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Steve Porcaro – « Someday / Somehow »

(Porcara Musica – 2016)

Au bout de près de quarante ans de carrière, la discographie du groupe Toto regorge de nombreuses pépites et mériterait de nombreuses lignes mais cependant, ce n’est pas le sujet central qui me motive à poser les doigts sur mon clavier. Je fais d’ailleurs ces gestes plein de lucidité, conscient qu’une personne en ce monde se débrouille mieux que moi en ce domaine. Un auteur plus talentueux que moi ? Vous n’y pensez pas ! Je faisais juste allusion à Steve Porcaro et ses synthétiseurs dont la musique offre un son bien plus agréable et riche que le tapotement de mes doigts. J’assume totalement ce fait au point d’écouter son nouvel album Someday / Somehow au casque afin que mes gestes n’interfèrent pas trop avec mon immersion dans l’univers du membre du line up original du groupe californien. Il est vrai que cette parution est une belle surprise et m’incite à en offrir une revue détaillée qui n’est pas forcément la vérité établie, mais qui représente ma vision et mon interprétation la plus sincère de ce musicien.

Après tant d’années à composer, programmer et jouer sur ses claviers aussi bien pour Toto que pour des bandes originales de films ou divers artistes, il est légitime de vouloir comprendre les raisons de ce choix d’une première oeuvre en solo. Mais quelles sont les réelles motivations de l’artiste derrière ce projet ? Par la présence de son frère Mike sur la majorité des titres de l’album, on peut ressentir la volonté de lui rendre hommage, un peu plus d’un an après sa disparition. Les nombreuses pistes enregistrées du bassiste enrichissent ce nouvel opus tel un document familial, d’autant que Jeff Porcaro, disparu en 1992, s’illustre également sur sa batterie sur un des titres de l’album. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir. On peut donc voir ici le prolongement du projet Porcaro Brothers avec le titre « Young At Heart » (Featuring Joseph Williams), le thème de la finale de la Ligue des Champions entre le Borussia Dortmund et la Juventus de Turin en mai 1997, avec une prestation en lever de rideau de l’événement et une sortie en single. Steve et Mike avaient maintes fois évoqué l’idée de reprendre leurs travaux en famille, sans que cela ne se concrétise, hélas, faute de temps et d’agendas concordants.

Les années ont passé comme si le temps était devenu un ennemi et ce constat a pu motiver Steve à franchir le pas, réalisant que la vie est courte et précieuse et qu’il est bon de l’embellir avec une musique qui restera à jamais éternelle.

C’est donc cette démarche d’un disque illustrant les talents musicaux de la famille Porcaro qui prédomine dans ce premier opus solo, tant Steve est légitime pour faire vivre l’héritage musical de ses frères. La présence de la nouvelle génération confirme pleinement ce ressenti : Samuel (le fils de Mike) joue de la basse sur la chanson-titre tandis qu’Heather, l’aînée du compositeur, est impliquée dans le graphisme et les photos du livret. 

C’est justement cette jeune femme qui est la source d’inspiration du premier couplet de l’album. Steve raconte ce fameux matin de juin où il est devenu père, ce qui a forcément bouleversé son existence en donnant un nouveau sens à sa vie. Techniquement, la programmation de son introduction reste brève mais efficace. C’est d’ailleurs une tâche qu’il a souvent effectuée pour Toto en studio, même lorsqu’il n’était plus officiellement membre du groupe (« King Of The World » pourrait être cité en exemple). Elle reste de courte durée car le thème de « Ready Or Not », si personnel et intimiste, impose de débuter sobrement par les sonorités d’un piano sans artifices et d’une guitare acoustique, tout comme le lead vocal assuré par l’auteur du texte. Bien qu’on devine l’allusion à Heather lors des premières lignes, le texte s’adresse également à Dominic et Micki, ses deux autres enfants. Le compositeur, parvenu à un âge de maturité, dispose du recul nécessaire pour leur délivrer ce message. Conscient qu’il ne pouvait sécher certaines larmes en faisant le tour du monde, il énonce toutes ces questions dont il aimerait connaître les réponses. Un thème très touchant qui parle à tous les parents ayant vécu un divorce les empêchant de voir grandir au quotidien leur progéniture. Le talent d’arrangeur de l’artiste permet de bien accentuer cette intensité qui monte progressivement au fil des notes. Les programmations vont alors soutenir les mots et leur offrir toute la puissance nécessaire aux moments opportuns. Comme si malgré tous ces cables et multiples branchements, c’est bien le coeur d’un homme qui parlait et dirigeait les opérations.

