Catégories
Entrevues

Michael Durham Prince

Michael Durham Prince est un ingénieur du son qui a collaboré avec Michael Jackson de 1995 à 2009. Après avoir été présent au HIStory Tour, Il est devenu l’un de ses plus proches collaborateurs dans les années 2000 tout en se liant d’amitié avec Brad Buxer. Avec l’association On the Line, après les deux premières éditions du MJ MusicDay, nous sommes heureux de collaborer de nouveau avec le tandem Buxer-Prince pour ces deux dates de Making HIStory with MJ qui ont lieu à Paris et Cologne. En montant ce projet d’événements, je lui ai proposé de réaliser un entretien car je souhaitais vivement immortaliser ses précieux souvenirs sur le site. Par sa confiance et sa disponibilité, mon vœu fut exaucé. Lors de cette conversation, on ne peut que boire ses paroles tellement on ressent combien Michael Prince a vécu tout cela avec passion, professionnalisme et humanité envers Michael Jackson. Il est temps de vous la partager, je ne souhaite pas garder cela pour moi car c’est dans ce but que les livres et les événements existent.

Comment est venue cette passion pour le domaine de la musique et du son au point d’en faire votre métier ?

Mon père était musicien et compositeur. Il a écrit « Boogie Woogie Bugle Boy » et d’autres tubes pour des artistes avant que je vienne au monde. Alors, j’ai eu un intérêt au départ pour le piano et j’ai commencé à prendre des leçons à l’âge de 7 ans. Ensuite, je me suis tourné vers des cours de guitare à l’âge de 13 ans et j’ai eu ma première guitare électrique à 14 ans. J’ai démarré un groupe avec des copains à l’école, et au bout d’un moment, nous avons décidé qu’il nous fallait vraiment un claviériste dans le groupe, donc finalement, j’ai acheté un orgue et j’ai joué à la fois de la guitare et de l’orgue. Quand j’ai déménagé à Los Angeles, j’ai rejoint un nouveau groupe, « Legs Diamond », et au fil du temps nous avons écrit et enregistré 11 albums de musique Rock. Pendant que j’enregistrais les albums, j’étais de plus en plus intéressé par le travail d’ingénieur du son (enregistrer et mixer la musique).

Comment expliquez-vous cette évolution de musicien à ingénieur du son ?

Evidemment, au départ, je ne connaissais rien au son mis à part tourner les boutons sur ma guitare et mon ampli. Malgré tout, c’était intéressant d’entendre comment rendaient les basses et les aigus, ce que donnait la réverbération… Je savais que c’était ce que je voulais apprendre. J’avais déjà terminé mes études en 1974 mais je suis retourné dans une université du coin où j’ai suivi des cours d’ingénierie, de production et d’écriture de musique pop. J’ai également suivi un cours d’écriture pour le cinéma et la télévision. De la fin des années 80 jusqu’à il y a peut-être cinq ans, j’ai écrit plusieurs choses dans ces domaines. De nombreuses fois, je n’ai pas utilisé mon nom – j’étais engagé par l’auteur qui me demandait d’écrire une valse avec un quatuor à cordes, par exemple. Alors, j’écrivais ça, il me payait mais seulement son nom, pas le mien, était crédité au générique. J’étais d’accord car j’avais besoin d’apprendre, alors j’ai toujours dit « oui ». Du temps de mon groupe à l’école, nous avions finalement trouvé un chanteur. Il n’était pas très bon mais il avait un bon système d’amplification qui avait encore plus de boutons, alors j’essayais d’améliorer le son de sa voix en apprenant ce que chaque commande pouvait faire. Mais je me suis dit : « Eh bien, je sais ce que sont les aigus, et je sais ce que sont les basses, et les médiums… » Donc, c’était en grande partie par nécessité jusqu’à ce que je déménage en Californie où j’ai rejoint « Legs Diamond » et nous avons écrit beaucoup de chansons. Au cours des deux années suivantes, nous avons obtenu un contrat d’enregistrement mondial avec Mercury Records et, en studio, je regardais des ingénieurs sur de très grosses consoles avec 500 boutons. Pour moi, c’était tout simplement incroyable, un peu comme lorsque que vous entrez dans un cockpit d’avion pour la première fois. Je me disais : « Waouh ! Que font ces gars et à quoi servent tous ces boutons ? » Vous aviez toujours des basses, des médiums et des aigus, mais maintenant vous aviez aussi des compresseurs, des échos et des préamplis micro et toutes ces sortes de choses.

