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« Moonwalk » de Michael Jackson

(Michel Lafon, 1988)

 

Toute revue de livre de ma part se veut ambitieuse car je garde souvent cette citation en tête : « La critique est facile, l’art est difficile ». Il est vrai que par mes lignes, je souhaite encourager à la lecture et démontrer que l’ouvrage en question mérite qu’un potentiel lecteur s’attarde à son sujet.

Toutefois, cette volonté de donner mes impressions peut également être valable pour un ouvrage qu’on ne présente plus. L’ambition n’en est pas moins forte, bien au contraire, car par mes lignes je m’aventure sur un terrain connu de tous et il n’est pas aisé de surprendre et de donner un autre aperçu. Il est vrai que lorsque vous êtes fan de Michael Jackson, la lecture de Moonwalk est une sorte de passage obligé. J’ai donc voulu aborder cet ouvrage que vous connaissez si bien pour exprimer mon ressenti, mes émotions et mon point de vue. J’ai le sentiment de ne savoir m’exprimer qu’à travers l’écriture et je vais donc tenter de mener cette mission à bien.

À chaque fois que je tourne les pages de Moonwalk, j’ai le sentiment de tenir entre mes mains un document précieux et exceptionnel. Rendez-vous compte ! La seule autobiographie du Roi de la Pop ! La biographie d’un auteur écrite par lui-même… On a tellement écrit à son sujet que finalement, ne faudrait-il par revenir à la source et se plonger dans les écrits du principal intéressé ?… Ma question est légitime, même s’il faut reconnaitre que, d’une manière générale et pour beaucoup de lecteurs, ce concept bibliographique peut sembler un brin édulcoré par son auteur. Il est vrai que parler de soi à la première personne n’est pas un exercice évident, surtout si on doit aborder des sujets personnels, telles des parts d’ombres et autres difficultés dans un parcours. Il est donc objectif de penser que Michael Jackson et Moonwalk n’échappent pas à cette règle. Toutefois, pour nuancer mon propos, j’évoquerais une timidité et une pudeur qui font partie intégrante de la personnalité du Roi de la Pop. Cette analyse de l’ouvrage doit bien prendre en compte ces aspects pour mieux ressentir son authenticité. Je pèse ainsi mes mots car pour moi, Michael Jackson se livre de façon très intéressante dans Moonwalk. Tant de personnes ont écrit à son sujet que la doctrine « On n’est jamais mieux servi que par soi-même » peut s’appliquer à cette autobiographie et s’impose d’elle-même lorsqu’on prend le temps d’analyser ces lignes.

Michael débute son ouvrage en évoquant son admiration pour les grands écrivains, avec une âme de conteur sachant captiver son lecteur en le faisant passer par toutes les émotions. C’est donc en toute humilité que le Roi de la Pop débute son autobiographie avec cette envie de savoir raconter une histoire à son public, telle une marche à suivre, sans pour autant se considérer comme un grand auteur. Toutefois, il se permet un bref parallèle avec ses talents d’auteur-compositeur qui sont brièvement évoqués. En effet, chaque chanson est une histoire en elle-même qui peut nous donner envie de chanter, danser ou pleurer. La comparaison reste de courte durée, car Michael Jackson va jusqu’à parler d’esquisse à peaufiner dans le schéma rédactionnel d’un livre. Dans son analyse, je perçois son sentiment d’aucun artifice ni effet spécial pour sublimer le travail d’un auteur : il n’y a que la magie d’un assemblage de mots pour faire réagir le lecteur, seulement la connexion entre deux personnes à travers des pages. En tant que lecteur, je vais donc tenter de démontrer que le souhait de MJ a été exaucé et que cette lecture m’a enrichi comme il se doit.