J’ai à peine le temps de me remettre de mes émotions que « Loved By A Fool » débute, et force est de constater que seuls le batteur Robin Dimaggio et Lenny Castro (inutile de préciser qu’il joue des percussions) accompagnent l’auteur-compositeur-interprète de la chanson. Dans ce thème qui évoque un amour non réciproque, Steve a appelé moins de musiciens que sur la plupart des titres de l’album. Il faut dire qu’il fait la part belle à son synthétiseur allant même jusqu’à sampler un son de guitare comme il l’avait fait sur le titre « You Are Not Alone » de Michael Jackson. Il ne s’agit pas de sonorités acoustiques comme en 1995, mais d’un solo endiablé, comme pour mieux démontrer le plaisir qu’il prend dans cette pratique. Tous ceux qui ont assisté à un concert de Toto peuvent avoir à l’esprit l’artiste dans un état second, possédé par son instrument et ne faisant qu’un avec lui. J’ai en tout cas cette image en écoutant ce titre efficace, comme si les sonorités de Steve Porcaro n’avaient aucune limite, comme si ces touches de clavier nous disaient que tout est possible.

Il est temps de passer à la chanson titre « Someday / Somehow » et à son écoute, on peut légitimement se demander s’il ne s’agit pas à nouveau d’un texte autobiographique. L’auteur évoque une relation qui s’enlise en s’adressant directement à la personne concernée. La musique exprime cette fatalité que le meilleur est derrière eux. Au point qu’elle reste pleine de sobriété afin de nous faire comprendre qu’il n’y aura pas de lendemain dans cette histoire qui vit ses derniers instants. J’ai alors la sensation d’un artiste s’exprimant dans un cadre intimiste et je l’imagine volontiers dans une petite salle de concert, loin des stades et des artifices, comme pour mieux exprimer son art.

Les sirènes de police, pourtant mixées de façon subtile, surgissent alors pour me conduire vers une nouvelle destination. J’ignore encore laquelle mais ces premières notes vont me guider dans ce nouveau voyage. Les indices sont pourtant là : Steve Lukather à la guitare, Mike Porcaro à la basse, Lenny Castro aux percussions… Mais bien sûr ! Ce son old school me donne la sensation d’être sur la West Coast, et avec Michael McDonald au chant, le doute n’est plus permis. Je m’imagine alors dans un cabriolet, cheveux au vent (et chemise à fleurs) sur une route de Los Angeles… Je me vois dans cette « Swing Street », et peu importe qu’elle soit le lieu de tous les excès car sous ces sonorités, j’ai l’impression que rien ne peut m’arriver. Il s’agit là d’un titre incontournable de l’album, au point qu’il devienne pour moi addictif, tournant en boucle lors de mon court trajet en voiture jusqu’au travail. En tout cas, ce titre va comme un gant à Michael McDonald : la voix de ce dernier reflète tellement ce son West Coast des années 80 que ce choix semble une évidence. Il est vrai que Steve Porcaro se considère davantage comme un compositeur qu’un chanteur, au point de savoir laisser la place quand il le faut derrière le micro, tout cela dans le but de servir sa chanson. Il ne faut cependant pas oublier que malgré ses talents à la composition, Steve est resté peu productif dans le domaine vocal avec ses compères de Toto. Il estimait que ses œuvres ne correspondaient pas aux différentes voix du groupe, au point d’effectuer une chose rare : assurer lui-même le lead vocal sur « Takin’ It Back » et « It’s A Feeling », les seules chansons pour lesquelles il est le seul crédité en tant qu’auteur depuis les débuts du groupe en 1978. L’arrivée de Joseph Williams en 1986 comme chanteur lui permettra de conjurer ce sort. Le fils du compositeur John Williams fera une belle interprétation de son titre « Lea ». Trois décennies plus tard, Steve interprète sept des treize chansons de son premier opus solo. Ce n’est pas qu’il soit spécialement fan de sa propre voix, mais son public apprécie de l’entendre et l’a encouragé à juste titre dans cette fonction. C’est donc dans le rôle de producteur qu’il a fait des choix, notamment celui d’une alternance entre lui et d’autres interprètes. Une autre facette qui démontre qu’il suit le processus de son album de A à Z, une polyvalence qui n’est pas forcément systématique dans le métier et qui en dit long sur son implication dans cet opus.