Au début, sur le premier album, je n’ai pas posé beaucoup de questions, je me suis contenté d’observer. J’avais le temps de le faire car je jouais de la guitare et des claviers, alors quand c’était au tour du chanteur, je m’asseyais derrière la console en observant ce que faisait l’ingénieur du son. Je n’ai probablement pas appris grand-chose lors du premier album, mais lors du second nous avons eu un meilleur ingénieur et un meilleur producteur et j’en ai appris un peu plus. Ils n’étaient pas satisfaits du son rendu avec la caisse claire, alors ils ont dit : « On va prendre un micro canon. » J’ai alors pensé : « Un micro canon ? C’est quoi un micro canon ? ». C’est en fait un petit micro assez fin, à peu près aussi gros que votre pouce mais d’une bonne vingtaine de centimètres de long, et ça s’appelle un micro canon car où que vous visiez, il ne capte qu’une seule chose. Ils essayaient d’améliorer le son de la caisse claire du batteur, alors ils l’ont placé sur un pied de micro à environ trois mètres du sol et ils l’ont pointé directement sur la caisse claire. Tout d’un coup, la caisse claire sonnait comme elle était censée l’être sur le disque et je me suis dit : « Waouh, ils ont changé le micro et maintenant ça sonne à merveille ! » C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que des micros différents pouvaient rendre le son des instruments différent. Donc, il y a des types de micros que vous allez utiliser pour un piano, et d’autres pour la voix, pour une guitare ou une batterie… Je ne pouvais toujours pas me permettre d’acheter du matériel mais j’étais toujours dans le groupe et nous essayions d’évoluer en tant qu’artistes. Ensuite, nous avons fait un troisième album, puis un quatrième, en 1984, dont j’étais le coproducteur. Je savais ce que je voulais concernant le rendu final des chansons. En 1986, nous avons réalisé notre cinquième album dont j’étais le producteur. Très souvent, c’était juste l’ingénieur et moi qui opérions, et j’ai pu davantage expérimenter différents sons, en essayant des choses sur la console, avec des samples et simplement en utilisant différents instruments. Ensuite, quand nous avons fait l’album suivant, en 1988, nous avons fait appel à un producteur très célèbre nommé Roy Thomas Baker qui a fait tous les disques de Queen et The Cars… Il est incroyable et j’ai beaucoup appris parce que pour cet album nous avions un plus gros budget. J’ai également retenu ce qu’il ne fallait pas faire, car il l’avait surproduit. Par exemple, il demandait de doubler une partie de guitare, ce qui veut dire rejouer la même chose sur une autre piste. Ensuite, il demandait à la tripler, mais parfois cela commençait à ressembler à un son de nouilles mouillées. Et puis il disait : « Maintenant, quadruple-la ! » C’est presque comme s’il pensait que plus vous jouiez la même chose, mieux ça sonnait, mais si vous écoutez la guitare d’Eddie Van Halen, rien n’est doublé : c’est sa guitare avec un bon micro, et c’est un excellent musicien, évidemment. Alors ça m’a enseigné ce qu’il ne faut pas faire parfois…

L’album suivant est paru en 1992, et puis nous en avons réalisé un autre, plus tard dans les années 90. J’ai aussi mixé un album live pour mon groupe que j’ai également produit en 2002 ou 2003. Puis, en 2005 ou 2006, on a fait un album studio dont j’étais le producteur et l’ingénieur, donc j’ai tout enregistré et mixé. A ce moment-là, je travaillais déjà avec Michael Jackson depuis sept ans, ce qui m’avait permis de me focaliser sur cet aspect parce que Michael n’avait pas besoin d’un musicien : il avait besoin d’un ingénieur et d’un programmeur. Cela m’a vraiment permis d’en apprendre davantage et de me concentrer sur ce que je devrais faire en tant qu’ingénieur pour que Michael soit content. C’était très facile parce que j’avais appris ça de quelqu’un qui est encore meilleur que Roy Thomas Baker et c’est Bruce Swedien ! Bruce était très, très bienveillant pour donner des conseils et des informations. Il disait: « Eh bien, pour Michael, vous devez utiliser ce micro-ci ou ce micro-là, et ça sonne vraiment bien si vous utilisez également l’un de ces deux compresseurs, et vous devez utiliser un préampli micro Neve 1073… » Donc j’avais déjà toutes ces informations. Ensuite, Brad et moi avons sillonné le pays, pour enregistrer les voix de différents artistes pour un projet de Michael qui n’a jamais véritablement vu le jour, appelé « What More Can I Give ». Nous avons enregistré Céline Dion, Luther Vandross, Justin Timberlake, Mariah Carey… et tant d’autres, des gens incroyablement célèbres et talentueux. J’ai appris énormément en faisant quelques petits ajustements sur les voix, j’ai mixé le tout et je l’ai donné à Bruce afin qu’il réalise le mixage final pour offrir le rendu d’un disque finalisé. Personne n’est aussi bon que Bruce Swedien. Travailler avec Michael Jackson, c’est ce qui m’a permis de perfectionner toutes les compétences dont j’avais vraiment besoin pour être ingénieur et producteur. En musique, la plupart des bons producteurs ont commencé comme ingénieurs. Ce que vous apprenez finalement, c’est à faire appel à un bon ingénieur, à vous asseoir et à écouter tout ce qui se passe, et votre travail consiste à tirer le meilleur parti de l’ingénieur et la meilleure performance de tous les musiciens et chanteurs du groupe. Vous pouvez donc dire au guitariste : « Je pense que tu peux jouer un meilleur solo. » S’il le fait, tant mieux ! S’il ne le fait pas, vous dites : « Eh bien, peut-être que la dernière prise est la meilleure. » C’est vraiment ce que vous faites en tant que producteur : vous essayez d’obtenir la meilleure performance de tous les musiciens.

Comment avez-vous été contacté pour travailler avec Michael Jackson et Brad Buxer ?

Je n’avais jamais entendu parler de Brad auparavant, mais un de mes amis qui avait participé au Dangerous Tour ne voulait plus voyager. Il avait créé sa propre entreprise de réalisation de vidéos et sa femme venait d’accoucher de leur premier bébé. Il est venu chez moi à Los Angeles et il m’a dit : « Aimerais-tu faire ce show avec Michael Jackson ? » J’ai dit: « Bien sûr ! » J’étais l’une des rares personnes qualifiées pour faire tout l’échantillonnage et la programmation dont ils avaient besoin. Et peu de gens pouvaient le faire. Alors mon ami a dit qu’il allait donner mon numéro de téléphone à Brad Buxer, le directeur musical. Une heure plus tard, Brad m’a appelé au téléphone et il a été très, très poli. Il a dit qu’ils faisaient ce truc à New York : c’était pour le concert qui n’a jamais eu lieu intitulé One Night Only, une émission spéciale pour HBO en 1995. Il a dit : « Envisageriez-vous de travailler pour autant d’argent par semaine ? » Et j’ai dit: « Oui ! » parce que c’était une bonne offre et plus que ce que je pensais gagner. J’ai dit « oui » tout de suite et je pense que le lendemain j’étais dans un avion pour New York ! Je suis resté à New York pendant deux ou trois semaines pour les répétitions et ce fut une très, très bonne expérience. J’ai apprécié et j’espérais continuer à travailler avec Michael et Brad par la suite. C’était tellement professionnel et toutes les personnes impliquées étaient les meilleures au monde.

