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« Icônes et Instincts » de Vincent Paterson

(E/P/A, 2018)

Parmi tous les livres qu’on peut trouver dans une bibliothèque, je cherche généralement à diversifier mes lectures, mais je sais qu’au final j’aurais toujours cette préférence pour les autobiographies. Le fait de lire un témoignage à la première personne permet de décrypter plus fidèlement le témoignage du principal intéressé. Ainsi, nous avons le sentiment que ses souvenirs sont mieux restitués par ses lignes afin de nous faire vivre au mieux un ouvrage qui résume une vie d’artiste.

« Icones & Instincts » est un titre efficace car il résume bien le témoignage de Vincent Paterson. Un danseur/chorégraphe qui a été au service des stars tout en restant dans l’ombre, et qu’est-ce que l’instinct sinon la plus belle arme d’un chorégraphe afin d’immortaliser en gestes ce qui germe de son esprit ? Cette définition de l’instinct pourrait s’illustrer par la volonté et l’abnégation de Vincent Paterson d’aller au bout de ses rêves, et c’est l’une des plus belles leçons de cet ouvrage. Cet artiste avait fait ses armes dans le domaine du théâtre et c’est assez tardivement qu’il s’est tourné professionnellement vers la danse à l’âge de 24 ans, encouragé par des aptitudes découvertes très jeune en compagnie de sa grand-mère. Plus d’un se serait découragé face au scepticisme ambiant que peut provoquer ce type de revirement artistique, et l’auteur nous dévoile un parcours qui a été semé d’embuches mais dans lequel il a pu aller au bout de ses rêves. L’image de celui qui arrive à Hollywood avec son sac sur le dos, sans argent, ni réseau, est un scénario qui nous semble familier et qu’on imaginerait aisément dans un film ou une comédie musicale. Voilà pourquoi « Icones & Instincts » pourrait nous sembler un beau roman, et pourtant il s’agit d’une histoire purement authentique. Bien évidemment, l’auteur prend le temps de bien se présenter et d’expliquer ce qui l’a mené de sa Pennsylvanie jusqu’en Californie, avec quelques sacrifices et autres épreuves qui ont forgé autant l’homme que l’artiste. À l’image de ses origines modestes, venant de familles qui avaient émigré de Pologne et d’Angleterre. Le divorce de ses parents alors qu’il était très jeune et sa relation compliquée avec son père sont également des tourments qui nous permettent de décrypter ainsi son parcours. Ce dernier se nomme également Vincent Paterson et il lui aura transmis la passion de la danse, même si c’est bien son comportement violent qui restera une de ses blessures d’enfance. Le souhait de renouer des liens avec lui se fait sentir lors du passage à l’âge adulte et on peut percevoir ainsi un soulagement chez l’auteur. Toutefois, tout cela n’est pas si simple car cette relation reste alors compliquée du fait que ce père vive par procuration la renommée de son fils. C’est l’un des sujets qui tient à cœur à l’auteur, au point qu’il revienne sur le tapis tout au long de l’ouvrage. Reconnaissons que c’est l’un des attraits de ce témoignage : le danseur/chorégraphe ne se complait pas dans la facilité de s’abriter derrière les strass et les paillettes qui l’ont accompagné dans sa carrière. Il ne craint pas d’évoquer ses blessures personnelles, sans faire de langue de bois, ce qui légitime et authentifie ce livre.