Comment pouvait-il en être autrement ? Son histoire est incroyable et aucun conteur, même des plus talentueux, n’aurait pu l’imaginer. Voilà une belle leçon de vie que de lire le témoignage d’un artiste ayant commencé à chanter dès l’âge de cinq ans et qui a obtenu la première place au hit-parade à l’âge de 12 ans. D’une manière générale, le contexte familial et l’enfance dans une biographie sont des aspects importants pour analyser toute personnalité dans sa destinée. Ce constat n’en est que plus valable pour le Roi de la Pop, le septième d’une fratrie de neuf enfants, devenu très jeune le chanteur et le leader d’une formation familiale. Dans ses souvenirs, Katherine Jackson, sa mère, reste décrite comme la perfection incarnée. Le chanteur tiendra toujours ce même discours dans différents entretiens tout au long de sa vie et Moonwalk ne fait pas exception à la règle. Ainsi, je ne pourrais dire que ce livre apporte une valeur ajoutée afin de décrypter cette relation entre Michael Jackson et sa mère. Toutefois, mon point de vue est différent pour celle qu’il avait avec Joseph Jackson dont la complexité est de notoriété publique. À ce sujet, je me souviens d’une discussion avec un proche collaborateur du Roi de la Pop. Nous évoquions le fait de savoir réunir les compétences de différentes personnes pour mener à bien un projet. Ce collaborateur se mit à me raconter une anecdote dans ce thème. Un jour, Michael lui avait affirmé que son père était un génie. L’interlocuteur était un peu surpris de cette phrase, tant il avait exprimé à maintes reprises ses rancœurs contre lui, et le fit remarquer à MJ. Ce à quoi la star répondit qu’il fallait être un génie pour n’être parti de rien à Gary et parvenir à ce résultat. Cette anecdote m’a marqué et je l’ai trouvé très intéressante. Ainsi, en relisant Moonwalk, j’ai le sentiment que Michael développe en détails cette affirmation au sujet de son père et la façon dont il a géré la carrière de ses fils. Bien évidemment, Michael n’occulte pas un manque de communication, allant jusqu’à définir son père comme un mystère, ni les coups portés contre lui. Il tente pourtant de raconter quelques souvenirs heureux, en dehors de la musique. Il évoque ainsi ces beignets gras et poudrés ramenés dans un sac par Joseph revenant de l’usine, ainsi que des tours de manèges dans un parc. Mais comme le dit l’auteur, ces images restent floues dans sa tête, même si on peut ressentir son besoin de s’y raccrocher. C’est donc à travers la musique et ce rôle de manager que Michael va s’exprimer au sujet de son père, conscient que ce dernier avait fait de son mieux pour protéger ses intérêts et ceux de ses frères. Toujours à la page de ce qui se passait dans le milieu du show-business, Joe avait dit à son fils que, s’il s’en donnait la peine, il pourrait danser sur une jambe comme James Brown. Dans ses écrits, la star nous démontre toute l’importance de son père pour arriver au sommet, même si on ressent une certaine amertume que le manager ait pris le pas sur le papa.

La nostalgie n’est pas en reste lorsque le Roi de la Pop évoque ses frères. Pour rien au monde, il ne voudrait oublier ce qu’il définit comme une fraternité totale. Dès son plus jeune âge, ils étaient toujours ensemble et ce sont ces liens avec eux qui lui ont donné la force de tenir le coup face à tant de travail et de journées exténuantes durant son enfance. Sans le livre Moonwalk, nous n’aurions jamais perçu le regard de MJ sur ses frères, et notamment Jermaine. À la lecture, nous réalisons combien le Roi de la Pop se sentait proche de son aîné pendant l’enfance, au point de le prendre en modèle et de tenter de l’imiter lors de ses premiers tours de chant, tout en récupérant fièrement ses anciens vêtements. Le succès des Jackson 5 n’avait pas altéré cette complicité fraternelle, et lorsque Jermaine avait fait le choix de rester chez Motown, ce fut une véritable tragédie pour Michael de ne plus le voir sur sa gauche sur scène. À l’heure d’aujourd’hui, nous ne percevons peut-être plus autant ces liens fraternels, tellement Michael s’était lui-même émancipé de sa famille avec sa carrière solo. Pourtant, il regrette cet éloignement de chacun, ajoutant que les différents mariages ont contribué à tout cela, non sans préciser que c’était inévitable. Ce souhait de ne pas grandir s’exprime donc également ainsi…

Cette réflexion personnelle sur lui-même n’était pas une mince affaire pour l’auteur. Il dit lui-même vouloir préserver sa vie privée et a bien appliqué cela en rédigeant son livre. Voilà pourquoi les lecteurs en quête de détails croustillants pourraient être frustrés. Entre la timidité et la pudeur, tout cela démontre qu’il s’agit bien d’un projet réalisé avec la seule vision de Michael Jackson, sans aucune pression d’un éditeur voulant surfer sur le sensationnel pour augmenter les ventes. La star évoque quelques relations connues de tous, sans réellement les développer, mais pourquoi l’en blâmer. La chirurgie esthétique est également abordée, et comme lors de l’interview avec Oprah Winfrey (réalisée cinq années plus tard), il ne reconnait que deux opérations. On peut ainsi percevoir un besoin de se justifier, tant le sujet fait parler, et donner ainsi sa version des choses. Un sujet pas vraiment agréable pour l’auteur mais sans doute inévitable. Je classerais les rapports avec la presse dans la même catégorie, tant ce fossé va se creuser encore davantage pendant les années 90 et 2000. Ce n’est donc pas ce que je veux retenir de ce livre avant tout, voilà pourquoi je ne souhaite pas prolonger ce paragraphe et être en accord avec moi-même. C’est très personnel, mais pour moi, Moonwalk possède d’autres atouts, bien plus précieux.