Les concerts HBO au Beacon Theater prévus pour décembre 1995 étaient annoncés comme un brin plus intimiste que les concerts des tournées. Pensez-vous que cela aurait vraiment été le cas ?

Tout à fait ! C’est un petit théâtre de 2000 places et le spectacle aurait été intimiste, mais avec le même groupe que sur le HIStory Tour. Tous les fans auraient bénéficié d’un super emplacement. Il y avait beaucoup de choses fantastiques prévues pour ce concert. Michael avait prévu de chanter le même nombre de chansons en direct que sur le HIStory Tour.

C’était une salle à l’ancienne avec de grands balcons. Sur l’un des balcons devaient se tenir les deux guitaristes, sur un autre balcon de l’autre côté de la scène se seraient trouvé Brad et l’autre claviériste, sur un autre balcon encore il y aurait eu les choristes et sur le dernier, le batteur : ça aurait été vraiment chouette ! Tous les musiciens étaient reliés aux amplis donc le son aurait été excellent. Sur le HIStory Tour et pour la tournée This Is It, le groupe se tenait toujours à l’arrière de la scène. Il n’y avait pas beaucoup de lumières braquées sur les musiciens, elles étaient plutôt derrière eux, car le concert devait mettre Michael et les danseurs en avant, évidemment. C’était uniquement eux qui occupaient les dix mètres à l’avant de la scène. Bien sûr, si David ou Jennifer jouaient un solo, ils se mettaient à l’avant aussi. Comme ce concert devait être enregistré pour la télévision, il devait y avoir du public pour deux soirées. Je suis certain que toute l’attention se serait portée sur Michael pendant toute la durée du concert parce que c’était pour lui que les gens payaient et qu’ils venaient voir : Michael.

Un souvenir de votre première rencontre avec lui ?

Je n’ai pas réellement rencontré Michael jusqu’au HIStory Tour. Quand je travaillais sur les concerts HBO, Michael répétait dans un autre studio la plupart du temps, donc je ne l’ai pas rencontré à moment-là. Marcel Marceau devait participer à ce concert et j’étais un grand fan. Michael travaillait avec lui sur des mimes mais de manière privée et sûrement pas là où le groupe répétait. Au début, nous répétions dans une pièce, les danseurs répétaient dans une autre pièce et les choristes répétaient dans une autre pièce encore. Ensuite, les choristes ont rejoint le groupe, et Michael a commencé à travailler avec les danseurs. Nous n’avions donc jamais vu les chorégraphies avant de répéter sur la scène du théâtre pendant trois ou quatre jours. C’est là que j’ai vu Michael Jackson pour la première fois : je ne l’avais pas vu au cours des deux semaines précédentes. Je l’ai vu mais je ne l’ai pas rencontré parce que j’étais dans le groupe qui n’était pas prévu sur scène. En réalité, nous devions nous trouver sur les balcons du théâtre, pour essayer un truc novateur. Sur scène, il n’y aurait que Michael, les danseurs et des invités, comme Marcel Marceau.

Et votre rencontre sur le HIStory Tour, alors ? Quels souvenirs gardez-vous des premières répétitions ?

Sur le HIStory Tour, c’était la même chose. Ce que je veux dire, c’est que nous avons répété pendant des semaines : seulement le groupe, puis les choristes. Ensuite, nous sommes allés sur une immense scène installée dans le hangar d’un aéroport. C’est là que nous avons finalement vu les danseurs. Michael est arrivé, mais je me trouvais toujours à mon poste de travail, à appuyer sur des boutons et à faire ce que j’avais à faire, donc je ne l’ai pas rencontré. Je le voyais tous les jours et s’il regardait dans ma direction, il me souriait et me saluait mais il ne connaissait pas mon nom. Il ne parlait d’ailleurs pas tant que ça avec les membres du groupe car il les connaissait déjà. Il venait répéter les chansons et les chorégraphies, avec les danseurs, il partait le premier, puis c’était au tour les danseurs et enfin, à nous, le groupe. Ce n’est qu’en 1996 ou 1997 sur la tournée européenne qu’il est monté sur scène et est venu me parler ainsi qu’à trois autres membres de l’équipe technique. Il était très sympa et on a discuté du concert qui allait être super et il a dit qu’il était impatient de commencer… Je me souviens qu’un des techniciens portait une veste d’une tournée de Madonna, sur laquelle il avait travaillé auparavant. Michael était tranquillement en train de nous parler et il s’est approché de lui et lui a dit : « Je n’ai pas vraiment envie de revoir cette veste. » Michael n’était pas en colère : c’était presque dit sur le ton de la plaisanterie, avec un brin de malice dans le regard, mais c’était clair quand même, et je me suis dit qu’il avait tout à fait le droit de le dire. C’était la première fois que je me tenais à quelques centimètres de lui et que nous échangions verbalement. Il ne connaissait sans doute toujours pas mon nom, mais à ses yeux, nous étions tous importants, et en particulier l’équipe de programmation des sons sur scène. Tout le monde était important, même les cuisiniers, qui étaient parmi les meilleurs au monde et nous préparaient trois repas par jour. A la fin du concert, au moment de monter dans le bus qui nous emmenait dans la ville suivante, nous n’avions qu’à leur dire ce qu’on voulait manger, et une fois les camions chargés, on passait à la tente-cuisine et un petit sac était prêt avec notre nom écrit dessus. A n’importe quelle heure, onze heures du soir, minuit, notre sandwich était prêt : c’était vraiment gentil.

