fan et vos premiers souvenirs liés à cette période?
Mon père était un grand fan de musique, principalement de soul et de lovers rock (style de reggae). Son matériel hifi, ses enceintes et sa collection de disques faisaient sa fierté. Tout cela sonnait tellement bien que dès mon plus jeune âge, j’aimais entendre une pléiade d’artistes qu’il écoutait comme Bob Marley, Stevie Wonder, Maze, Odyssey, Diana Ross et Earth, Wind & Fire. Toutefois, je me souviens très clairement du jour où j’ai entendu pour la première fois The Jacksons à la radio. La chanson était « Shake Your Body (Down To The Ground) ». Je devais avoir neuf ans à l’époque, et j’ai juste adoré cette énergie et ce son.
Ceci dit, ce n’est que lors de la spéciale télévisée du 25e anniversaire de Motown que je suis vraiment devenu un grand fan. C’est la première fois que j’ai vu Michael réaliser son moonwalk, et toute sa performance était si envoutante et millimétrée. Elle a fait passer Michael de superstar à méga star du jour au lendemain.
L’album Thriller était sorti quelques mois plus tôt, et je me souviens que ma camarade d’école Helen en raffolait. Elle m’a prêté la cassette qu’elle avait achetée (eh oui, il n’y avait pas de téléchargement ni d’internet à l’époque ! rires). Je l’ai ramené à la maison et l’ai joué sur mon radiocassette, et j’ai été époustouflé par le premier morceau, « Wanna Be Startin’ Something ». Wow, le chant, les paroles, le rythme… En fait, à ce jour, c’est toujours l’un de mes morceaux préférés de Michael.
Ensuite est sorti le court-métrage « Thriller » lui-même ! Il a été diffusé dans une émission intitulée « The Tube » diffusée sur Channel 4, animée par Jools Holland et Paula Yates. Ils avaient obtenu une diffusion en avant-première, tard dans la nuit (1h du matin !) et moi, comme la plupart des gens du pays, je suis resté éveillé pour regarder. Le public était hypnotisé. Premièrement, nous n’avions jamais vu un clip aussi grandiose, mais de plus, la chorégraphie, les effets spéciaux et le look de Michael avec cette veste en cuir rouge étaient parfaits. Tout était juste hors norme.
J’étais désormais un grand fan de Michael, donc c’était génial chaque fois qu’il était mentionné dans les magazines ou les journaux. Il a été un pionnier dans les années 80 et de nombreux autres groupes pop et RnB ont suivi son exemple. C’est donc en retenant mon souffle que j’ai attendu la sortie de son album suivant, BAD. Quelques mois ou semaines avant la sortie, je me souviens avoir lu une liste de morceaux publiée dans le magazine Number One et avoir imaginé la signification de chaque chanson, ou à quoi pourrait ressembler la vidéo. En tant que fans, nous connaissions déjà « Another Part Of Me », présent dans le film de Disney, Captain Eo. Mais des titres de chansons tels que « The Way You Make Me Feel », « Man In The Mirror » et « Smooth Criminal » ont vraiment enflammé notre imagination.
Lorsque la vidéo « Bad » a été diffusée en avant-première, il s’agissait d’un autre événement télévisé à ne pas manquer. Michael avait été un peu à l’écart des médias avant sa sortie, alors quand le public a vu pour la première fois son nouveau look, c’était un moment culte ! Les cheveux, les bottes et les boucles. C’était un nouveau Michael Jackson adulte, qui était vraiment « bad », dans le bon sens !
Le jour suivant, le 1er septembre 1987, l’album Bad est paru au Royaume-Uni (il était sorti le 31 août dans le reste du monde, mais c’était un jour férié en Angleterre). Alors, ce mardi matin, je me suis précipité en ville et j’ai acheté une copie vinyle de l’album chez Our Price Records. Sur le trajet de retour en bus, je me sentais comme Charlie Bucket avec son ticket d’or gagnant de Willy Wonka. J’ai étudié chaque mot de l’album, de la pochette à la pochette intérieure. J’ai relevé les noms de tous les musiciens et auteurs, et les messages de remerciement de Michael à ceux qui avaient rendu l’album possible. À l’époque, ces notes de pochette faisaient autant partie de la sortie d’un album que la musique elle-même !
