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Tito Jackson : une guitare à la main.

La nouvelle est tombée ce matin comme un coup de massue tellement c’était inattendu. Tito Jackson nous a quittés à l’âge de 70 ans, alors qu’il était encore sur scène avec ses frères à Munich il y a quelques jours. Après le décès de son frère Michael en 2009, nous perdons pour la seconde fois un membre des Jackson 5.

Tito était le guitariste du groupe, et au moment de lui rendre hommage, il est bon de rappeler que c’est par lui que la légende de la famille Jackson a commencé. Alors qu’il avait emprunté la guitare de Papa Joe à son insu, une corde cassée allait sceller le destin de cette famille peu ordinaire. Le patriarche se mit forcément en colère en découvrant qu’on touchait à son instrument en son absence, mais ce fut avant tout un déclic qui lui permit de découvrir l’intérêt et le talent de ses enfants pour la musique. Tito a ainsi passé l’audition la plus importante de sa vie lorsqu’il a fallu démontrer ses talents. C’est ainsi que les Jackson 5 ont démarré pour atteindre les sommets en partant de Gary vers la Californie.

C’est par les concours amateurs que Tito s’est forgé au son de son ampli et de sa guitare, volontairement en retrait pour laisser la part belle à Marlon, Jackie et Michael s’exprimer au chant et dans les chorégraphies. C’est ainsi qu’il s’exprimera sur scène pour contrer sa frustration de ne pas pouvoir jouer de son instrument  lors des sessions en studio avec Motown.

Il est vrai que cet artiste a de nombreuses autres passions dans sa vie et ne compte pas se focaliser totalement sur son art. En témoigne son mariage avec Dee Dee à l’âge de 19 ans en 1972 et la naissance de Taj, son premier fils, l’année suivante. Taryll et TJ suivront : Tito est ainsi déjà père de ses trois garçons à l’âge de 25 ans. C’est ainsi qu’il leur transmit avant tout sa passion du Base Ball, bien avant la musique, en tant que joueur mais également en tant qu’entraineur. Lors des nombreuses tournées de son groupe, il en profite pour visiter les casses automobiles de certaines villes où les vieilles voitures avaient été fabriquées en grande quantité pour rechercher des pièces détachées de Ford Model T et de Model A, et ensuite bricoler des voitures anciennes. Cette autre passion de remonter des voitures anciennes faisait de ses mains celles d’un travailleur manuel et c’est ainsi qu’il se démarquait de ses frères.

Ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas impliqué dans le processus créatif des Jackson 5 devenus The Jacksons lorsque les frères signent chez Epic Records. Ce nouveau contrat permet à Tito de jouer de son propre instrument en studio sous la direction de Gamble et Huff ainsi que Dexter Wansel. En témoignent ces riffs pleins de délivrance qui s’expriment par exemple dans « Do What You Wanna » ou « Living Together ». Il n’est pas en reste au niveau de la composition en participant à l’écriture de « Style Of Life ». C’est à partir d’une de ses improvisations à la guitare que Michael signe l’une de ses deux premières chansons avec « Blues Away ». Vocalement, il reste toujours en retrait, laissant le chant principal à Michael et Jackie (et Jermaine auparavant chez Motown) mais il se permet un beau phrasé dans « Heaven Knows I love You Girl », sa voix grave se démarquant de celles de ses frères comme un personnage totalement à part dans la fratrie. On peut également souligner les arrangements avec solo jazzy dans l’album Live de 1981 pour « Heartbreak Hotel », démontrant ses influences et son esprit de bluesman allant à l’encontre de cette musique Pop qui finira par remplir les stades. Ce n’est pas péjoratif mais Tito est bien le seul Jackson qui serait épanoui pour jouer du blues dans un club, son autre passion.