Diriez-vous que c’était plus difficile de travailler avec MJ qu’avec d’autres artistes, ou bien l’inverse ?

L’inverse, parce que lorsque je gère le son ou la production d’un album, je fais tout. Sur la tournée, je n’étais en charge que d’une ou deux choses. Je faisais toute la programmation de la batterie, de la basse et en partie des claviers. Je devais aussi m’occuper des sons samplés à partir des multipistes pour la tournée. J’aime beaucoup la programmation mais dès que la tournée a commencé, je n’ai travaillé que sur ce qui m’avait été assigné pour chaque concert. Je n’étais pas nerveux… Enfin, peut-être un peu parce que c’est bien d’être un peu nerveux pour que le cerveau fonctionne plus vite ! C’était très facile et Michael ne jouait jamais deux soirs de suite donc on était toujours libre la journée suivante. Le rythme était très agréable : on faisait en moyenne deux concerts et demi par semaine.

Est-ce que vous interagissiez davantage avec Michael ou avec Brad ?

C’est Brad qui me donnait les instructions car lui et Michael échangeaient constamment. Quand Michael voulait modifier quelque chose, il le disait à Brad qui nous en informait lors des répétitions : on faisait un petit soundcheck chaque après-midi avant le concert. Mais je n’ai pas souvenir d’avoir dû effectuer des modifications une fois la tournée commencée.

Sur la seconde moitié du HIStory Tour, en Europe, Brad et moi étions devenus amis et il m’a dit : « Je sais que tu es déjà très occupé avec tout ce que tu as à faire sur cette tournée, mais j’ai fait installer un système d’enregistrement avec des claviers et des enceintes dans ma chambre d’hôtel au cas où Michael souhaiterait composer. Je pense que tu es la personne toute désignée pour travailler avec nous : ça te dirait ? Par contre, ce sera un peu comme avoir deux boulots ! » J’ai répondu : « Bien sûr ! » J’ai vraiment pris ça comme une opportunité d’en apprendre plus et je me suis toujours très bien entendu avec Brad. Donc, sur le reste de la tournée, tandis que mes amis profitaient de leur journée libre et se trouvaient des restaurants sympas pour tester la bière locale, moi, j’allais dans la chambre de Brad et j’y passais la journée. C’est là que j’ai appris à travailler sur Pro Tools qui est toujours la station audio-numérique principalement utilisée en studio. Au début, j’observais Brad et je regardais ce qu’il faisait. Puis, au bout de quatre ou cinq mois, c’est moi qui faisais la majeure partie du travail et Brad m’a demandé : « Comment es-tu devenu si bon ? » J’ai répliqué : « En te regardant faire ! » Ce qui était vrai, mais c’était aussi grâce à ma curiosité et au manuel d’utilisation : je me demandais toujours ce que je pouvais faire de plus avec ce programme. C’est devenu mon activité principale dans mon travail avec Michael, à partir de 1997 : le pilotage de Pro Tools.

Etait-ce plus difficile d’obtenir un bon son dans un stade, par rapport à une plus petite salle ?

C’est égal. Le plus difficile, c’est une salle qui n’est pas conçue pour le son, comme une salle de sports par exemple, parce qu’il y a beaucoup de métal à l’intérieur et ça résonne énormément. Il faut donc un système d’amplification qui englobe toute la salle avec des enceintes à l’arrière pour que les spectateurs n’entendent pas le son avec un décalage. Mais rien n’est vraiment difficile en réalité : on peut obtenir un très bon son dans quasiment toutes les salles.

Quels sont vos meilleurs et vos pires souvenirs du HIStory Tour ?

Mon meilleur souvenir, c’est que le HIStory Tour avait un rythme tellement agréable que je n’avais jamais la sensation de m’épuiser. Enfin, j’ai doublé ma somme de travail quand j’ai commencé à travailler avec Brad sur les jours off, mais c’était un travail qui me plaisait. Je rentrais à l’hôtel vers deux heures du matin et le lendemain, nous partions pour une autre ville. L’une des pires journées, par contre, fut ce jour très triste où la Princesse Diana est morte, et nous avons annulé le concert en Belgique. Un autre moment parmi les pires sur le HIStory Tour a eu lieu à Moscou. Nous devions toujours embaucher environ 200 personnes du coin comme main d’œuvre pour monter et démonter la scène, et aussi charger les camions. Habituellement aux Etats-Unis, ces personnes font partie d’un syndicat et travaillent bien. En Russie, ils travaillaient bien aussi mais leur patron avait insisté pour qu’ils reçoivent la totalité de leur paie avant de commencer le travail. C’est donc ce qui s’était passé et ils nous avaient aidés à monter la scène. Normalement, à la fin du concert, ils devaient revenir nous aider, mais il n’y avait personne ! Le responsable des russes a dit : « Ils veulent plus d’argent. » Benny Collins, le directeur de la production, a refusé en disant qu’ils s’étaient déjà mis d’accord. Donc, ce jour-là, nous, les cinq membres du groupe, avons tout démonté nous-mêmes et chargé notre camion. Les russes avaient même pris les chariots élévateurs et les avaient déplacés à l’autre bout du stade, à l’exception d’un seul, mais dont nous n’avions pas la clé. Alors, l’un des techniciens, celui-là même qui avait la veste de Madonna, a « fait les fils » pour le démarrer ! On a débarrassé la scène, mais deux russes costauds se sont approchés en disant : « On veut ce chariot élévateur ! » Là, on leur a très gentiment signifié d’aller se faire voir ! On est rentré à l’hôtel pour dormir un peu, mais les autres sont restés pour charger tous les camions et les conduire à l’aéroport. On disposait de trois Antonovs soviétiques pour transporter tout l’équipement d’un endroit à l’autre, et il fallait payer en plus pour les charger. Benny avait déjà réglé pour ça donc les russes ont chargé les deux premiers avions, puis ils se sont arrêtés. Ils sont venus demander 10 000 dollars supplémentaires à Benny ou alors, ils ne chargeraient pas le troisième avion. Il était impossible de faire le concert sans la totalité de l’équipement, donc Benny a dû payer cash. On se serait cru à l’époque de la pègre aux Etats-Unis. Le concert suivant avait lieu à Varsovie, en Pologne, et le lendemain, alors que je me préparais à sortir pour déjeuner avec certains membres du groupe, j’ai vu des techniciens rentrer à l’hôtel et on aurait dit des morts-vivants : ils étaient restés debout toute la nuit ! C’est vraiment le pire truc qui nous soit arrivé car c’est le seul endroit où nous avons eu affaire à de mauvais travailleurs. Enfin, il y a eu une autre fois où j’ai dû élever la voix (chose que je ne fais jamais !) et faire descendre des manutentionnaires de scène : c’était en Inde. Ils n’étaient pas très grands ni très costauds, mais surtout ils étaient saouls et ils ont commencé à abimer le matériel. J’ai crié : « Non, arrêtez ! » J’ai dû les chasser et faire le boulot moi-même. C’était faisable mais ça prenait un peu plus de temps… Drôle de situation. Ailleurs, tout s’est passé formidablement.