C’est justement une nouvelle voix qui se fait entendre sur « She’s So Shy » et elle n’est pas sans me rappeler celle de Michael Jackson. Dans un timbre et une diction assez proches, Jamie Kimmet offre une performance intéressante. Il faut savoir que j’ai interviewé Steve Porcaro récemment pour mon livre « Let’s Make HIStory » et qu’il m’avait confié qu’au moins trois chansons qu’il avait soumises au Roi de la Pop seraient présentes sur ce nouvel album. J’avais donc le souhait de reconnaître ces titres et je m’aperçois que Jamie est un excellent indice. Ma curiosité soudaine au sujet de ce dernier me permet d’apprendre qu’il vient de la petite ville de Kilmarnock en Ecosse. Je deviens alors fasciné par ce parcours qui l’a conduit à Los Angeles dans le studio du membre de Toto. Il fallait donc une voix proche de celle de MJ, pour ne pas trahir la vision originale du compositeur, un peu comme l’était la présence de Tevin Campbell sur l’album « Back On The Block » de Quincy Jones. Il est vrai que Michael, de réputation si timide, était taillé sur mesure pour s’imprégner de l’univers de « She’s So Shy ». Le fait de tomber sous le charme de quelqu’un d’aussi timide que soi peut s’apparenter à un chemin sans issue, et c’est là toute la dramaturgie de ces trois minutes et quarante-neuf secondes. La timidité entraîne forcément des questions qui resteront à jamais sans réponses puisqu’elle nous empêche de les poser, et cela devient forcément plus traumatisant lorsqu’il s’agit d’amour. Jamie est tout d’abord dans une phase d’observation, subjugué par celle qui croise son chemin. De façon candide, il ne peut s’empêcher de parler d’elle, comme d’un rêve inaccessible se trouvant juste devant lui. La carte de la sobriété s’impose d’elle-même à l’image de cette guitare acoustique. Le pont de la chanson permet de gagner en intensité avec ce solo de clavier concocté par Yada (le surnom de Steve donné par Michael !) qui semble vouloir aider à vaincre cette timidité de façon solennelle. Cela encourage Jamie à être plus explicite dans ses propos, déclarant qu’il serait là si elle le lui demandait. On a cependant conscience qu’il ne fera jamais le premier pas, et que cette histoire se termine avant même d’avoir commencé, à l’image d’un final qui semble volontairement écourté.

Je n’ai cependant pas trop le temps de cogiter puisque nous sommes déjà passés à la chanson suivante qui démarre sur les chapeaux de roue. Il faut dire que ce son de batterie est pour le moins efficace d’autant qu’il est forcément familier pour tous les inconditionnels de Toto. Je fais bien entendu allusion à la technique de Jeff Porcaro qui s’illustre brillamment sur ce titre, nous replongeant ainsi dans les années 80. Pour ma part, une bonne revue d’album se traduit par deux actes : une écoute au casque dans des conditions optimales et un feuilletage approfondi du livret. C’est ainsi que je remarque la seule photo servant à illustrer une chanson, comme si celle-ci avait un statut à part. Ce cliché des trois frères réunis nous ramène en 1983 : Mike a remplacé David Hungate à la basse l’année précédente pour rejoindre la formation de ses deux frères. Les sessions de l’album « Isolation » symbolisent donc les débuts du line up de Toto avec les trois frères Porcaro qui durera jusqu’en 1987. C’est justement lors de ces sessions que Steve composa une démo de « Back To You » après une dispute conjugale. On pourrait s’étendre aisément sur le thème et les paroles liées à l’illustre compagne de SP à l’époque, mais là n’est pas l’essentiel. Il faut avant tout retenir cette réunion musicale des frères où contrairement à la majorité des titres de l’album, Steve est le seul crédité à la composition. La magie de la technologie lui a permis de finaliser sa chanson telle qu’il l’avait imaginée au départ : un mix parfait entre sa démo et le master de la version de Toto comprenant les pistes de ses frères. Situé à mi-parcours, c’est incontestablement un moment fort de l’album, autant du point de vue émotionnel que musical.