Dans ce voyage nous menant de Steeltown à Epic, en passant par Motown et le Philly Sound, j’ai le sentiment que Michael Jackson n’a jamais autant évoqué la musique. Un maximum de protagonistes, de Gordon Keith à Quincy Jones, en passant par Berry Gordy, Gamble et Huff, sont présents dans l’évolution et l’apprentissage du chanteur. Cet aspect ne sera plus jamais vraiment abordé dans ses différents entretiens, en dehors de celui avec MTV et Alex Coletti en 1999. Je ne nie pas les formules disant que « ça vient de là-haut » ou l’évocation de « l’arbre du don » qui viendront plus tard mais c’est bien dans son autobiographie qu’il analyse tout cela.

Au 2300 Jackson Street, nous sommes ainsi plongés dans les répétitions des Falcons, le groupe de Joseph, comme l’un des premiers éléments déclencheurs de la révélation artistique d’un enfant. Nous avons alors l’envie de découvrir plus en détail l’univers de James Brown et Jackie Wilson. Par le chant et la danse, un petit garçon est transcendé par ces influences, au point de parvenir à les dépasser. Les concours amateurs s’enchainent et les Jackson 5 commencent à réaliser qu’ils ne peuvent plus se limiter à Gary : petit à petit, les Etats-Unis, puis le monde, deviendront vastes. C’est en ressentant tout son enthousiasme que nous vivons, à travers les yeux de Michael, une première expérience en studio avec Gordon Keith de Sweeltown Records. Cette joie de franchir une étape est narrée comme l’un des plus beaux contes, mais il s’agit bien là d’une confirmation du talent de Michael et de ses frères. Par le perfectionnisme de leur père/manager, ils ont ainsi réalisé qu’ils avaient l’étoffe de professionnels. Ce fut une expérience enrichissante pour les étapes suivantes comme la victoire au concours amateurs de l’Apollo à New York ou l’audition chez Motown à Détroit. À ce sujet, j’ai aimé la manière dont Michael a raconté cet événement charnière dans Moonwalk. Tout cela est gravé dans sa mémoire, nous dit-il, et pour cause, cette audition a été un tournant pour lui et sa famille. L’auteur prend son temps en développant ce sujet sur plusieurs pages et en rentrant dans les moindres détails, comme des sandwichs apportés par Katherine pour le voyage et une chemise repassée à ne surtout pas froisser. Michael chantera des années plus tard « Chaque jour, crée ton histoire ». Il s’agit bien de cela ici : dans cette attente mêlée au stress, le temps semble plus long et c’est avec beaucoup d’habileté que l’auteur nous fait partager ce ressenti. Par les mots de Michael, nous faisons la route de Gary à Détroit dans le minibus Volkswagen et nous accompagnons Joseph et ses enfants sur la route de leur destin que Michael, avec son âme d’artiste et d’enfant, compare tendrement à une partie de Monopoly. Cette audition réussie et le départ vers la Californie, présentée comme le paradis, introduit Berry Gordy comme le protagoniste principal de ce chemin vers le succès. Les Jackson 5 enchainent quatre titres numéros un, au-delà des espérances du patron de Motown qui en avait prédit trois ! Le futur Roi de la Pop, alors âgé de douze ans, boit ses paroles, observe et apprend lors des sessions en studio et autres plateaux de télévision. Ce tableau idyllique s’estompe au fil des pages au fur et à mesure que le chanteur mûrit, prenant conscience de son talent. Ce cadre trop millimétré ne lui convient plus, lui qui aimerait composer et produire ses chansons, tandis que Tito et Jermaine ne peuvent jouer de la guitare et de la basse sur leurs propres albums. L’artiste exprime toute sa frustration de ne pas être écouté et d’avoir le sentiment d’être considéré comme un môme. Il n’est encore qu’adolescent lorsqu’il exprime cette conscience de savoir ce qu’il veut pour sa carrière. Il ne demande qu’à s’envoler, et cette foi en lui-même, dès cette période, est l’une des clés pour déceler l’artiste qu’il deviendra à l’âge adulte.