Vous collaborez également en studio pour les sessions de l’album Invincible. Dans cette polyvalence, scène-studio, aviez-vous le sentiment de devenir un proche collaborateur de Michael Jackson ?

En fait, lorsque la tournée s’est terminée en octobre 1997, Michael avait déjà dit à Brad qu’ils allaient immédiatement commencer à travailler sur le prochain album. Je me souviens d’avoir été chez Brad, quelques jours après la tournée, et il m’a demandé si je voulais commencer à travailler sur le nouvel album de Michael. J’ai dit: « Bien sûr ! » Nous avons donc travaillé sur cet album pendant près de quatre ans. Tout d’abord, nous travaillions sur des chansons qui sortaient de la tête de Michael, et il n’y avait que Brad et moi, et parfois nous amenions un guitariste ou un percussionniste, mais Brad jouait lui-même du clavier et programmait les sons de batterie. Nous élaborions des démos que Michael pouvait chanter mais ce sont des chansons qui n’ont jamais figuré sur l’album. Finalement, peut-être après trois ou quatre mois dans ce schéma, Brad a dit que nous allions aller au studio d’enregistrement, et j’en étais content parce que cela signifiait que les choses allaient devenir plus sérieuses et concrètes. Nous allions être avec Bruce Swedien, et bientôt Michael viendrait et chanterait. Et c’est ainsi que cela a fonctionné. C’est aussi à ce moment-là que j’ai vraiment bien connu Michael, car il a fallu un certain temps pour enregistrer l’album. Parfois, nous travaillions au ranch et parfois chez Brad, mais la plupart du temps dans un studio d’enregistrement. Parfois, Michael invitait ma famille à venir au ranch pour lui rendre visite, monter dans les manèges et regarder un film !

Qu’est-ce que Michael aimait chez vous dans votre collaboration. Comment viviez-vous cette proximité avec lui ?

Au moment où nous avons commencé à travailler sur Invincible, Michael et moi étions devenus amis, et il se sentait à l’aise avec moi et me voulait à ses côtés. J’ai toujours du respect pour tout le monde : peu importe qui vous êtes, si vous êtes célèbre ou le facteur. Je peux parler à n’importe qui. Ma femme dit souvent : « Tu es tellement gentil avec tout le monde ! » Je lui réponds: « Ah bon ? » Je ne le fais pas consciemment, je suis comme ça. Donc je me suis toujours bien entendu avec Michael. Parfois, nous avions de courtes conversations, et à d’autres moments, il m’appelait au téléphone et nous pouvions discuter pendant une heure et demie. Une partie concernait uniquement la musique, mais la plupart du temps, ça concernait des choses quotidiennes comme ce qui se passait aux informations. Je me souviens d’une fois où un avion s’est écrasé en Amérique du Sud et il y avait beaucoup d’enfants et de femmes dans l’avion. Nous étions juste tous les deux au ranch et Michael m’a dit: « Pourquoi Dieu ferait-il cela ? » J’aurais aimé avoir une bonne réponse à lui donner, comme une réponse religieuse ou philosophique profonde, mais ce n’était pas le cas. J’ai dit : « Michael, ça n’a aucun sens. Je ne sais pas quoi dire… » Vous savez, alors que je rentrais chez moi le lendemain, j’ai pensé : « Oh, j’aurais aimé avoir une meilleure réponse ! » Pourquoi les mauvaises choses arrivent-elles aux bonnes personnes ?

Je me souviens qu’un jour, ma fille, Ali, m’a demandé si elle pouvait venir au studio voir Michael. Elle avait aimé le rencontrer sur la scène du HIStory Tour (pendant « Heal The World »). J’ai demandé à Michael si elle pouvait lui rendre visite et il a dit : « Bien sûr, amenez-la demain. » Alors, le lendemain, elle est venue au studio avec moi et a attendu que MJ ait un peu de temps à lui consacrer. Quelques minutes plus tard, Michael m’a dit de l’amener dans la cabine du studio, alors nous sommes entrés. Ali s’est approchée de lui et ils ont commencé à parler. Lorsque Michael lui a demandé quel était son artiste préféré, elle a immédiatement répondu « Les Spice Girls ! » Michael avait un grand sourire et il a rigolé. Il aimait son honnêteté et ce fut une belle journée pour nous trois.