Les premières notes de la piste 7 se font entendre et j’apprécie déjà les percussions efficaces de Lenny Castro qui ne sont pas sans me rappeler celles de « The Hurt » issue de l’album « Victory » des Jacksons. Cette brève allusion à cette ancienne composition de Steve Porcaro n’est cependant pas le seul indice me faisant penser à Michael Jackson à l’écoute de « Face Of A Girl ». J’ai alors ce réflexe de vouloir trouver des similitudes avec les arrangements de « Stranger In Moscow », mais cela n’est pas, selon moi, réellement flagrant. Dans ce type de sonorités, j’aurais également pu citer « Beautiful Girl », mais elle est restée au stade de démo et, à l’exception des fans du Roi de la Pop, sa parution dans le coffret Ultimate est restée confidentielle (elle comporte tout de même un magnifique solo acoustique de Steve Lukather). C’est donc surtout au travers de cette nouvelle prestation vocale de Jamie Kimmet que je comprends qu’il s’agit là d’un titre initialement proposé à MJ. Jamie est de nouveau impliqué dans une composition au thème mélancolique, bien plus sombre que sa prestation précédente. Après une interprétation dans un rôle plein d’innocence à la limite de la naïveté, c’est un peu comme si le britannique passait à des tourments adultes après ceux de l’adolescence. En effet, il affronte une rupture tellement brutale qu’elle en devient obsessionnelle. Ce visage féminin qui lui manque tant vient le hanter, au point de ne pas fermer l’oeil de la nuit. Les paroles expriment pleinement cette profonde détresse mais la musique fait le reste à l’image de ces percussions qui sonnent les battements d’un coeur brisé. Le clavier de Steve n’est pas en reste par une envolée magistrale lors du refrain mais que dire de ce somptueux solo de guitare qui symbolise un hurlement plein de rage et de larmes tellement la douleur est grande. Avant l’écoute de cet album, je ne connaissais pas le nom de Jamie Kimmet et c’est une belle surprise. La musique de Michael Jackson m’a fait découvrir le nom de Steve Porcaro et désormais ce dernier amène également de nouveaux noms dans mon cercle musical. Il ne faut cependant pas caricaturer le rôle de Jamie comme une doublure vocale du Roi de la Pop, puisqu’il est également impliqué à la composition de quatre titres de l’album. Du coup, je m’empresse de lui faire une demande d’ami sur Facebook…

Seule une guitare sèche accompagne la voix de Steve lors de l’introduction de « To No One ». C’est à nouveau une configuration avec un minimum de musiciens comme c’était le cas pour « Loved By A Fool ». La comparaison entre ces deux titres s’arrête là car la démarche artistique reste assez différente : l’auteur-compositeur, dans sa programmation de nombreuses sonorités, se veut ici d’une inspiration plus solennelle et spirituelle, au point d’entendre des cordes pour le soutenir vocalement et apporter une atmosphère particulière à l’ensemble. Il est vrai que cet exercice n’est pas une tâche trop ardue pour lui sachant qu’il a déjà suppléé un orchestre symphonique avec son seul instrument sur le titre « Little Susie » de Michael Jackson. Porcaro, tel un chef d’orchestre, met en scène un thème lié au désespoir et se doit d’en apporter les ingrédients surtout lorsqu’il est à contre-courant des codes établis. La foi est tellement source d’inspiration pour de nombreux artistes qu’il peut sembler pertinent d’écrire un texte remettant en cause l’existence de Dieu. Bien entendu, en citant des prénoms, Steve ne souhaite pas se mettre en avant dans cette position. Il raconte juste l’histoire de ces tierces personnes qui perdent l’espoir, suite à leurs nombreuses prières restées sans réponses, et à cette écoute, on se retrouve dans cette pièce sombre avec eux. On aimerait alors les réconforter, mais elles ne nous entendent pas, comme une sorte de fatalité…

