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Entrevues

Jen Leigh

Le livret d’HIStory restera celui qui m’a demandé le plus de travail afin d’analyser les crédits d’un album. Dans cette soif de connaissance, le nom de Jen Leigh avait retenu mon attention dans la liste des musiciens. En effet, j’ai découvert qu’elle était la seule guitariste féminine dans la discographie de Michael Jackson. Je souhaitais donc l’interroger à ce sujet depuis pas mal de temps et lorsque Jen a intégré le groupe de la tournée US de MJ The Musical, je réalisais qu’il était vraiment temps de réaliser cet entretien.

Comment vous est venue cette passion de la musique au point d’en faire votre métier ?

Enfant, j’ai toujours adoré la musique. J’avais beaucoup de disques et d’instruments de musique comme jouets (guitares en plastique, une batterie du Muppet Show, des cuivres, un orgue, un xylophone etc…) Je me suis déchainée un nombre incalculable de fois devant le miroir de la chambre de mes parents. Je rêvais d’être sur scène. Avec un(e) ami(e), je montais des faux spectacles des Jackson 5 et d’ABBA dans le salon ! Ce n’est pas une blague !

Un jour, j’ai fini par demander à mes parents si je pouvais prendre des cours de guitare. En tout cas, c’est ce qu’ils racontent ! (rires) Ils m’ont donc trouvé un très bon professeur qui venait à la maison. Ma mère se souvient très clairement que je suis allée m’enfermer dans ma chambre à la fin de la première leçon pour m’entraîner. Je ne me suis plus jamais arrêtée ensuite. La guitare et tout ce qui était lié à la musique sont devenus ma vie. Je devais avoir 12 ou 13 ans à cette époque. Je suis allée dans un lycée d’arts pour étudier le jazz, puis à l’Université de Berklee pendant un an. J’ai continué de suivre des cours particuliers et d’aller dans des stages de guitare pendant toute mon adolescence. J’ai donc su très tôt que je voulais faire de la musique à un niveau professionnel.

Je n’ai travaillé en tant que professionnelle que dans la vingtaine lorsque des opportunités ont commencé à se présenter à ce niveau-là.

Quelles ont été vos premières expériences sur scène et en studio en tant que professionnelle ?

Ma première expérience sur scène a eu lieu lors d’un stage de guitare quand j’avais 13 ou 14 ans…mais en tant que professionnelle, la première tournée à laquelle j’ai participé fut celle du regretté Merl Saunders. C’était un joueur de clavier Hammond B3 de dingue, notamment lors de sa collaboration avec Jerry Garcia. Ce qui a donné le ton de mon évolution en tant que musicienne, c’est les sessions « bœuf » et rock que nous faisions avec ce groupe. Je me considère principalement comme musicienne de sessions d’impro.

Croyez-le ou non, ma première expérience professionnelle en studio a été sur l’album de Michael Jackson. J’étais très jeune.

Quel regard portiez-vous sur Michael Jackson et sa musique avant de jouer sur l’un de ses albums ?

Oh, mon Dieu, j’ADORAIS sa musique ! Je jouais « Rockin’ Robin » et les disques des Jackson 5 à longueur de temps. Et évidemment, quand sont sortis Off The Wall et Thriller, ça a été de la folie. Ces chansons-là sont ancrées dans mon âme pour toujours, c’est fou. Je suis devenue obsédée par la musique funk à l’adolescence, donc sa musique m’a montré que ce genre musical pouvait se mélanger avec TOUS les autres, à la fois avec succès et avec goût.

Comment avez-vous été contactée pour jouer sur l’album HIStory ?