Quand je suis rentré à la maison, j’ai mis le disque sur la platine vénérée de mon père, j’ai monté le volume et j’ai laissé la musique jaillir de ces immenses et puissantes enceintes ! À l’époque, « Another Part of Me » et « Liberian Girl » faisaient partie de mes morceaux préférés, mais c’est « Man In The Mirror » qui a le plus tourné. « Make that change ! »
Les années 80 ont été une période magique pour la musique, c’est indiscutable. Nous avons connu des gens comme Madonna, Freddie Mercury et George Michael à leur apogée. Mais il n’y aura jamais d’autre Michael Jackson. L’industrie de la musique a changé et est beaucoup plus instantanée de nos jours qu’elle ne l’était il y a 20, 30 ou 40 ans. Michael avait grandi à l’époque de la Motown et avait travaillé dur avec ses frères, en tournée et pour perfectionner leur art. De plus, il avait appris des plus grands, tels que Stevie Wonder, Smokey Robinson, Jackie Wilson et James Brown. Il a déclaré un jour : « Crois en toi. Étudie les grands et deviens plus grand ». Et ça, il l’a fait !
Vous pourrez toujours trouver quelqu’un qui chante ou danse mieux, mais ce qui a fait de Michael le roi de la pop, c’est qu’il faisait tout très bien, et avec son propre style. Ecoutez quelques-uns des tubes qu’il a écrits, tels que « Billie Jean », « Wanna Be Startin Somethin », « Earth Song » et « Don’t Stop Til’ You Get Enough » : ce sont de purs classiques de la pop. En tant que chanteur, il avait une gamme incroyable de quatre octaves et en tant que danseur, il a créé des vidéos révolutionnaires telles que « Beat It » et « Smooth Criminal ».
Il m’arrive parfois de penser qu’il était sous-estimé en tant qu’artiste, parce que les gens se focalisaient davantage sur son style de vie et le battage médiatique autour de lui que sur la qualité de sa musique et de ses performances.
Comment est venue l’idée de s’investir dans la communauté Jackson avec la création du magazine Off the Wall en 1988 alors que vous n’aviez que 19 ans ?
Après avoir obtenu un diplôme universitaire d’études commerciales, j’avais proposé à un ami l’idée de démarrer notre propre entreprise. Nous avons examiné diverses possibilités, du nettoyage des vitres à la vente de jus d’orange frais ! Heureusement, ces idées n’ont abouti à rien, et nous nous sommes tous les deux lancés dans ce que j’appellerais des choix de carrière « sûrs » : James travaillait dans les assurances tandis que j’étais assistant comptable pour une société informatique. Mais après plusieurs mois, je trouvais le travail ennuyeux. Ce que je voulais vraiment faire, c’était travailler dans le divertissement et la production de contenu multimédia. J’ai donc postulé à de nombreux emplois différents dans diverses maisons de disques, stations de radio et de télévision. Cependant, j’ai essuyé lettre de refus sur lettre de refus.
Et puis, un jour, j’étais chez Tower Records en train de dévorer un fanzine intitulé Controversy dédié à l’artiste Prince, dont j’étais également fan, et j’ai eu une révélation. J’ai pensé que si Prince avait un magazine, pourquoi pas Michael Jackson ? La fortune sourit aux audacieux et j’ai donc écrit à CBS/Epic Records pour savoir s’ils ne voyaient pas d’objection à ce que je lance un fanzine sur Michael Jackson en Angleterre. Ils ont dit que c’était d’accord. J’ai ensuite rédigé un plan de développement et demandé une subvention au Prince’s Youth Business Trust. J’ai reçu 1 500 £ qui m’ont permis d’acheter un ordinateur, des logiciels de PAO et d’imprimer 200 exemplaires du fanzine. Le premier numéro du magazine Off The Wall a été publié le 1er juillet 1988, à peine deux semaines avant les mythiques concerts de Michael au stade de Wembley lors de sa tournée mondiale Bad.