La piste suivante est venue, mais j’ai toujours l’impression de me retrouver dans cette pièce sombre… Pourtant, l’atmosphère a bien changé et c’est comme si j’étais enfermé à double tour dans une ambiance bien plus pesante, dans un état proche de la claustrophobie, comme si nous étions prisonniers de notre propre existence, et ce sentiment domine lorsqu’on écoute « Make Up ». Alors, nous cherchons tous à maquiller notre quotidien pour fuir cette vérité trop pesante mais elle sera toujours là pour nous rattraper… Je ne me laisse pas pour autant abattre et je prends bien le temps d’apprécier et de découvrir les talents vocaux de Michael Sherwood. Ce dernier n’est pas pour autant un inconnu puisqu’il travaille avec Steve Porcaro depuis de nombreuses années. J’ai en mémoire leur somptueux « For All Time », écrit pour Michael Jackson lors des sessions studio de l’album « Dangerous » en 1990. Malheureusement évincée de la track-list, cette chanson aura enfin une existence sur un support officiel lors de la réédition de « Thriller » pour ses 25 ans en 2008. Elle restera, malgré tout, injustement confinée dans l’univers des fans et peu connue du grand public. Cette collaboration entre les deux hommes se confirmait pour moi lors de la participation de Sherwood au projet « XIV » de Toto à l’image du titre « Bend ». Son implication dans ce nouvel opus est encore plus significative de leur complicité. Michael Sherwood endosse le rôle de co-producteur et est crédité à la composition de 11 des 13 titres, et il est indéniable qu’il est le collaborateur le plus proche de Steve Porcaro. Il apporte tout son talent à « Make Up » qui peut se résumer à un tunnel sombre de 4 minutes et vingt secondes dans lequel on tente de retrouver la lumière…

Je suis en passe d’y accéder dès les premières notes de « She’s The One » qui semble un brin plus optimiste que les titres précédents. Il est vrai qu’un bon album se doit d’avoir une track-list homogène qui sache alterner ses différentes thématiques afin que le cocktail ne soit pas trop détonnant. Une sorte de lueur d’espoir bienvenue afin que ce disque ne retombe pas totalement dans une atmosphère trop sombre bien qu’assumée. Dans sa prestation vocale qui n’est pas sans me rappeler celle de « It’s A Feeling » (sur l’album « IV » de 1982), Steve évoque une femme qui a le béguin pour lui. Tout n’est pas parfait loin de là, vu qu’il n’est pas certain que ce sentiment soit réciproque, confus dans ses sentiments. Mais comme je l’ai dit plus haut, il s’agit bien d’une lueur d’espoir d’un avenir meilleur, chose qui paraissait si inaccessible lors des titres précédents. On s’en contente et on souffle un bon coup en reprenant foi en l’humanité d’autant que le musicien nous concocte un excellent solo de clavier (qu’on penserait issu d’une session studio de Toto) pour le final. A saluer également la prestation du batteur Shannon Forrest (présent lors de la tournée « XIV ») dont on espère qu’il continuera encore longtemps son chemin avec le groupe californien. Dans cette écoute, on parvient finalement à avoir cette certitude qu’après la pluie vient le beau temps malgré quelques nuages. Mais oui, la vie est belle !

Cette affirmation est d’autant plus valable lorsqu’on entend la voix de Michael McDonald nous offrir sa deuxième prestation avec le titre « Night Of Our Own ». La guitare de Steve Lukather, pleine de finesse et de sobriété, accompagne idéalement ce dernier. On aurait pu penser entendre un solo de sa part, tant cette technique fait partie intégrante de sa légende. Il n’en est rien car le virtuose est venu pour soutenir son frère de coeur dans son projet, préférant rester en retrait. J’avais déjà cette impression lors de « Sweet Thing », mais il s’agit là d’une confirmation : tous ces musiciens des sessions studio sont une grande famille. Le plaisir de se retrouver et de jouer ensemble reste la chose la plus importante et si toute l’humanité avait cette même solidarité, nul doute que le monde se porterait mieux. L’interprétation de Michael McDonald illustre pleinement ce constat et on sent son enthousiasme intact dans ces apparitions sur des albums d’autres artistes, comme c’était déjà le cas dans les années 80 pour Christopher Cross, Toto (ah, ces choeurs sur « I’ll Be Over You »…) et tellement d’autres… On ne peut rester insensible devant cette cohésion de groupe d’autant que ce titre gagne en intensité au fil des secondes, comme sous l’effet d’une dream team qui nous transporte hors de notre quotidien. C’est justement le thème de cette composition avec un couple voulant fuir la monotonie ambiante. De nouveau, un rappel que le temps qui passe peut devenir notre ennemi et qu’il faut savoir entretenir ces moments à deux, ceux des premiers jours. On ressent tellement de maturité et d’expérience de la vie dans ces textes tout au long de l’album qu’on peut l’interpreter comme une école de la vie. C’est dans ce contexte que Michael, lors du final, nous offre des ad-libs de bonne facture dont lui seul a le secret.