Pouvez-vous nous raconter des souvenirs liés à vos travaux et votre rôle auprès de Michael, Bruce Swedien et Brad Buxer durant ces sessions ?

La plupart du temps, je travaillais sur Pro Tools, un programme d’enregistrement et de montage numérique qui permettait donc d’enregistrer et de monter les chansons pour ensuite les mixer. Je garde de très bons souvenirs de Bruce, Brad et Michael, et de la manière dont tout le monde travaillait dur et du dévouement de chacun pour rendre chacune des chansons la meilleure possible.

Gardez-vous en mémoire quelques anecdotes de studio avec Brad, Bruce et Michael sur ces sessions ?

Sur Invincible, il y avait trois équipes : l’une était composée de Michael et Brad, la deuxième était celle de Rodney Jerkins et enfin, il y avait l’équipe de Dr. Freeze dont le véritable nom est Elliot Straite. Au début, quand nous sommes entrés en studio, on travaillait sur les chansons que Brad et moi avions élaborées avec Michael, et Dr. Freeze en avait aussi déjà quelques-unes car il écrivait tous les jours, et il avait de très bons morceaux. Ensuite, Michael a intégré Rodney (que je ne connaissais pas auparavant) qui était chaperonné par Teddy Riley. Je me souviens qu’on a travaillé sur cet album à L.A., à New York et en Floride sur cette période de presque quatre ans. Quand tout fut terminé, je me suis rendu dans les bureaux de Michael et j’ai récupéré une copie du CD que j’ai écouté dans la voiture en rentrant chez moi. Le son était fabuleux car c’était Bruce qui avait fait le mixage, et la voix de Michael était incroyable comme on pouvait s’y attendre. C’était vraiment une œuvre d’art !

Vous avez également travaillé dans le studio de Neverland. Qu’avez-vous fait exactement là-bas ?

Le studio était au ranch de Michael et c’était une combinaison de mon équipement et de celui de Brad. J’ai pris environ une journée pour tout mettre en place et nous pouvions réaliser presque tout ce que n’importe quel grand studio pouvait faire. Quand je suis arrivé à Neverland, je travaillais tout le temps avec Brad et Michael : nous n’étions que tous les trois. Parfois, une fois que Michael avait soumis des idées à Brad, Brad disait: « Ok, nous avons besoin de quelques heures sans toi, Michael. » Michael retournait dans la maison, tandis que Brad et moi travaillions, parfois jusqu’au bout de la nuit, et Michael venait le matin après le petit-déjeuner. Il y avait des instructions tout le temps et chaque instruction de Michael était spéciale parce que s’il disait : « Essayez un son de corde différent ici. » ou « une grosse caisse différente sur cette chanson », alors on mettait une ou deux autres grosses caisses et on le laissait choisir celle qu’il préférait. Souvent, lorsque vous commencez à écrire, vous utilisez un son de caisse claire très basique. Puis, une fois que la chanson avançait un peu, Michael disait qu’il fallait vraiment travailler sur un son de batterie différent, quelque chose d’unique, quelque chose de spécial. Une fois, j’avais un petit enregistreur numérique avec un microphone et Michael m’a envoyé à un endroit où ils fabriquaient la plupart de ses limousines, un endroit où ils construisaient des voitures personnalisées. Je leur ai demandé de prendre des outils et de les frapper ensemble ou de les laisser tomber sur le sol, et j’ai enregistré tout ça. Puis, j’ai raccourci les prises pour les utiliser pour les sons de percussion. Michael voulait des sons que personne n’avait entendus auparavant. Souvent, nous utilisions tout de même des sons de grosse caisse et de caisse claire « normaux » parce qu’il faut avoir un son qui attire les gens ou qui leur plait à l’oreille, mais il y a beaucoup d’autres petits sons qui avaient été enregistrés dans la nature ou dans une usine.

Au début, comme je n’aime pas demander des choses, si je n’avais pas besoin d’être au ranch avant midi le lendemain, je rentrais chez moi, à une heure et demie de voiture de là. Mais finalement, je me souviens avoir demandé à l’assistant de Michael s’il n’y avait pas un hôtel à proximité. Evidemment, il y en avait un, à environ quinze minutes, où j’ai commencé à séjourner. Si j’avais demandé, j’aurais pu rester au ranch dès le départ, mais en même temps, j’appréciais de pouvoir en sortir. Imaginons que nous arrêtions de travailler vers minuit, en rentrant à l’hôtel, je savais que Michael ne pourrait pas avoir une autre idée à deux heures du matin et dire : « On se retrouve au studio ! » puisque je n’étais pas là. A un moment cependant, Michael et Brad m’ont suggéré de rester dans l’un des bungalows au ranch. C’est donc ce que j’ai fait et l’une des choses appréciables, c’est que Michael avait des cuisiniers à plein temps pour le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner. Il n’y avait qu’à décrocher le téléphone, faire le numéro de la cuisine et commander des œufs, du bacon, des toasts et une tasse de café, et dans les dix minutes, on frappait à la porte et vous livrait le petit déjeuner ! Je me suis dit : « Eh bien, je crois que je pourrais m’habituer à ça ! ». Du coup, quand on travaillait au ranch on n’avait pas besoin d’en sortir : si on avait faim, on appelait et on se faisait servir une salade ou n’importe quoi d’autre au menu.

Dans votre rôle d’ingénieur du son, est-ce que la configuration scénique des concerts au Madison Square Garden, avec Michael sur scène, et les musiciens à l’étage pouvait être compliquée concernant la communication ?