Dans ce cas, les changements sont inévitables. Les Jackson 5 sont devenus The Jacksons lors de la signature chez Epic Records, et ils peuvent désormais écrire et produire leurs premières chansons dans le giron de Philadephia International Records avec les producteurs Kenneth Gamble et Leon Huff. Il ne s’agit que de quelques titres, mais cette transition en douceur reste bénéfique pour faire avancer Michael dans son apprentissage de la composition. C’est ainsi qu’il commence à nous raconter la genèse de ses différentes chansons, ce qui est littéralement passionnant, notamment concernant les albums de sa discographie chez Epic qui sont abordés en détails. Sans Moonwalk, je ne suis pas certain que j’aurais pu avoir ses impressions sur « Blues Away », sa première composition, ni sur le sens autobiographique de « That’s What You Get For Being Polite », à l’image de cette réunion avec les cadres de chez Epic afin de produire intégralement Destiny et ne plus rester dans le giron de Gamble et Huff. C’est avec beaucoup d’objectivité et de recul que le chanteur reconnait que la sauce n’a pas vraiment pris avec eux, sans contester leur talent.

Le tournage du film The Wiz à New York reste bien évidemment un moment très important du récit. On pourrait aisément retenir l’aspect humain avec cette joie de retrouver Diana Ross, sans oublier cette première expérience de plusieurs mois loin du milieu familial, à l’exception de La Toya. L’aspect musical n’est pas en reste à l’image de cette première collaboration avec Quincy Jones pour la bande-originale du film. Ce dernier est une sorte de Berry Gordy de l’âge adulte mais avec une certaine nuance. Le producteur laisse une totale liberté à la star, tout en le guidant par ses nombreux conseils. Michael évoque d’ailleurs son  « oreille » fabuleuse en tant qu’arrangeur. C’est dans cet esprit que le projet Off The Wall, le premier album solo chez Epic Records, a été élaboré et est paru en 1979. Dans ses écrits, Michael continue de raconter et d’analyser les chansons en détail. Il va jusqu’à comparer Off The Wall à Triumph, l’album des Jacksons paru l’année suivante. Il a beau évoquer des titres comme « Time Waits For No One » ou « Everybody », il ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec les titres d’Off The Wall. Une sorte de mise en concurrence entre ses frères et l’équipe de Quincy Jones, comme pour illustrer les premières velléités d’une carrière solo prenant le pas sur son groupe. Sa confession au sujet du son de Quincy, qu’il estime plus profond, va dans ce sens.

La comparaison entre les albums produits par Quincy et ceux de The Jacksons s’arrêtera là au point que Victory reste le seul disque oublié de Moonwalk. Il ne pouvait en être autrement tellement Thriller a tout bouleversé, dans tous les sens du terme, en devenant l’album le plus vendu de tous les temps. Ce qui semblait impossible à Quincy Jones et Rod Temperton lors de la genèse du projet, Michael Jackson en rêvait et ses souvenirs liés au projet ne sont pas sans me rappeler l’époque où je dévorais les livrets d’albums en tentant d’analyser et de déchiffrer les crédits. L’auteur évoque alors les noms de membres du groupe Toto, comme David Paich et Steve Porcaro, sans oublier d’autres collaborateurs comme James Ingram. C’est vraiment l’un des attraits de Moonwalk pour moi, au point de le voir comme une exception. Le Roi de la Pop met ici en valeur son équipe, lui qui aimait garder une part de secret derrière la porte du studio. D’autres noms dans ses témoignages, comme ceux de Dexter Wansel, Louis Johnson, Tom Bähler et bien évidemment Bruce Swedien, ont une certaine saveur venant de la bouche (ou plutôt de la plume) du maître.