Comment faisiez-vous au départ pour rédiger du contenu, avoir des news et obtenir des photos ? Comment le magazine a-t-il évolué et grandi tout au long de son existence ?
Comme nous n’avions pas de réseaux sociaux dans les années 80, les adolescents avaient tendance à se faire des amis par correspondance. J’avais rencontré Denise Pfeiffer de cette façon et c’était probablement l’une des plus grandes admiratrices de Michael Jackson dans le pays. Elle était également une bonne rédactrice et a contribué à beaucoup de contenu durant les premières années. J’ai également obtenu des articles de quelques fans américains qui sont devenus des contributeurs réguliers, dont Gayle Stever, qui à l’époque rédigeait une thèse sur le comportement des fans pour sa maîtrise en conseil à l’Arizona State University.
Ensuite, il y avait d’autres rédacteurs plus mystérieux, dont Mr Tibbs et Benny Cool, qui n’étaient en fait que le fruit de mon imagination pour faire paraître mon équipe éditoriale plus grande qu’elle ne l’était en réalité.
Les premiers numéros du magazine n’étaient franchement pas très bons. C’était expérimental et approximatif car je n’avais jamais produit de magazine auparavant et il y avait beaucoup d’erreurs. Mais c’était une démarche sincère, authentique et passionné et les fans l’adoraient, car ils n’avaient pas d’équivalent dédié à l’actualité de Michael Jackson.
Pour le deuxième numéro, j’ai réussi à obtenir d’être distribué chez Tower Records et Virgin Megastore, et le tirage est rapidement passé de 200 à 500 exemplaires, puis à 700, et a continué de croître.
Pour les clichés, j’ai dû aller dans une agence photo à Londres et passer des heures à parcourir leurs archives pour obtenir une photo décente de Michael à utiliser dans le magazine. D’autres ont été fournis par Sony Music puis par MJJ Productions.
Finalement, le magazine a culminé avec une distribution de plus de 25 000 exemplaires et des lecteurs dans 47 pays différents !
Savez-vous comment Michael Jackson a entendu parler de votre magazine ? Qu’est-ce qu’on ressent en tant que fan lorsque votre idole considère votre travail ?
Le magazine sortait tous les trois mois et j’en envoyais un exemplaire à Bob Jones, le directeur de la communication de Michael. Il soutenait mon travail et transmettait le magazine à Michael, puis m’informait que ce dernier appréciait vraiment mes publications et les commentaires des fans. J’étais ébahi à l’idée que Michael lisait mon magazine, et cela me motivait encore davantage à l’améliorer.
De l’impression en noir et blanc, je suis rapidement passé à la couleur, et au 7ème ou 8ème numéro, j’ai réussi à être distribué au niveau national dans des enseignes telles que WH Smith et même dans le kiosque de Rita Fairclough de la célèbre série britannique Coronation Street.
Plus le magazine était connu, plus il attirait les auteurs et contributeurs. Chris Cadman en était l’un des plus importants, ainsi que John Powner. Par la suite, Gloria Haydock est devenue l’éditrice en chef : elle était très méticuleuse dans son travail de relecture et cela a beaucoup servi le magazine !
L’équipe a continué de s’agrandir et je suis heureux d’être resté en contact avec certaines personnes, telles que Jayne Ross qui dirige aujourd’hui le Michael Jackson World Network sur internet, qui s’est développé grâce aux efforts entrepris au sein du magazine.