Personnellement, je n’aimais pas du tout cette configuration, mais il fallait faire avec, et nous avons fait du mieux que nous pouvions. Michael appréciait davantage d’avoir le groupe avec lui sur scène, un peu comme le leader d’un groupe de rock. Nous avions un très bon ingénieur du son sur ces concerts et il a fait beaucoup pour aider Michael à entendre le son et la puissance du groupe.

Avez-vous apprécié de voir Michael sur scène avec ses frères ?

Oui, beaucoup ! C’était un peu mouvementé au départ, parce qu’avec Michael, il n’y avait qu’une seule star et un seul égo. Si Michael était content, tout allait pour le mieux. Brad et Michael m’ont dit : « Là, on va aller dans le studio de danse et il faudrait que tu installes un peu de matériel pour pouvoir jouer les chansons des J5 et de Michael. » Jonathan “Sugarfoot” Moffett était là également. Tous les frères sont venus et c’était très agréable de travailler avec eux. Ils s’entendaient tous très bien et ont passé trente minutes sur scène formidables. Le public a adoré !

Vous attendiez-vous à reprendre la route avec Michael pour une tournée Invincible ?

Nous avons fait deux concerts au Madison Square Garden, et après le second concert, nous sommes rentrés à l’hôtel dans un van, avec Brad et Michael Bush. Ce dernier a dit : « Michael m’a prévenu que tout le monde doit s’attendre à un coup de fil dans les quinze prochains jours car nous allons partir en tournée. » On était tous très excités d’entendre ça : ça signifiait beaucoup de travail et de moments de joie, et aussi que Michael allait repartir en tournée et à la rencontre de ses fans de nouveau. Mais le lendemain matin, c’était le 11 Septembre… et tout a changé. Michael serait probablement parti en Europe d’abord, mais tout à coup, c’était devenu l’endroit le plus dangereux du monde puisqu’on ne savait pas encore qui était responsable des attentats. On a continué d’espérer, mais début 2002, tous les artistes annulaient leur tournée mondiale. Comme pour le COVID. Il y avait encore quelques tournées aux Etats-Unis mais Michael aimait faire des tournées mondiales. Je ne sais pas si il était plus populaire en Europe mais s’il devait choisir entre faire une tournée aux Etats-Unis et en Europe, il choisirait l’Europe sans aucun doute. Ici, aux Etats-Unis, toutes les villes nous semblent les mêmes. C’est un beau pays, mais pour moi, l’Europe est beaucoup plus fascinante. Quoi qu’il en soit la tournée n’a jamais eu lieu.

Nous devions également jouer le soir du réveillon du Nouvel An pour le passage à l’an 2000. Nous avions fait deux concerts de préparation en 1999, l’un en Corée du Sud et l’autre en Allemagne. Nous avions monté deux scènes, l’une pour l’Europe et l’autre pour l’Asie, puis l’Australie. Michael allait réaliser quelque chose que jamais personne n’a jamais fait et il allait rentrer dans le Livre Guinness des records, qu’il adorait feuilleter par ailleurs. Le projet était de jouer le soir du réveillon en Australie, puis de prendre l’avion jusqu’à Hawaï, et de faire un second concert pour le réveillon là-bas. On se disait que ça allait être génial. Mais en Allemagne, il y a eu un problème avec les câbles qui maintenaient le pont sur lequel Michael se tenait pendant « Earth Song », et le dispositif s’est écrasé au sol. A ce moment-là, je pense que Michael s’est dit qu’il n’avait pas besoin de faire ça, qu’il n’avait pas besoin de risquer sa vie pour de l’argent, et on ne l’a pas fait. Mais ça aurait été un truc à mettre dans les livres de records ! Beaucoup de travail mais aussi d’amusement !

Le fait de rester, avec Brad Buxer, de proches collaborateurs pendant les moments difficiles, entre 2003 et 2005, a-t-il renforcé vos liens avec Michael et cela l’a-t-il aidé à surmonter certaines de ses difficultés ?

Oui, absolument. Nous avons toujours été là pour lui. Il a toujours voulu continuer à écrire de nouvelles chansons. Je pense que cela l’a vraiment rendu heureux et a permis à sa créativité de perdurer. Quand il était au Bahreïn et en Irlande, il parlait à Brad au téléphone, puis Brad me disait sur quoi nous devions travailler. Cela a vraiment été bénéfique pour Michael parce qu’il souhaitait s’éloigner de tout, il n’a plus jamais voulu passer du temps au ranch : il disait que c’était sa maison mais que ce n’était plus chez lui. Je pense qu’il a vraiment eu un processus d’écriture très confortable avec Brad et avec moi. Je pense qu’écrire de la musique a toujours aidé Michael à rester heureux. Il était heureux quand il créait.

Vous êtes ensuite impliqué dans le projet This Is It. Comment vous a-t-on a contacté pour ce poste?

Michael et moi sommes toujours restés en contact. Il m’appelait au téléphone et on parlait de tout. Brad et moi sommes allés à Las Vegas plusieurs fois pour travailler avec lui et monter notre studio. Quand Michael a annoncé la nouvelle tournée, il m’a appelé le lendemain et je l’ai félicité. Il a dit: « Tu sais que tu fais ça avec moi, n’est-ce pas? » J’ai ri et j’ai dit : « Maintenant, je le sais. »

Comment était-ce de ne pas travailler avec Brad Buxer pour ce projet ?

Je n’ai pas aimé ça.

Quels souvenirs gardez-vous de ces répétitions et de ces derniers moments avec le Roi de la Pop?

Je me souviens à quel point le spectacle allait être grandiose. Tellement de grandes idées de production qui étaient plus phénoménales et meilleures qu’auparavant. Mes meilleurs souvenirs sont ceux de Michael et moi dans sa loge, rien que nous deux, parlant du show, du futur et de ses enfants.