Il était donc temps que l’artiste se dévoile, lui qui était resté dans l’ombre, au service de ces fameuses icones pour mieux les faire briller sous les projecteurs. En témoignent les nombreuses collaborations avec Madonna qui sont restées dans les mémoires. Je n’estime pas être un spécialiste de Madonna, mais j’ai apprécié sa musique dans les années 80 et 90, au point de mettre en images les nombreux projets narrés par l’auteur en compagnie de Miss Ciccone. Tout cela permet de mesurer combien Vincent Paterson a apporté au show-business ces 40 dernières années tant la liste de ses collaborations est impressionnante. Il n’est ici nullement question de divulguer ragots et potins, mais bien d’en apprendre sur ces stars en coulisses et sur la façon d’appréhender le travail, car c’est bien de cela dont il s’agit. Un envers du décor réaliste, sans vouloir magnifier ni démystifier, afin du restituer le mieux possible comment le résultat que le grand public connait a été obtenu. Parfois, l’homme réussit en obtenant un triomphe ; parfois, il commet des erreurs, mais chaque situation, l’auteur nous la raconte en toute humilité. Dans ces collaborations, il a fallu parfois convaincre son interlocuteur qu’il était l’homme de la situation et qu’il saurait le magnifier. Une sorte d’éternel combat pour se mettre en avant face à une rude concurrence, et cet exemple pourrait parer et inspirer toute jeune personne voulant se lancer sur le marché du travail. J’ai aimé cette sincérité en ne s’épargnant pas soi-même, car je sais ainsi que ses succès narrés ne sont pas tronqués. En témoigne le témoignage lié au film « Dancer In The Dark » de Lars Von Trier avec Björk et Catherine Deneuve. Je n’ai jamais vu ce long-métrage et je réalise qu’il serait peut-être temps de le faire. Toutefois, j’ai été captivé par ce chapitre alors que je ne pouvais mettre des images dans ma tête, contrairement à ceux liés aux stars que je connais. J’ai aimé ainsi ce danseur devenu chorégraphe qui a développé ses talents dans la mise en scène. C’est une leçon de vie de ne pas rester sur ses acquis et autres zones de confort. Dans toute carrière professionnelle, nous sommes amenés à évoluer avec le temps, avec cette volonté de se perfectionner dans diverses disciplines. Quel que soit notre domaine de prédilection, voici des lignes dont nous pouvons nous inspirer. L’occasion de dire qu’il ne faut pas s’intéresser à ce livre uniquement pour se plonger dans la collaboration Paterson/Jackson, car vous passeriez à coté de tous ces éléments. Toutefois, il est objectif de reconnaitre combien cette relation entre les deux hommes est importante et qu’elle reste un élément central de ce livre.

Il est vrai que le Roi de la Pop est abordé de nombreuses fois, en plusieurs chapitres, un peu comme si l’auteur voulait nous faire comprendre, même inconsciemment, que Michael Jackson restait dans son esprit lorsqu’il travaillait avec d’autres artistes, en attendant une prochaine collaboration. Rien n’est édulcoré au sujet de Michael, au point d’évoquer cette ultime rencontre entre les deux hommes qui n’aboutira sur rien, à part de la tristesse et de la mélancolie chez l’auteur. Ce choix artistique de commencer le livre par cette fin peu joyeuse est révélateur. Il n’était pas question de se censurer sur les souvenirs moins reluisants mais de les évoquer le plus tôt possible pour se tourner vers ceux qui sont plus joyeux au fil des pages. En témoigne ce rôle de chef de gang dans le clip « Beat It » face à son mentor, le chorégraphe Michael Peters, parti également trop tôt. On ressent toute l’admiration, le respect et la gratitude de Vincent face à Peters lors de cette collaboration commune dans l’univers Jackson. Elle n’en resta pas là car le tandem sera à nouveau présent pour le vidéo-clip « Thriller » afin que Michael Peters signe une nouvelle chorégraphie qui restera à jamais gravée dans nos mémoires. Après le raz de marée de la Thrillermania, la carrière de Michael Jackson avait donc accédé à une autre dimension. Les tensions et rivalités dans le métier pouvaient donc être vives pour collaborer à ses nouveaux projets liés à la parution de l’album « Bad ». Voilà donc pourquoi Michael Peters pouvait en vouloir à Vincent Paterson d’être le nouveau chorégraphe à ce moment-là. C’était pourtant le choix de Michael Jackson et lorsqu’on regarde les clips de « The Way You Make Me Feel » (réalisé par Joe Pytka, autre personnage important du récit) et de « Smooth Criminal », on ne peut lui donner tort. J’ai tellement longtemps eu cette image d’un Michael Jackson maîtrisant tous les aspects de son art par lui-même que je suis aujourd’hui content de donner des visages à ceux qui ont œuvré dans son univers. Je pourrais citer le clip de « Black Or White » qui apporte un visuel sublimant totalement la chanson, nous permettant de l’apprécier davantage. Tout le monde peut visionner des performances comme la cérémonie des 10 ans de MTV, la performance des Grammy Awards en 1988 ou celle de la mi-temps du Superbowl, et cela remplacera aisément tous les superlatifs que je tenterais d’utiliser dans ces lignes. Cependant, je peux saluer la volonté de Vincent Paterson de ne pas laisser Michael Jackson dans sa zone de confort et de le pousser dans des choses jamais réalisées auparavant. Je pourrais citer aisément la vidéo de « Blood On The Dance Floor » qui m’avait surpris, dans le bon sens du terme, à l’époque. Une prestation virile d’une danse en tandem avec un MJ ne cachant pas une barbe sous son maquillage. Ce fut leur dernière collaboration et c’est une belle conclusion. Bien entendu, je ne rentre pas trop dans les détails, car il sera plus intéressant pour le lecteur de découvrir tout cela à travers l’œil du principal intéressé.