Un moment très important dans votre relation avec Michael Jackson est votre venue à Los Angeles en mars 1990 lorsque vous lui remettez le « Off The Wall Appreciation Award ». Comment est venue cette idée de réaliser un montage par votre ami le peintre Vincent McKoy pour le remettre à Michael ?
Je ne me souviens pas avec précision mais je sais que j’avais vraiment envie de remettre une récompense à Michael de la part des lecteurs du magazine. Il me semble que c’est Chris Cadman qui avait suggéré l’idée d’une peinture, et j’ai donc entrepris des recherches qui m’ont mené jusqu’à Vincent McKoy qui avait réalisé de magnifiques peintures à l’huile de personnalités célèbres.
Je lui ai dit que je souhaitais un montage de photos de Michael Jackson des 20 dernières années (1969-1989), je lui ai fourni quelques références et je lui ai donné un délai de deux mois. Il me semble qu’il a réalisé la peinture en six semaines et m’a envoyé une photo du travail achevé, en me demandant malicieusement si « ça irait » ! C’était fabuleux !
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cette rencontre avec Michael ?
En mars 1991, je suis parti pour Los Angles où Bob Jones avait organisé une rencontre pour que je remette l’Appreciation Award à Michael aux studios Record One où il enregistrait son prochain album Dangerous.
Rien que le fait de réussir à amener la peinture de 2 mètres carrés en un seul morceau au studio constitua une véritable mission. Tout d’abord, quand elle sortit de la soute de l’avion à l’aéroport, je remarquai un trou dans l’emballage et je craignais que la toile elle-même ne fût endommagée. Puis, la sécurité m’interrogea pendant ce qui me sembla être une bonne heure au sujet du contenu de mon colis, me demandant si j’étais au courant d’un récent vol de peinture à l’huile. Enfin, le chauffeur de taxi décida de se lancer à la poursuite d’un chauffard en délit de fuite au lieu de me conduire directement à mon hôtel. Bienvenue en Amérique !
Le lendemain, je me rendis au studio d’enregistrement et je fus étonné par les environs. C’était un quartier vraiment quelconque et certainement pas l’endroit où on pouvait imaginer que la plus grande star au monde était en train d’enregistrer la suite de deux des albums les plus vendus de tous les temps !
Néanmoins, j’étais plutôt détendu et je ne savais pas quoi attendre de cette journée. Je rencontrai tout d’abord le photographe Sam Emerson qui m’aida à placer la peinture au-dessus d’une cheminée dans un salon attenant au studio. Bob Jones était là également mais c’est Sam qui fit la plupart de la conversation et me raconta des histoires très intéressantes au sujet des personnes célèbres avec lesquelles il avait travaillé.
Ensuite, il fallut attendre, et attendre encore (du moins, c’est ce qui me sembla) et puis, j’entendis une voix magnifique chantant a cappella. C’était Michael qui improvisait sur un morceau. Il entra dans la pièce et je jure qu’on se serait cru dans le clip de « Smooth Criminal » quand il entre dans le Club 30. Plus rien n’existait autour de moi, et tout ce que je voyais c’était Michael Jackson en technicolor face à moi! J’ai tout de même réussi à me contenir, même si Michael était magnifique et la plus grande célébrité au monde, celui auquel j’avais dédié un magazine et toute ma carrière. Oui, c’était cet homme-là, la raison de tout cela. Et son premier regard ne fut pas pour moi mais pour la magnifique peinture accrochée au mur. « Oh, non, me dis-je, il ne va même pas me voir. » Mais ce ne fut pas le cas, et il me tendit la main, alors que Bob Jones me présentait à lui. Je ne me souviens pas des premiers mots que Michael ou moi prononçâmes, mais je me sentis immédiatement à l’aise en sa présence.