Tout cela n’est pas pour autant édulcoré quand il s’agit de musique. Michael Jackson n’hésite pas à raconter ce qui n’a pas été un long fleuve tranquille dans l’aventure Thriller. Tout comme pour « She’s Out Of My Life » dans l’album précédent, le chanteur évoque ses difficultés à interpréter « The Lady In My Life » avec un Quincy Jones lui demandant de prendre un ton suppliant pour donner davantage d’authenticité au résultat. Tout cela n’était rien par rapport au premier mixage raté de l’album qui a plongé l’artiste dans la colère et les larmes, signe de son perfectionnisme tellement perceptible tout au long de ces pages. Son sentiment est le même lorsqu’il explique sans détour qu’il n’était pas satisfait de la mise en scène du Victory Tour, alors que ces concerts le présentaient sous un nouveau statut de plus grande star de la planète après le raz de marée Thriller. Toutefois, même s’il reconnait ne pas avoir souhaité participer à cette tournée, il ne va pas jusqu’à raconter les tensions de l’époque avec ses frères. Il était tout simplement parti dans une autre dimension en tant qu’artiste solo, mais ce sujet qu’on pourrait classer dans le domaine familial est avant tout pour lui musical, ce qui amène une certaine pudeur dans ses écrits. Voilà pourquoi il est plus aisé de raconter pourquoi il n’a pas été satisfait de sa prestation dans le show Motown 25, alors que cette performance est entrée dans la légende. L’événement de cette soirée, célébrant les 25 ans de la Motown aurait pu être le retour de Jermaine avec ses frères, mais c’était sans compter sur la volonté de Michael qui voulait interpréter « Billie Jean » (ah, cette carrière solo qui prend le dessus !).

De cette prestation, tout est parti d’un chapeau, d’un gant et d’une veste à paillettes qui resteront les accessoires emblématiques d’un tube qui l’est tout autant. Cette chanson, régulièrement citée dans le livre, est un autre élément du récit au sujet duquel l’auteur prend son temps dans l’écriture. Il souhaite qu’on puisse en saisir toute l’importance, à l’image de son clip dont l’effet visuel est partie intégrante du succès de Thriller et a révolutionné les années 80. De ses répétitions pour Motown 25, Michael Jackson nous offre alors un moment de partage via l’écriture avec une immersion dans son âme de danseur. Le contraste est saisissant entre ce moment de solitude dans sa cuisine, se laissant porter par la musique, comme il nous le raconte, et l’instant où il ouvre les yeux au milieu de la scène devant une foule en délire, une fois sa performance achevée, comme s’il ne s’appartenait plus. Au-delà d’une vidéo qui restera à jamais dans l’histoire de la musique, la star a immortalisé ce moment par ses mots et son écriture, tel un tournant dans sa vie.

Une vie qui semblait alors devant lui car Moonwalk est paru avant ses trente ans. C’est généralement à la fin d’une vie qu’on souhaite publier ses mémoires, et voilà peut-être ce qui est le plus frustrant dans ce livre : nous aimerions lire la suite ! Les passages concernant Bad racontant quelques désaccords avec Quincy Jones semblent annoncer son choix de ne pas continuer l’aventure avec lui dans les années 90. J’aurais aimé pouvoir lire ses souvenirs et impressions à ce sujet. Nous aurions alors apprécié ses propres analyses sur les chansons de Dangerous et HIStory, sans oublier certains aspects artistiques comme le choix de ses producteurs et autres anecdotes de studio. Il n’aurait également pas été inintéressant de lire son ressenti sur les affaires, ses mariages ou bien le fait de devenir père durant les années 90. Je ne dis pas que Moonwalk a été écrit trop tôt, car en plein Bad Tour et au sommet de sa gloire, un regard dans le rétroviseur par le Roi de la Pop était légitime. Ce livre aurait pu être le premier tome d’une série d’ouvrages autobiographiques dont les parutions auraient pu être de grands événements pour ses fans.

De cette vie, tout au long de l’ouvrage, Michael Jackson a exprimé combien celle-ci est précieuse, insistant sur l’importance de prendre soin de sa santé. En évoquant de nombreuses stars parties trop tôt, victimes de leurs excès, il aspire à une autre destinée à l’aube de ses trente ans. Il cite même Elvis Presley, en précisant qu’il n’existe aucune comparaison possible entre ce dernier et lui-même. Il s’intéresse à la façon dont il s’est détruit pour ne pas en faire autant.

Est-ce que ses lignes expriment tout simplement un exemple à ne pas suivre auquel il croit alors dur comme fer ? À moins que tout cela soit une tentative de masquer un mal plus profond, telle une crainte de ne pouvoir échapper à son destin ?

Tout cela est troublant… Mais c’est Michael Jackson qui le dit lui-même dans Moonwalk :

« Quand j’entreprends un projet, j’y crois à cent pour cent. J’y mets toute mon âme. Je pourrais mourir pour le réaliser. Je suis comme ça. »