L’année 1984 et la Thriller Mania feront de Victory l’album où chacun des frères apportera ses propres chansons. Dans ce contexte, Tito doit sortir de sa réserve naturelle pour nous offrir « We Can Change The World » dont il assure la composition, la production et le chant.  Il s’en suivra la tournée éponyme qui sera le point culminant du groupe, mais le départ annoncé de Michael du groupe lors de la dernière date annonce un tournant lors duquel les frères ne pouvaient que redescendre après avoir atteint ce sommet. Il s’en suivra en 1989 un album 2300 Jackson Street de qualité mais sans les succès au rendez-vous mettant le groupe en sommeil pour de nombreuses années.

La décennie suivante sera celle dans laquelle il soutiendra ses trois enfants dans leurs projets musicaux alors que Dee Dee disparait tragiquement en 1994. Taj, Taryll et TJ, devenus les 3T, signent chez Sony Music sous l’œil également bienveillant de Michael et offrent un album Brotherhood de qualité. De cette nouvelle génération Jackson, il est indéniable que ce sont les enfants de Tito qui ont le mieux réussi dans cette volonté de faire de la musique. En témoigne cette tournée européenne au cours de laquelle Tito monte sur scène avec ses fils pour reprendre des tubes des Jackson 5.

De tous ces souvenirs, le meilleur moment des concerts au Madison Square Garden à New York fêtant les 30 ans de carrière du Roi de la Pop restera ses retrouvailles avec ses frères. On aurait aimé que cela dure plus longtemps tant c’était émouvant. La deuxième date ayant eu lieu le 10 septembre 2001, on ne peut être surpris que ce moment historique ne fut pas repris dans les médias.
D’autant qu’il faudra attendre 2012 pour revoir les frères Jackson sur scène et sans Michael, pour les raisons que l’on sait. Après toutes ces années, il était bon de les revoir et de célébrer également Michael et son héritage de cette manière. C’est ainsi que le groupe a régulièrement fait le tour du monde chaque année et à l’heure d’aujourd’hui, nous devons mesurer cette chance car il aurait été triste de dire au revoir à Tito sans avoir eu la chance de le voir sur scène.

De ses dernières années, il nous aura offert deux albums en solo en 2016 et 2021 alors qu’il restait le dernier frère à ne pas avoir franchi ce pas. Avec Tito Time et Under Your Spell, il nous offre cet univers de bluesman dont il a souvent rêvé. Le plaisir de faire de la musique avant tout, lui qui aimait faire des festivals en solo à l’image d’un musicien prenant du plaisir dans les clubs comme je l’ai dit plus haut.

J’ai eu la chance de le voir trois fois sur scène avec deux rencontres à la clé. Je citerais bien volontiers cette date à Santander en 2018 au cours de laquelle j’avais pu remettre à chacun des frères un exemplaire de Let’s Make HIStory. Un très grand souvenir qui restera gravé. Toutefois, une autre anecdote me vient à l’esprit lors de ma première rencontre à Carcassonne en 2014. J’avais pu rester quelques minutes dans la loge avant le concert et prendre une photo avec le groupe. Le manager m’avait alors fait signe qu’il était temps de partir, que les frères devaient se changer pour monter sur scène. Me sentant pressé par le temps, j’ai sorti en catastrophe mon Laserdisc de Motown 25 afin de me le faire signer. C’est Tito qui a immédiatement vu ma détresse et qui s’est dirigé vers moi pour le signer. Il n’en est pas resté là en appelant chacun de ses frères pour faire de même. Il valait mieux car ils n’avaient pas prêté attention à moi et à mon sésame. C’est par son aide que ma mission fut accomplie. J’en étais bien conscient et au moment de quitter les lieux, c’est avec un grand sourire que je me suis tourné vers lui, le pouce levé. C’est ainsi qu’il m’a rendu ce sourire, comme s’il ressentait totalement ma joie. C’est de ce moment que je me souviendrai et c’était le moment de le partager. Une pensée pour sa famille et ses proches. Qu’il repose en paix…