Je présentai alors la peinture à Michael, lui racontant son histoire, et Sam prit des photos de nous deux, tout sourire. Ensuite, je demandai à Michael s’il serait d’accord pour passer un coup de fil à Vincent (ce qu’il fit) pour le remercier de son magnifique travail. Il devait être très tôt lorsque Vincent reçut l’appel, mais il fut certainement bien réveillé en parlant à Michael, bien qu’un peu stupéfait !
À partir de là, la journée se déroula de mieux en mieux. Je demandai à Michael s’il serait d’accord de poser pour la couverture du magazine, et il le fit, à la grande surprise de Bob Jones qui déclara : « Il ne va pas faire ça, Adrian ! », ce à quoi Michael répondit : « C’est bon, c’est pour le magazine. » C’est ainsi que Michael était avec moi, dans notre relation. C’était la personne la plus généreuse que j’ai rencontrée, et il m’a accordé de son temps car il savait que c’était pour les fans.
Michael me demanda ensuite si je souhaiterais entendre un morceau du nouvel album, ce que personne n’avait eu l’opportunité de faire à ce moment-là, à mon avis. Il joua « Men In Black » qui était un morceau très funky et sonore, mais qui ne figura finalement pas sur l’album. Je me tenais debout à côté de lui, secouant la tête en rythme, tandis que Michael était assis à la table de mixage et manipulait divers boutons. Nous avons parlé encore un peu et il a lu quelques lettres et autres messages que les fans m’avaient envoyés à son intention. Puis, Michael écrit une note très sincère pour les fans qui fut ensuite publiée dans le magazine.
Et puis, le temps s’arrêta de nouveau lorsque Michael me demanda si ça me plairait de déjeuner au ranch de Neverland le weekend suivant. Est-ce que j’avais bien entendu ? Si ça me dirait d’aller déjeuner avec Michael Jackson à Neverland Valley le samedi, alors que mon vol retour décollait le vendredi ? Euh, oui, certainement. J’adorerais, même si je devais rentrer à pied chez moi !
Quels souvenirs gardez-vous de ce premier séjour à Neverland ?
Inutile de préciser que visiter Neverland fut l’expérience la plus mémorable. C’était un univers de conte de fées, rempli de choses amusantes à faire et de décors magnifiques où que vous regardiez.
En franchissant le portail, je vis deux chimpanzés, Max et Alex, en train de se rouler sur l’herbe, des girafes, des lamas, les attractions et j’entendis de la musique qui provenait des parterres de fleurs. Je dis à l‘agent de sécurité qui m’escortait en direction de la résidence principale que ce n’était pas la réalité mais il me répondit que c’était la réalité de Michael Jackson, que c’était dans cet environnement qu’il se réveillait tous les matins. Et c’était vrai. Depuis l’âge de 11 ans, et son premier succès avec les Jackson Five, Michael avait eu la possibilité d’obtenir à peu près tout ce qu’il voulait et de voir ses moindres lubies exaucées. Heureusement, Michael choisit de canaliser la plupart de ses désirs vers des choses positives, et en le fréquentant, je vis à quel point il se préoccupait sincèrement des enfants, ouvrant très régulièrement les portes de Neverland aux plus défavorisés ou handicapés. Il me semble que ses actions de charité, en même temps que ses quatre décennies de musique géniale, demeurent le plus grand héritage qu’il nous ait laissé.
Durant le reste de ma visite, Michael fut très accueillant. Il discuta beaucoup pendant le déjeuner auquel prirent également part des musiciens qui travaillaient avec lui sur l’album Dangerous. Ils évoquèrent quelques-unes des chansons, mais globalement, Michael était jovial et détendu. Je pus ensuite faire un tour de la propriété, y compris de la salle de jeux où je passai un bon bout de temps sur les consoles Arcade. Plus tard, Michael me montra la salle de cinéma, puis le studio de danse, et je lui demandai s’il voulait que je lui apprenne quelques pas. La petite grimace qu’il fit signifiait poliment, non merci !