La prestation vocale suivante n’est pas moins intéressante puisque Mabvuto Carpenter nous gratifie d’une belle interprétation de « Painting By Numbers ». Steve Lukather avait déjà invité Jory Steinberg et Jenny Douglas Foote sur ses deux précédents albums, et on ne peut que se réjouir de cette nouvelle invitation d’un choriste de Toto sur un projet d’un membre en solo. D’autant qu’il s’agit là d’un lead vocal qu’il maîtrise de bout en bout, contrairement à Jory et Jenny qui étaient restées dans ce rôle de choristes avec Luke. Mabvuto, présent sur toutes les tournées de Toto depuis 2010, avait également chanté l’introduction d’« Orphan » sur l’album « XIV » mais c’est bien ici que nous pouvons le mieux apprécier ses talents vocaux avec une prestation de haute voltige. Au point de me souvenir de son enthousiasme à répéter le titre « Human Nature » avec son auteur en vue d’une prestation live avec Toto. Il est vrai que l’ombre de cette chanson planait dans mon esprit lors de ma première écoute de l’album. Elle est si symbolique et représente tellement l’univers musical de Steve Porcaro que je rêvais d’entendre un nouveau titre dans la même veine. Mon souhait est exaucé avec cette programmation nous donnant la sensation de décoller vers les cieux. La comparaison avec le tube de l’album « Thriller » me semble inévitable mais je ne pouvais pas faire un plus beau compliment. J’ai alors le sentiment que ce titre était destiné Michael Jackson, comme si la musique de Steve Porcaro était au service du falsetto de Mabvuto, le transcendant dans une autre galaxie.

Nous sommes alors revenus dans un thème mélancolique où il est question de soutien à l’être aimé qui tombe dans la dépression, mais pourtant on se sent apaisé comme si nous étions transportés dans les cieux afin d’être immunisés contre les douleurs vécues sur la terre ferme. D’un bilan plus général, c’est une grande satisfaction de voir Steve ressortir tous ses travaux antérieurs des coffres. C’est d’autant plus valable pour moi qui bénéficie alors d’un aperçu de ce qu’aurait pu donner d’autres collaborations avec Michael Jackson. Lors de notre précédente discussion liée à mon livre sur l’album «  HIStory », le membre de Toto m’avait confié ses souvenirs liés à leur composition commune : la chanson « Chicago 1945 ». Nul doute qu’il serait logique d’entendre ce titre avec la prise vocale du Roi de la Pop, et souhaitons que cela arrive un jour.

Le dernier acte du disque se présente comme une sorte de rappel à un concert. Il est vrai que l’artiste offre une prestation où il pose sa voix avec un seul piano comme instrument, me rappelant ces instants en forme d’au revoir à son public. C’est d’ailleurs un registre pour lequel on ne fait pas forcément de lien avec Steve Porcaro lorsqu’on est fan de Toto car on pense plus aisément à David Paich pour ce type de performance, mais « Yada » nous prouve qu’il n’a pas besoin de programmer des sons pour démontrer son talent. Un peu comme « Bend » a été le post-scriptum de l’album « XIV », « More Than I Can Take » est dans un rôle similaire d’autant qu’il s’agit là d’un nouvel hommage à ses frères disparus. Comme pour « Back To You », il est le seul crédité à la composition, voulant se retrouver seul avec lui-même pour donner vie à ce vibrant témoignage. Il n’aurait pu conclure cet album autrement…

Parfois, j’ai été en mode Steve Porcaro, au point de passer directement à la piste 7 de « XIV » avec le titre « The Little Things » pour m’imprégner de cet univers si unique et particulier. Aujourd’hui, je suis en mesure d’écouter cet artiste en boucle sans avoir besoin de trier les pistes. Merci à lui…

http://steveporcaromusic.com/