J’ai passé une audition à Los Angeles pour la seconde partie du Dangerous Tour de 1993. Après une session avec le groupe, on m’a dit sur le champ que j’étais prise. On m’a demandé de retourner à l’hôtel et de faire les démarches que pour le reste de mon matériel et de mes vêtements me soit expédié car les répétitions allaient commencer immédiatement. Vous imaginez dans quel état de choc et d’euphorie je me trouvais, à tout juste 20 ans. Le lendemain matin, quelqu’un m’a appelé pour me dire qu’ils avaient choisi une autre guitariste, à savoir Becky Barksdale. Personne ne m’a donné d’explication : on nous a juste laissé, moi et mon agent, en plan. Dire que cette annonce fut dévastatrice serait un euphémisme. Bienvenue dans le côté obscur de l’industrie de la musique. Michael n’était pas présent lors de mon audition, donc je ne peux pas vraiment vous donner plus de détails, si ce n’est mon propre point de vue. Comme tout le monde le sait, cette partie de la tournée a subi beaucoup d’annulations et de problèmes. En dépit de cette affreuse expérience, je sais que j’avais fait bonne impression à Brad (Buxer).

L’année suivante (1994), il m’a appelé sans prévenir et a laissé un message sur mon répondeur : « Viens aux studios Sony demain à New York. Je voudrais que tu fasses une session pour cet album sur lequel on travaille. » Je vivais encore dans le Connecticut à cette époque donc j’ai pris la route pour New York le lendemain et je me suis retrouvée sur la session d’enregistrement de « Stranger In Moscow ». Une histoire de fou, mais c’est la stricte vérité.

Pouvez-vous partager cette expérience au sujet de cette session de « Stranger In Moscow » ?

Je me souviens avoir eu des échanges avec Brad, Doug Grigsby (le bassiste) et Jeff Mironov, essentiellement. Je ne me rappelle pas si c’est Bruce ou une autre personne qui était à la régie. Je suis certaine que Brad saurait vous dire avec précision qui était là. C’était un très petit studio. Je me souviens clairement avoir travaillé sur le riff de l’intro jusqu’à le maîtriser correctement. Je me rappelle que je me disais « Ooh, c’est vraiment une très belle suite d’accords unique en son genre. » Les samples des beat-box vocaux de Michael me semblaient également incroyables. Personne ne faisait ça à l’époque. À un moment, Michael a appelé d’un hélicoptère pendant la session. (rires) Je ne sais pas où il se trouvait sur la planète, mais il a demandé à ce qu’on lui fasse écouter où nous en étions dans le téléphone. Et il a dit qu’il était très content de ce qu’il entendait.

Avez-vous toujours la plaque HIStory donné à chaque participant de l’album?

Bien sûr ! Elle se trouve actuellement en sûreté chez un(e) ami(e) pendant que je suis en tournée. Je ne m’attendais pas du tout à recevoir cet objet, très sincèrement, et lorsqu’il a été livré chez moi un beau jour, j’ai failli m’évanouir. (rires) C’était un sacré honneur pour moi, et, encore une fois, j’étais très jeune, donc cette réussite avait beaucoup de valeur à mes yeux. Et c’est toujours le cas.

Avez-vous conscience d’être la seule guitariste féminine dans toute la discographie studio de MJ ?

Oui, je sais. C’est un peu surréaliste.

Aujourd’hui vous avez intégré le groupe de la tournée MJ The Musical ? Comment s’est présentée cette opportunité ?

J’ai été recommandée pour la tournée par une musicienne avec lequel j’avais fait une grosse session d’enregistrement à Los Angeles. Elle est très impliquée dans les spectacles de Broadway en tant que directrice musicale et chef d’orchestre. J’ai reçu un appel quelques jours plus tard, j’ai passé une série d’auditions vidéo et d’entretiens téléphoniques, et trois semaines après, on m’a proposé le poste. Tout s’est passé assez rapidement.

Quels sont les morceaux que vous préférez jouer durant le concert ?