À la fin de la journée, Michael me dit que j’étais le bienvenu quand je le souhaitais, et effectivement, j’eus la chance de revenir au ranch de nombreuses fois au cours des années suivantes.
Vous rencontrerez Michael à plusieurs reprises les années suivantes. Avez-vous quelques anecdotes à nous partager liées à ces moments et votre relation avec Michael qui a forcément évolué tout au long de ces années ?
J’ai eu de nombreux moments mémorables avec Michael, mais je me souviens particulièrement d’un voyage à Budapest en 1994. Michael, accompagné de Lisa Marie Presley, visitait des hôpitaux pour enfants, y distribuant cadeaux et jouets. J’avais la chance d’être le seul « média » autorisé à les accompagner, et j’étais ravi de participer à la distribution des cadeaux à certains enfants malades. Pourtant, la presse, sceptique, sous-entendait que ce voyage (dans le cadre de la campagne Heal The World) n’était rien d’autre qu’un coup de pub. Ce que les journaux ne racontèrent pas, c’est le moment où Michael fit apparaître un sourire sur le visage d’une petite fille mourante qui n’avait fait aucun geste ni émis aucun son depuis des semaines. Sa mère, veillant constamment à ses côtés, éclata en sanglots lorsque sa fille tendit le bras pour toucher la main de Michael.
Quelques mois plus tard, j’eus la chance de passer encore du temps avec Michael à la Hit Factory de New York où il enregistrait l’album HIStory. J’y ai passé environ trois jours. Une fois, Janet est venue, avec Jimmy Jam et Terry Lewis, probablement pour travailler sur « Scream ». Le lendemain, Lisa Marie Presley était également au studio, et Michael nous a gratifiés d’une écoute en avant-première des chansons « Stranger In Moscow » et « Smile », deux morceaux fantastiques. En particulier « Stranger In Moscow » qui a pris vie grâce à l’acoustique du studio dernier cri avec sa console de mixage à 96 pistes. L’histoire s’écrivait en effet sous nos yeux. Lisa Marie et Michael, eux, semblaient très détendus et heureux ensemble.
J’ai suggéré à Michael que, pour « Smile », il pourrait apparaître dans une vidéo aux côtés de Charlie Chaplin, comme Tom Hanks dans le film Forrest Gump avec John F. Kennedy, John Lennon et Richard Nixon. Michael répondit que c’était exactement ce qu’il avait l’intention de faire, mais malheureusement, aucune vidéo ne fut jamais réalisée pour cette chanson.
Le lendemain, une séance photo au studio était prévue pour nous deux, mais Michael ne se sentait pas de la faire. Ce souvenir m’amène à évoquer l’une des plus mémorables conversations que j’ai pu avoir avec Michael : nous avons discuté dans son bureau, rien que tous les deux, pendant une demi-heure, de la vie en général, et de mes cheveux ! (rires) À chaque fois qu’on s’est vus, j’avais une coupe différente. En fait, Michael se sentait un peu gêné vis-à-vis de la séance photo repoussée et quelques mois plus tard, il m’a fait venir à Chicago où j’ai pu prendre des photos qui sont restées mes favorites avec lui, et où j’avais une coupe de cheveux très funky ! (rires)
Si je regarde en arrière, je me sens très privilégié d’avoir pu côtoyer d’aussi près l’un des plus grands artistes de tous les temps. Il m’a grandement inspiré pour réaliser les choses qui me tenaient à cœur et travailler dans le domaine de la musique, du cinéma et du théâtre. En tant que personne, il était toujours gentil, généreux et marrant, et en tant qu’artiste, c’était un véritable génie.
Vous avez également publié trois livres au sujet de Michael Jackson. Comment êtes-vous passé à cette étape ? Comment Michael a-t-il apprécié votre travail en tant qu’auteur ?