Dans sa démarche d’écriture, l’auteur nous raconte ainsi qu’il est possible de faire carrière et de croire en ses rêves. Il reste cependant lucide face aux pièges de la célébrité, mettant le lecteur en garde sur le fait que tout peut s’arrêter du jour au lendemain, car le plus dur est peut-être de retourner dans l’anonymat tandis que ce nouveau meilleur ami peut très bien engager quelqu’un d’autre pour son projet suivant. À tout cela, en voulant détailler mes réflexions au sujet de ce livre, j’ajouterais un autre élément qu’on ne soupçonnerait pas au premier abord et qui est pourtant primordial : Vincent Paterson dénonce le fait qu’un chorégraphe n’a pas la protection de ses créations comme peut l’avoir un cinéaste, un musicien ou un écrivain. Il cite très justement son lean de « Smooth Criminal » repris dans des jeux vidéo sans qu’il obtienne le moindre crédit. C’est contre cette injustice qu’il souhaite monter au créneau afin que les choses évoluent dans le bon sens. Il n’est donc pas ici question que de show-business dans le milieu d’Hollywood. C’est également le livre d’un artiste engagé et rien que pour cela, il mérite qu’on s’y attarde. Il s’agit là d’un homme, avec des valeurs et des convictions, qui mérite tout notre respect à la lecture de son message.

Voilà donc l’occasion de saluer un travailleur de l’ombre et il serait donc injuste d’ignorer la personne qui a occupé cette fonction lors de la réalisation de cet ouvrage. La journaliste Amy Tofte a ainsi mis sur papier les pensées et la vision de Vincent Paterson sur son parcours de vie et sa carrière. Ce n’est pas chose aisée et je n’ose imaginer le nombre d’heures de conversations pour parvenir à ce résultat, mais je peux témoigner d’une belle complicité entre ces deux personnes après avoir mené ce projet. Amy et Vincent avaient souhaité connaitre mon expérience et mon ressenti au sujet de l’autoédition et j’avais été ravi d’échanger avec eux en visioconférence. Je ne m’attendais pas pour autant à me retrouver dans la liste des remerciements sur l’édition anglaise. C’est donc à mon tour de remercier Vincent Paterson pour sa générosité et sa bonté. Je pense que ce livre résume très bien son parcours mais également son humanité. Je ne peux que vous conseiller de vous en imprégner en lisant cette autobiographie. Celle-ci se conclut par un sourire et j’avoue avoir fait de même.

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