« Stranger In Moscow », bien sûr. Les compositeurs ont ajouté un gros solo de guitare à la fin du morceau pour le spectacle, car comme vous le savez, il n’existe pas sur le disque. Cela rend le morceau encore plus spécial et amusant pour moi. C’est le moment où je peux improviser et me donner à fond. Je joue avec tout mon cœur et je lui donne plus d’attrait pour s’accorder avec les émotions qui s’en dégagent. Par ailleurs, et sans hésitation, c’est le medley Jackson 5 que j’aime le plus ! Ça m’éclate tellement de le jouer ! Les arrangements sont parfaits et j’ai l’impression de retomber en enfance à chaque fois ! Les grooves sont tellement entraînants que je ne peux pas tenir en place la plupart du temps. Et puis, entendre les cuivres qui montent de la fosse d’orchestre pendant que je joue, c’est magique ! J’adore les cuivres. Notre équipe technique est incroyable et le groupe résonne très fort avec le public. Cette musique est tellement géniale.

Est-ce que la musique de MJ correspond à votre style musical ?

Totalement ! En évoluant en tant que guitariste, musicienne, auteure de chansons et sur les sessions d’enregistrement, la funk et la soul ont envahi ma vie. Mon style originel est un mélange de funk et de rock. La musique de Michael a prouvé au monde que tous les styles musicaux peuvent se mélanger pour créer quelque chose de magique : la pop, le gospel, la soul, le blues, le rock, le reggae, le métal, la funk… tout est là. La bonne musique reste de la bonne musique, peu importe le genre.

Un message à faire passer aux fans qui seraient intéressés d’assister à cette tournée ?

J’encourage tous les fans de MJ à venir voir le spectacle. Je ne dis pas ça parce que je suis dedans. C’est vraiment une expérience merveilleuse et joyeuse. La production est très bonne du point de vue théâtral : les décors, les éclairages, le son, les costumes, la dance, le chant etc… Le casting est rempli de gens tellement talentueux que c’est impossible de le décrire avec des mots. Il faut vraiment le voir pour comprendre. C’est à la fois un spectacle de Broadway et un concert de rock. Chaque soir, je grimpe sur les malles pendant le solo de « Beat It » et c’est un pur moment de rock ! Je suis totalement dans mon élément et j’adore l’énergie qui se dégage. Il n’y a aucune autre comédie musicale de ce type actuellement. Même si ce n’est pas quelque chose qui vous branche habituellement, croyez-moi, vous serez fan après avoir vu ce spectacle !

Les clameurs du public à la fin de la représentation me font halluciner à chaque fois ! TOUT LE MONDE est debout à faire des « checks » ou en train d’applaudir ou de chanter… C’est vraiment quelque chose de voir la musique de MJ continuer à être aussi puissante et à apporter de la joie à autant de gens. Le spectacle célèbre son héritage d’une très belle manière. Sa musique est intemporelle.

Et en plus de ça, pour moi, c’est aussi une façon de rendre hommage au remarquable travail de David Williams à la guitare. Il n’a jamais été reconnu à sa juste valeur, à mon avis, et je devais le mentionner car ça représente beaucoup pour moi. David était unique en son genre et mérite les honneurs pour les riffs de légende qu’il a apportés à la musique de Michael.

Au final, que représente cette participation à l’album HIStory dans votre carrière ?

Oui, encore une fois, c’était ma première véritable expérience « professionnelle » et j’étais très jeune. Sur bien des aspects, j’ai commencé au sommet et j’ai ensuite dû batailler pour y retourner à force de travail et d’abnégation. Cette industrie est un milieu très dur.

Ce que ça m’a appris, c’est qu’il ne faut jamais abandonner mais continuer à persévérer, peu importe les obstacles. Si vous voulez vraiment faire partie de ce monde, il faut apprendre très tôt et très vite pour avancer malgré les hauts et les bas.

Malheureusement, les bas l’emportent souvent sur les hauts. C’est le propre de l’industrie du divertissement. Mais il faut continuer et croire en soi-même et en son talent. Si c’est votre passion, rien ni personne ne pourra vous arrêter. J’en suis la preuve vivante.

Merci beaucoup pour cette opportunité, Brice. Cela fait des années que nous sommes en contact et j’apprécie ton soutien. J’espère que ta communauté de fans de MJ prendra plaisir à lire cet entretien.

Merci beaucoup Jen !

https://www.jenleigh.com/

https://soundbetter.com/profiles/148456-jen-leigh

https://mjthemusical.com/