Pouvez-vous m’en dire plus sur son état d’esprit au sujet du show et de son avenir ?

Eh bien, vous ne pouvez jamais rien garantir à 100%, mais Brad est convaincu que s’il avait été là, Michael serait toujours en vie. Pour Brad, Michael était d’abord un ami, et si il avait vu que Michael ne se sentait pas à cent pour cent, il serait allé voir Kenny ou AEG et leur aurait dit: « Michael a besoin d’une semaine de congé. » Il n’y avait pas vraiment autant de temps dans le planning que nous l’aurions tous souhaité pour les répétitions et la programmation. Je me souviens avoir scruté avec Kenny Ortega le calendrier sur le mur dans le bureau, et il annonçait le départ pour l’Angleterre, l’installation du matériel dans l’O2 Arena pour jouer le spectacle le même soir. Alors, j’ai dit à Kenny : « Nous ne pouvons pas équiper la salle et jouer le concert le même soir ! Nous avons besoin d’au moins deux soirées pour répéter le spectacle sur place afin que nous puissions faire le soundcheck avec un timing parfait pour les changements de décors et de costumes. Tu dois arranger ça. » Kenny a répondu : « Tu as raison ! » Et c’est là qu’ils ont changé la date du premier concert pour le décaler à quatre ou cinq jours plus tard, mais du coup tous les gens qui avaient des billets de concert pour le premier soir n’en avaient plus pour ce concert-là. Honnêtement, je pense vraiment qu’aucun de nous ne savait, et je ne savais certainement pas, à quel point Michael était nerveux rien que pendant les répétitions. Je savais qu’il avait de l’anxiété à propos des grands concerts, et c’est compréhensible : ça s’appelle le trac et il en faut un peu parce que c’est sain. Mais je n’avais aucune idée qu’il avait un médecin qui lui donnait des médicaments pendant les répétitions, parce dans ce cadre, on peut s’interrompre sur une chanson quand on veut, et si quelqu’un veut aller prendre un hot-dog ou déjeuner, il n’y a qu’à dire : « Eh, on prend quinze minutes de pause ! » Je n’avais aucune idée que Michael était si stressé jusqu’à ce qu’il meure… Mais je pense que peut-être Brad l’aurait ressenti immédiatement et il serait allé voir AEG et Kenny pour leur dire: « Nous devons nous arrêter pendant deux semaines. » Bien sûr, vous alliez contrarier certaines personnes à Londres, ou des fans qui allaient devoir changer leurs plans, et peut-être que cela aurait commencé trois semaines plus tard. Parfois, vous ne réalisez pas que même les plus grandes stars sont des humains et qu’elles ont besoin de quelques jours de repos.

Racontez-nous cette amitié avec Brad Buxer. Comment a-t-elle évoluée avec le temps ?

Brad est immédiatement devenu un ami en 1995 et il l’est depuis ce jour et le restera à jamais. Je savais qu’il avait toujours en tête de servir au mieux les intérêts de Michael, et de mon côté, j’ai toujours eu en tête de servir au mieux leurs intérêts, à lui et à Michael. C’est pour ça que tout a si bien fonctionné. L’amitié, le talent et la confiance.

Est-ce que le fait de travailler ensemble de nos jours est une manière de garder la mémoire de Michael vivante et de vous remémorer l’expérience que vous avez tous les deux eue avec lui ?

Absolument ! C’est ce qui nous rend heureux et nous aide à nous souvenir. Maintenant que Michael n’est plus là, c’est bien de pouvoir parler aux gens qui l’admirent, lui, sa musique et sa danse, et de leur en dire un peu plus sur sa créativité, son processus d’écriture et d’enregistrement de ses chansons, et sur lui, Michael, en tant que personne.

Après deux venues avec Brad Buxer au MJ MusicDay, vous allez collaborer de nouveau avec l’association On The Line pour un nouveau projet d’événements en 2022, Making HIStory with MJ. Pouvez-vous nous en parler un peu et adresser un message aux fans de Michael Jackson ?

C’est assez similaire à ce que nous avons fait auparavant, dans le sens où nous y parlerons de Michael Jackson et des différents aspects de son monde créatif. Mais nous ne prévoyons pas vraiment ce qu’on va aborder ou ne pas aborder. Il est possible qu’on se dise : « Eh, on n’a pas parlé de ces deux ou trois chansons la dernière fois, alors on va commencer avec celles-ci. Je pense que les séminaires sont plus centrés sur le public qu’autre chose : c’est pour ça qu’on aime que les gens nous posent des questions. On prend une question et on va dans cette direction. On veut parler de ce que les gens ont envie d’entendre, de ce qui les rend curieux. Mais on n’a pas de planning préétabli, du style, pendant quinze minutes, on parle de ça et de ça. Cependant, nous avons une liste de chansons parce que je dois m’assurer que je les ai bien avec moi. Je crois que les gens aiment écouter des pistes isolées, comme les parties vocales de Michael ou celles des choristes. Ensuite, on peut expliquer comment ces choses ont été ajoutées les unes aux autres pour aboutir à la chanson finalisée, mais ce n’est pas un discours d’une heure comme un président. Nous voulons que les gens soient impliqués. Ils apprécient vraiment d’entendre sa voix et à quel point il mettait son corps tout entier dans sa performance vocale.

C’est le point de départ de longues années de partage avec les fans de Michael sur sa manière d’être, son processus créatif, sa vie professionnelle et personnelle. Nous prévoyons d’avoir des invités qui ont également travaillé avec lui et d’utiliser de la musique, des photos et des vidéos pour illustrer nos présentations. Michael a les fans les plus incroyables de la terre qui souhaitent tous le connaître un peu mieux, et ils seront exaucés.