Être le rédacteur en chef et l’éditeur de Off The Wall m’a ouvert les portes de l’univers de Michael et j’ai été invité à couvrir de nombreux événements : des tournées de concerts aux tournages de vidéos et à d’autres sessions d’enregistrement. Tout cela sortait de l’ordinaire et je crois qu’avec le temps, Michael s’est habitué à ma présence et m’a fait suffisamment confiance pour discuter non seulement de son propre travail, mais également de sa vie personnelle.
Le premier livre, Live And Dangerous, a été publié en 1992 et n’était en fait qu’une revue du concert Dangerous. C’était plutôt un genre de magazine et j’étais heureux d’avoir pu capturer la magie de cette tournée dans un numéro souvenir.
Making HIStory était très similaire à Live And Dangerous, avec une nouvelle fois, ce concept de magazine amélioré. Son principal attrait était une interview que j’ai faite avec Michael en février 1998, au sujet de la production de l’album HIStory. Cependant, il était à l’origine destiné à être un livre beaucoup plus volumineux publié en 1996 pour coïncider avec le HIStory Tour. Michael devait y contribuer avec quelques dessins, poèmes et nous allions discuter des moments les plus mémorables de sa carrière, et pour ce projet j’avais conclu un contrat d’édition. Mais Sony cherchait un contrat plus lucratif. En fin de compte, cela n’est jamais arrivé, et le reste comme on dit appartient à l’histoire (rires).
Le concept du livre The Visual Documentary a forcément demandé un travail titanesque en décrivant chaque jour de la vie de Michael Jackson. Comment est née l’idée de ce projet qui a connu de nombreuses mises à jour et rééditions ?
Michael Jackson – The Visual Documentary était vraiment un travail d’amour, et, à l’époque, quelque chose que je souhaitais comme la chronologie la plus concise de la vie de Michael qui ait jamais été publiée. Pour rendre ceci possible, j’avais une extraordinaire équipe d’enquêteurs parmi lesquels Chris Cadman, Lisa Campbell, Angelika Meisel et Gloria Haydock qui passèrent des mois à écumer les journaux, reportages et autres livres pour être certains de disposer du maximum d’informations possible. Pour les éditions suivantes du livre, Deborah Dannelley, Jayne Ross et Luigi Pedone seraient aussi de précieux contributeurs.
J’ai également passé trois semaines à Los Angeles à arpenter les somptueux bureaux de MJJ Productions sur Sunset Boulevard où se trouvait à l’époque un coffre immense rempli de photos parmi lesquelles j’ai pu faire une sélection. Encore une fois, Bob Jones soutenait beaucoup mon travail et des transcriptions du livre étaient transmises à Michael à l’avance pour obtenir son accord.
Je me souviens d’une visite à Neverland au cours de laquelle j’aperçus un exemplaire du livre dans le salon de Michael, et j’en ressentis une grande fierté.
La création de spectacles est une autre facette de votre travail. Comment est né le projet Thriller Live alors que Michael faisait beaucoup moins l’actualité dans le domaine musical pendant les années 2000 ?
Michael était un grand fan de The Annual Michael Jackson Day que je produisais une fois par an à Londres depuis 1991. Il adorait tellement l’événement qu’il envoyait ses propres équipes vidéo pour le filmer, faisait don de prix dédicacés pour la tombola et enregistrait des messages vidéo personnels à l’intention des fans.
Pour la 10ème édition en 2001, Michael est venu assister à l’événement en personne. À la différence des années précédentes, il s’agissait d’un spectacle complet, un concert hommage avec la présence de divers artistes et danseurs. Après la performance, qu’il avait regardée depuis les coulisses, (dans une tente, à l’abri des fans), Michael est monté sur scène et a dit que c’était « incroyable et magnifique ! » Il a adoré les différentes parties du spectacle et les prestations de jeunes enfants en Jackson 5, ainsi que les reprises des chansons qui l’avait rendu célèbre.
Cela me donna l’idée et la confiance dans le fait que cette célébration annuelle pourrait faire l’objet d’une tournée, pas seulement pour les fans de Michael, mais pour que le public puisse avoir une idée de ce que c’était de voir Michael Jackson sur scène.
Des spectacles tels que We Will Rock You (Queen) et Mamma Mia (ABBA) ont été de gros succès et ces deux groupes, tout comme Michael, étaient faits pour ce type de shows. La comédie musicale sur Queen en particulier m’a vraiment inspiré, et au départ, je voulais créer un récit musical dans lesquelles les chansons de Michael seraient racontées à travers un récit fictif que j’avais écrit.
Cependant, je me suis heurté à divers obstacles et je n’ai pas pu obtenir les droits pour un récit musical, sans compter le fait que Michael dut faire face à de nouvelles épreuves au cours de l’année 2005. Mais lorsqu’il fut à juste titre innocenté, je me dis que c’était le moment de rappeler aux gens quel immense artiste il était. Ceci m’amena à créer le premier Thriller Live en août 2006, puis à m’associer l’année suivante avec Flying Music, une boîte de production de théâtre et de concerts avec plus de 25 ans d’expérience qui emmena le spectacle pour une tournée au Royaume-Uni et en Europe en 2007. Depuis lors, Thriller Live a été joué dans 34 pays différents et devant quasiment 5 millions de spectateurs !
J’ai la chance que le spectacle ait toujours bénéficié d’une incroyable équipe de créatifs, de techniciens et de performeurs, du manager aux ingénieurs du son, des techniciens vidéo, habilleurs et autres assistants jusqu’à toutes les personnes qui travaillent à la production et s’occupent du marketing, des réservations et d’une multitude d’autres taches.
Ajoutez à cela le travail du réalisateur et chorégraphe Gary Lloyd, et du directeur musical John Maher, tous les deux très méticuleux dans leurs efforts pour monter le spectacle, tandis que nous faisons notre possible pour un résultat qui fasse plaisir aux fans de Michael.
Avec le recul d’aujourd’hui, est-ce que vous voyez Thriller Live comme un bel hommage posthume, même si vous avez lancé ce projet de son vivant ?
Le spectacle a toujours été une célébration de la musique de Michael Jackson, et son format n’a jamais changé entre la première édition en 2006 et aujourd’hui. C’est le résultat de l’amour et du respect pour le travail de Michael, et ça n’a pas changé donc je ne le qualifierai pas d’hommage posthume. À chaque fois que j’assiste au spectacle, que je vois et j’entends les artistes chanter et danser, je le redécouvre comme si c’était la première fois. Je ressens partout l’énergie de Michael, et bien qu’il ne soit pas possible de reproduire sa magie, nous pouvons tout de même lui rendre hommage avec le meilleur spectacle possible, et je suis fier de ce que nous avons accompli ces 15 dernières années avec Thriller Live.
Pour conclure, j’aimerais évoquer cette relation entre vous et Michael Jackson qui aura duré. Selon vous, pourquoi et comment votre relation est-elle restée aussi forte et pendant tant d’années ?
J’ai toujours été honnête avec Michael, et j’aime penser que j’ai parlé avec lui comme avec n’importe quel autre ami. Grâce à ça, il me faisait confiance et me donnait accès à son univers, c’est-à-dire Michael Jackson, l’homme ordinaire, chez lui, et Michael Jackson, la méga-star, sur scène.
Mais en fin de compte, Michael m’a ouvert ses portes parce que j’étais un fan, comme il l’a fait avec beaucoup d’autres fans.
Après le mémorial en 2009, je suis retourné à Hayvenhurst et j’ai passé un peu de temps avec sa famille. J’avais déjà rencontré Katherine, mais cette fois-ci j’ai été présenté comme un auteur qui disait toujours du bien de son fils. Ce à quoi Katherine a répondu : « Eh oui, que pourrait-il écrire d’autre à son sujet ? Michael était la bonté même. »
Ceci est bien vrai, Mme Jackson. Michael était le meilleur !